A ceux qui croiraient encore à l’équation “suppressions de postes entraîne hausse boursière”, la fraîche histoire de l’industrie des équipements télécoms apporte un démenti cinglant. L’annonce d’Alcatel de supprimer 13 000 emplois supplémentaires d’ici à la fin 2003 n’a soulagé le groupe français que l’espace d’une séance, le cours replongeant de 14 % dès le lundi suivant. Plus généralement, le compartiment des équipementiers, depuis le début de la crise de surcapacité qui l’affecte, a vécu une descente aux enfers parallèle à la saignée des emplois. Les centaines de milliers de postes perdus peuvent être mis en regard avec une considérable évaporation boursière.Prenons deux des valeurs emblématiques du phénomène, Cisco et Alcatel (voir ci-contre). On n’ignore pas ?” il s’en était fait une arme publicitaire ?” que le géant américain fut “la plus grosse entreprise mondiale” en terme de capitalisation boursière (le cours coté multiplié par le nombre d’actions, c’est-à-dire la valeur de marché de la société), soit, à son plus haut, fin 1999, 587 milliards de dollars (ou 599 milliards d’euros). Lundi 23 septembre, Cisco, pourtant une des valeurs les plus résistantes du secteur, ne valait plus que 88,7 milliards de dollars. Entre les deux moments, le titre a dégringolé de 85 %. Un coup d’éponge magique à 500 milliards de dollars ! De son côté, le champion français, Alcatel, n’a maigri “que” de 116,7 milliards d’euros, mais cette cure est plus sévère en valeur relative, le titre chutant de près de 98 % ! La perte de substance des seules valeurs phares ?” les Nortel, Siemens, Ciena, Nokia, Ericsson et autres Lucent ?” sur la même période amène rapidement à une perte de richesse cumulée d’au moins 1 500 milliards de dollars. Soit un peu plus que le PIB d’un pays comme la France… À ce niveau de dépréciation, de nouveaux dommages humains et financiers sont-ils envisageables ? Oui, dit unanimement l’analyse financière.
Les plus fragiles condamnés
Certes, la profession ne met pas toutes les valeurs dans la même poubelle. Cisco et Nokia sont désignés comme deux piliers, solides sur le plan du business (même si, pour le second, la concurrence asiatique pourrait devenir plus rude, à un horizon de trois ou quatre ans), et relativement sains financièrement parlant. Alcatel n’est pas la plus mal jugée. Son positionnement, hérité de l’historique que l’on connaît, est certes délicat, mais le Français a encore accru sa part de marché au deuxième trimestre dans les réseaux optiques. “C’est encourageant”, note un analyste. Les autres ? “Toutes ne survivront pas, c’est tout à fait évident, indique tranquillement André Chassagnol, spécialiste télécoms de Paresco Equities. Ne serait-ce qu’aux États-Unis, une étude estime à 44 milliards de dollars les surcapacités d’investissements, entre 1998 et 2000. Ce trop-plein ne sera pas résorbé avant 2004, si toutefois les entreprises produisent parallèlement les efforts de productivité nécessaires. À mon sens, Lucent et Nortel sont les groupes les plus fragiles. Si ces deux-là meurent, les autres devraient pouvoir survivre, à condition que le marché redémarre vraiment en 2004.”
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