Souvenez-vous : il y a un an tout juste, Jeff Bezos était élu homme de l’année par Time magazine. Qui aurait imaginé que 2000 serait son annus horribilis ? En un an, la valeur de l’action Amazon a été divisée par cinq. Un an a suffi pour changer d’époque. Mais la deuxième ère internet, qui débute avec le IIIe millénaire, se fonde sur quelques certitudes chèrement acquises.Nul n’est au-dessus des lois de l’économie. Dans le système capitaliste, une société qui ne fait pas de profits (ou n’en fera pas vite) n’a pas de raison d’être.Le monde du business était plus sain avant l’invention du mot ” business model “. Si l’on doit se demander d’où viennent les revenus (c’est bien le sens de l’expression), c’est qu’il y a problème. Parler de recettes plutôt que de profits est dangereux.L’Europe, ce n’est plus ” les États-Unis dix ans après “. L’évolution qui s’était étalée sur cinq ans outre-Atlantique a été rattrapée en dix-huit mois sur le Vieux Continent. Mais, surtout, les grands groupes européens ont eu le temps de tirer les leçons de l’expérience américaine. Ils n’ont pas été cueillis à froid par les start-up.Les acteurs traditionnels ont une longueur d’avance, même quand ils ont un temps de retard. Les start-up lancent l’activité, mais les groupes installés raflent la mise. Pourquoi ? Parce qu’ils ont une base de clientèle, un volume d’achat, un réseau de distribution et un capital-confiance inégalable.Que pourra faire le pionnier Marcopoly lorsque Darty débarquera sur le Net avec son service après-vente éprouvé depuis vingt ans ? Comment Alapage pourrait-il lutter contre la puissance de négociation de la Fnac avec les éditeurs ? Boo.com n’a pas fait frémir La Redoute, perenoel.fr n’a pas inquiété Casino. Rien n’a changé depuis l’époque où Danone récupérait les PME inventrices de nouveaux concepts de yaourts ou de crèmes glacées : les start-up sont les laboratoires des grands groupes. Être le first mover n’est pas une garantie de succès.Les marques génériques ont un handicap, pas un avantage. Contrairement à Yahoo!, AOL ou eBay, dont les noms ne signifient rien a priori, les Pets.com (animaux domestiques) ou Gardens.com (jardins) ont connu les pires difficultés. Peut-être parce qu’avec des appellations aussi globales on attendait d’elles un rôle de portail exhaustif ou de moteur de recherche, et qu’elles ne pouvaient que décevoir ? Et dire que le nom Business.com a été vendu 50 millions de francs…Ce n’est pas parce qu’on a créé une marque qu’on rend un service. La Net-economie est encore à l’essai : elle repose sur la confiance. Or neuf acteurs sur dix n’ont pas tenu leurs promesses. Ils ont oublié qu ‘e-commerce = internet + logistique, au moins pour les biens physiques. L’e-commerce de biens virtuels (téléchargement de logiciels…) décollera plus vite.Personne (ou presque) ne gagne d’argent avec du contenu. Les meilleurs sites d’information ?” celui du Wall Street Journal inclus ?” ne font pas de bénéfices. Car les trois piliers de leurs business models ?” pub, abonnements et e-commerce ?” sont insuffisants : moins de 1 internaute sur 200 clique sur les bannières publicitaires, les abonnements sont bradés et le commerce électronique est balbutiant.Un mauvais entrepreneur dans l’ancienne économie reste mauvais dans la nouvelle. Le mythe de l’ado boutonneux qui crée sa boîte entre deux cours n’a duré qu’un temps. Aujourd’hui, les financiers plébiscitent le retour des ” grey hair ” (les hommes d’expérience) dans les start-up. Aux États-Unis, les ” entrepreneurs du PC ” (bâtisseurs de la Silicon Valley entre 1975 et 1995) qui n’avaient guère apprécié les fortunes trop rapides et l’arrogance des ” entrepreneurs du Net ” se réjouissent de leurs déboires !La volatilité des marchés tient à un système de vases communicants. Ce sont les allers-retours entre valeurs high-tech et valeurs traditionnelles qui ont le plus déstabilisé les marchés depuis dix-huit mois.Malgré tout, l’internet est une révolution. C’est une évidence : notre façon de communiquer, de faire des affaires ou de s’informer a été transformée par le Net. Le krach boursier n’est pas ?” c’est le nouveau leitmotiv aux États-Unis ?” le début de la fin : c’est seulement la fin du début. Armez-vous de patience, la deuxième vague de l’internet va déferler.
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