L’ère du PC roi touche probablement à sa fin. Pourtant, le monde de la micro n’a jamais été aussi dynamique. Cette fois, les constructeurs ne se battent plus à coup de MHz ou de Mo, mais à qui proposera le PC le plus petit, le plus ergonomique et le plus beau. Résultat, après 20 ans de grosses boîtes beiges et d’apologie de la puissance, le PC change : iPaq chez Compaq, Optiplex GX chez Dell, e-PC chez HP, Netvista X et S chez IBM. Tous les constructeurs arborent aujourd’hui un modèle au design original, libéré de l’envahissant patrimoine du PC AT des années 1980.Ces modèles sont d’ailleurs surnommés ” sans hérédité “, puisqu’ils abandonnent les connecteurs ISA et PS/2. Certains n’ont même ni lecteur de disquettes et de CD-ROM, ni ports série ou parallèle. A la place, des connecteurs USB, plus petits, plus simples d’emploi. Du coup, il n’y a quasiment aucune capacité d’extension interne et le boîtier est scellé. La plupart des composants étant soudés à la carte mère, les machines sont plus simples et moins sujettes aux pannes. Les prix sont aussi moins élevés. Mais il s’agit de vrais PC. Souvent dotés des derniers Pentium III et de disques durs grande capacité.
Le prix: un argument qui n’est pas essentiel
Il y a encore un an, personne n’avait ce type de modèle à son catalogue. “Aujourd’hui, ils se vendent comme des petits pains”, affirme Andrew Brown, analyste chez IDC. Compaq et HP auraient chacun déjà livré près de 200000 iPaq et e-PC depuis leur lancement au printemps. Même succès chez IBM avec le X40. Selon les analystes, il s’agit d’un mouvement de fond : d’ici à deux ans, ces modèles s’adjugeront 60 % des ventes de PC professionnels, selon le Gartner Group.Reste que la vague ne semble pas encore avoir déferlé de ce côté de l’Atlantique. Quasiment aucun responsable informatique français interrogé ne connaissait ces PC sans hérédité. La plupart étaient pourtant en phase de renouvellement de leur parc (selon la base de données fournie par Comm’Back). Tous affichent même une certaine défiance face à ces PC “bloqués”. “Ce qui m’intéresse, c’est des PC qui ont l’évolutivité des machines d’assembleur, avec la garantie d’un grand constructeur”, insiste Pascal Jego, responsable réseau chez Henri Peignen, fabricant de menuiseries et fermetures métalliques.Le gain de place n’est d’ailleurs pas une priorité. Dans l’esprit des directions informatiques, un petit PC est un PC au rabais. Et quand on parle de couleur ou de design, la plupart se gaussent. “Allons ! Un PC plus joli, ce n’est pas très sérieux…”, s’amuse Pierre-André Roblot, président de Common France. Même l’argument prix ne reçoit quasiment aucun écho, notamment auprès des grosses structures. “Avec un parc de 115 000 PC, nous obtenons déjà des prix défiant toute concurrence “, explique le responsable achat d’un grand compte.
Pourtant, le besoin d’un PC plus simple existe bien
Cependant, les mêmes responsables informatiques sont prêts à reconnaître que la majorité des micro-ordinateurs de leur parc sont surdimensionnés par rapport aux besoins. De même, très peu prennent la peine d’ouvrir leurs PC pour y ajouter des extensions. “Alors tout ce qui va dans le sens d’un prix plus bas, d’une meilleure ergonomie et d’une intégration technique plus rapide est le bienvenu”, reconnaît Pierre-André Roblot. Le besoin d’un micro plus simple, qu’on ne puisse pas bricoler, existe donc bel et bien. D’autant que, en entreprise, le PC devient de plus en plus ” un portail ” en direction d’applications hébergées sur un serveur.“Les mentalités commencent à changer, constate Beate Hohmann, analyste au Gartner Group. Il y a trois ans, 90 % des acquisitions de PC étaient dictées par les directions utilisatrices. Or l’utilisateur final rejetait tout ce qui pouvait lui enlever du contrôle, comme les PC sans lecteur de disquettes. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui.” De fait, l’accent est davantage mis sur l’application, la technologie passant au second plan. “Il y a trois ans, il m’aurait été impossible de faire passer une machine comme l’iPaq, raconte Eric Greffier, business manager chez Compaq. Les directions informatiques n’étaient simplement pas en mesure d’assumer un tel choix, de peur d’essuyer les foudres d’une direction marketing, par exemple. Aujourd’hui, les directions informatiques ont pris conscience du coût total de possession (TCO). Elles ont donc tendance à recentraliser les choix de manière à réduire les coûts. Or ces machines sont de nature à faire baisser le TCO.”
Migrer vers Windows 2000 constitue un obstacle
Reste que nous n’avons constaté aucun changement réel dans le comportement des entreprises françaises. Elles sont toujours rassurées par les PC évolutifs, avec une réserve de puissance ” au cas où “. Les arguments des analystes et des constructeurs se confrontent toujours au pragmatisme ou à des craintes parfois irraisonnées. Premier responsable : le fiasco NetPC et NC. Ainsi, le PC sans hérédité est assimilé à un client allégé moins compatible et moins puissant. “Les éditeurs comme Microsoft ont de toutes façons le chic pour sortir des suites logicielles toujours plus puissantes. On est obligé de suivre “, explique Hervé Thépeault, de l’Université Montaigne, pour justifier l’achat de PC toujours plus puissants.Sans compter que les utilisateurs ne sont prêts ni à abandonner l’héritage du PC AT, ni à basculer d’un coup vers des machines colorées. “Nous avons tout un stock de pièces détachées, claviers, souris, écrans. Tout est beige et au standard PS/2. On en trouve partout. Alors pourquoi s’ennuyer avec des PC noirs ou verts”, se demande un responsable micro de PME. Personne, non plus, ne semble prêt à passer au tout-USB. Les entreprises ont, pour la plupart, équipé en standard leurs PC de bureau avec Windows NT 4. 0. Or ce système ne gère pas les ports USB. Les nouveaux PC imposent donc une migration vers Windows 2000, qui n’est pas à l’ordre du jour avant la mi-2001.
Des fonctions manquent à lappel pour convaincre les professionnels
Enfin ces machines ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions. Elles sont présentées comme des PC qui facilitent le déploiement. Mais très peu disposent des capacités d’administration à distance que l’on trouve sur les modèles estampillés ” entreprises ” (Deskpro EN chez Compaq ou PC 300 PL chez IBM, par exemple).Alors, l’inertie reste de mise : un PC est et doit rester une grosse bo”te beige que l’on peut faire évoluer avec des cartes et des périphériques internes. Chez les grands comptes, le cahier des charges technique qui détaille une configuration est d’ailleurs tellement précis (nombre de connecteurs PCI, ISA, baies en façade, etc. ) qu’il n’y a aucun espoir pour les PC sans hérédité . “A priori, notre politique d’achat ne changera pas avant trois ou quatre ans”, précise Emmanuel Morineau, de l’Assedic du Sud-Ouest.Ces nouveaux PC seraient-ils condamnés ? Probablement pas. Avec la généralisation de Windows2000, l’inclusion de fonctions d’administration à distance, il est probable qu’ils finiront par investir les entreprises françaises… notamment sous la pression des utilisateurs. En effet, qui ne voudrait pas travailler avec un PC ergonomique, agréable à regarder, et qui ne prend pas toute la place sur le bureau ?
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