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Les abattoirs aussi s’informatisent

Depuis la crise de la vache folle, on parle beaucoup de traçabilité. Rendue obligatoire en 1996, l’étiquetage de la viande bovine, du producteur au consommateur, est facilitée par l’informatique. Visite de l’abattoir de Challans, en Vendée.

Challans est célèbre chez les gastronomes pour son canard. Depuis plus de cent ans, les gourmets qui le dégustent dans le grand restaurant parisien La Tour d’argent reçoivent en souvenir de leur repas une carte numérotée portant le pedigree de l’animal qu’ils ont mangé. La traçabilité des produits alimentaires, dont on parle tant depuis l’épidémie de la vache folle, n’est finalement que cela : savoir d’où vient ce que l’on mange. Ou, si l’on préfère la définition officielle, “l’aptitude à retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’un article ou d’une activité au moyen d’une identification enregistrée”.

Selon un règlement d’octobre 1998, toute viande bovine doit comporter un étiquetage mentionnant son origine, sa catégorie, son type racial. La réglementation insiste sur la traçabilité ” descendante “, qui permet de déterminer dès le départ la destination des produits, tout autant que sur la traçabilité ” montante “, pour retrouver son origine. A l’échelle industrielle, cela passe par beaucoup de contrôles à tous les niveaux des cha”nes de la production, et un recours à l’outil informatique pour stocker et transmettre les données tout au long du ” trajet ” allant du producteur au consommateur.

La boucle à l’oreille

A l’abattoir de Challans, on a dépassé depuis longtemps la seule étiquette sur la patte du canard. Cette structure de taille moyenne traite toutes sortes d’animaux : moutons et agneaux, vaches, b?”ufs, veaux. Ses installations viennent d’être mises aux normes européennes et l’informatique équipe maintenant la chaîne de production comme les bureaux.
Mais la traçabilité commence en amont, chez l’éleveur. Le “naisseur”, agriculteur spécialisé dans le vêlage, doit déclarer dans les sept jours la naissance de son animal, qui se voit alors attribuer un numéro national d’identification.
Cette ” carte d’identité “, qui joue aussi le rôle de carnet de santé, le suivra toute sa vie : c’est la petite boucle qui orne son oreille et sur laquelle est inscrit son numéro d’identification. Si un animal change de propriétaire ou part dans un autre élevage, ses déplacements sont consignés.
A l’arrivée au centre de transformation (l’abattoir), un bouvier vérifie la conformité du numéro inscrit sur la boucle d’oreille avec celui porté sur le titre de transport officiel, le Dab (Document d’accompagnement bovin). Ensuite, il entre le ” numéro de tuerie ” dans le réseau informatique de la chaîne de l’abattoir. Lors de l’abattage, ce numéro est validé une première fois.

“Le passeport existe depuis longtemps, mais ce n’était pas vraiment contrôlé”, explique le vétérinaire qui supervise les installations. “Car pour faire des contrôles, il faut disposer d’un équipement permettant de les effectuer d’une manière pérenne.” C’est précisément le rôle que joue l’informatique.
Une fois l’animal dépouillé, sa carcasse encore entière passe à la pesée fiscale. Pour l’acheteur et l’éleveur, c’est le premier indicateur de la valeur de l’animal sur le marché. “A l’arrivée à la pesée, on lit l’étiquette à l’aide d’un pistolet à laser, puis on génère une étiquette de pesée, sur laquelle sont inscrites toutes les informations qui peuvent être reprises par les usagers de la chaîne “, explique Eric Martineau, responsable de la production.

Créer un lot de steak haché

Une fois la bête pesée, elle est soit acheminée entière par camion vers son destinataire, soit découpée sur place, voire transformée directement en steak haché. C’est là que la traçabilité se complique, puisqu’il faut pouvoir attribuer une origine à tous les morceaux. C’est encore grâce à l’aide de l’informatique que l’on va reconstituer ce puzzle.

“Dès qu’une bête entre dans l’atelier de découpe, on édite une étiquette pour chaque partie. Avec l’avant de la bête, on va faire du steack haché. On va donc créer un lot de steak haché. Sur une autre partie, on va faire ce que nous appelons du muscle, comme l’entrecôte, le rumsteak, le faux-filet. Nous allons encore éditer une étiquette. Ainsi, on peut savoir exactement de quelle bête est issu le faux-filet, par exemple”, explique Gérard Dédie, chef de projet chez IDA informatique, une société spécialisée dans l’informatique agroalimentaire, qui réalise l’installation du système et les logiciels fonctionnant à Challans. “Nous avons pour cela un arbre de découpe qui nous permet de décompter et de vérifier, au fur et à mesure, le nombre de morceaux. C’est ce que nous appelons faire de la reconstitution de carcasse.”


Le pot-au-feu bientôt sur le Net

Pour des lots de steak haché de plusieurs tonnes, constitués avec un grand nombre d’animaux, l’identification ne peut être aussi individualisée. Mais toutes les bêtes du lot sont répertoriées, et l’information sur chacune d’elles reste disponible. Les systèmes de traçabilité mis en place dans les centres de transformation de la viande suivent maintenant des cadences industrielles. La prochaine étape sera la mise en ligne des informations. Déjà, des outils informatiques utilisant la télématique (par Minitel) fonctionnent.
A Challans, Boviloire, un serveur remis à jour tous les matins, permet ainsi à l’éleveur de consulter les résultats de la pesée de son animal. “Nous allons passer à des bases de données protégées consultables par Internet, aussi bien par le personnel d’encadrement de l’abattoir, que par le client et le distributeur, sans oublier les éleveurs”, anticipe Raymond Folliot, le directeur de l’abattoir. “Notre souci est de mettre à disposition de tous les acteurs une information vérifiable et très fiable.”

Déjà, toute la chaîne d’information aboutit chez votre boucher (ou dans votre grande surface), qui peut vous indiquer sans hésiter l’âge, le sexe, la race, le nom de l’éleveur, le lieu de l’abattage de la viande de votre pot-au-feu ou de votre rumsteak. Demain, peut-être fera-t-il en plus son marché sur Internet. Bon appétit !

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Alain Thomas Photos William Parra, Alain Thomas