Ça remue du côté de l’Allemagne, et plus particulièrement à Solms, où siège l’usine de la célèbre marque Leica. Outre le X1dont nous avons déjà parlé, le constructeur germanique annonce en effet un nouveau boîtier de sa légendaire série M : le M9. Après un M8 mi-figue mi-raisin du fait, entre autres, d’un capteur APS-C, de problèmes de filtres infrarouges et d’une certaine limite en basse lumière, le M9 s’annonce comme la version largement revue et corrigée. Avec, comme argument massue, la présence d’un capteur 24 x 36 mm – plein format donc – pour profiter des focales d’origine des optiques. Ou comment les heureux propriétaires de ces optiques vont enfin pouvoir réexploiter pleinement leurs grands angles.
Petit rappel technique
Dans un appareil reflex, la visée se fait au travers de l’objectif même. L’image apparaît floue tant que la mise au point n’est pas effectuée. L’impression de la pellicule/du capteur se fait au moment où le miroir se lève, ce moment où on n’y voit plus rien. Avec un appareil télémétrique, la visée s’opère au travers d’un viseur déporté qui affiche, non pas une image floue, mais deux images nettes légèrement décalées. Et c’est lorsque ces deux images se fondent pour n’en former qu’une que la mise au point est faite. Bref, c’est un tout autre usage, une autre façon de photographier.
Les avantages des reflexsont la simplicité, le coût de fabrication inférieur, certaines supériorités technologiques comme la mise au point automatique très rapide, etc. Ceux des télémétriques sont la discrétion (les appareils sont plus petits), la manière de viser (très immersive), le rapport au sujet (les gens ont moins peur des télémétriquesque des gros reflex) et, chez Leica, l’incroyable qualité des optiques dont la qualité n’a d’égale que leur prix, vertigineux.
Le télémétrique à l’ère du numérique
Les appareils à visée télémétrique sont essentiellement le territoire de photographes à l’ancienne et peu demarques se sont aventurées dans ce domaine à l’ère des capteurs numériques. Peu de marques signifie deux : Epson, premier sur le coup avec son RD-1et sa révision, le RD-1x, et Leica avec son M8. Mais aucun de ces appareils n’avait de capteur 24 x 36, ce qui fait du M9 le premier vrai remplaçant des vénérables Leica M, Voigländer et autres. Autant dire que la nouvelle est d’importance et pourrait remettre la marque allemande au goût du jour. Chez les professionnels et les amateurs fortunés…
Look rustique
Pour nombre de néophytes, ce Leica M9 sera « laid » ou « vieillot ». Pour nombre de pros, il apparaîtra comme « discret » et au look « légendaire ». Marque de fans inconditionnels et de détracteurs acharnés comme l’est Apple dans son domaine, Leica laisse rarement indifférent. Le M9 reprend les canons de beauté de ses ancêtres. Si subjectivement, l’aspect discret de l’appareil nous paraît séduisant, on ne peut que regretter l’absence d’un grip facilitant la prise en main. A trop vouloir sacrifier à un look de 70 ans d’âge, Leica semble oublier que l’ergonomie a un peu évolué. Sans condamner l’appareil – le format n’a posé aucun souci à Henri Cartier-Bressonpour faire des clichés mythiques – cela montre un certain conservatisme, pas forcément très positif.
La façade arrière n’a, par rapport au M8, pas évolué. C’est à la fois un compliment, car cela évitera aux détenteurs de M8 d’avoir à réapprendre quoi que ce soit, mais c’est aussi une critique. En effet, l’écran du M9, appareil à 5 500 euros, est le même que celuidu M8, à savoir un écran de 6,4 cm de diagonale de 230 000 points, tandis que l’écran d’un appareil comme le TZ7 de Panasonic, qui coûte désormais environ 350 euros, affiche 460 000 points. A moins que les écrans 460 000 points consomment énormément plus d’énergie que leurs petits frères, c’est un peu dommage de ce contenter de si peu.
18 Mpix et ISO en hausse
Le capteur de ce M9 est, comme sur le M8, un capteur CCD issu des laboratoires Kodak. Sa résolution de18 Mpix (10,3 Mpix sur le M8) lui permet de tutoyer les appareils reflex plein format de la concurrence. Pour ceux qui l’ignorent, si les compacts grand public de Kodak sont plutôt moyens, ses capteurs pour professionnels sont en revanche très bons et équipent de nombreux dos numériques.
Selon Leica, la plage ISO profite du passage à un capteur 24 x 36 et la montée en sensibilité, toujours limitée à 2 500 ISO, devrait se faire avec moins de bruit numérique. 2 500 ISO est une valeur modeste au regard de ce que peuvent proposer la concurrence – jusqu’à 25 600 sur le 5D Mark IIet le D700 -, mais sachez qu’à ces niveaux, les images sont souvent inexploitables, 6 400 ISO restant la limite haute (et encore, uniquement chez Nikon) pour ne pas avoir des images trop dégradées. Nous verrons lors du test comment se comporte le M9 dans les milieux sombres, sachant que l’appareil reste avantagé par des optiques souvent bien plus lumineuses et précises que celles des reflex.
Pas d’anticrénelage appliqué, mode noir et blanc
Même le format RAW n’est pas un vrai format brut : s’il est bien plus riche que le Jpeg, il n’en reste pas moins une traduction numérique d’un élément non numérique (la quantité de lumière, ses variations et son spectre). Canon et Nikon appliquent un filtre d’anticrénelage à leur fichier RAW afin d’affiner la qualité d’image. Cela a ses bons côtés, mais diminue de facto la qualité de certains détails. Leica, dont les utilisateurs appréciaient le grain des films, s’est donc passé de cette technologie et les fichiers devraient offrir une plus grande précision d’image.
Quant au développement Jpeg intégré, nous attendons de pied ferme le mode noir et blanc pour voir si la marque allemande a correctement réussià approcher le rendu de certaines pellicules.
Le prix du Made In Germany
5 500 euros boîtier nu. Ça ne se passe pas de commentaires. Comment justifier un tel prix sans tomber dans les travers des pro/anti-Leica ? Primo la marque bénéficie d’une aura de prestige ; comme Apple, elle peut se permettre de faire plus de marge grâce à son image de marque. Deuxio, le M9 est entièrement conçu et construit en Allemagne (bien que quelques composants viennent d’Asie) : le coût de la main-d’œuvre allemande est l’un des plus élevés du monde, cela impacte d’autant plus le prix de l’appareil. Tertio, le M9 est volontairement un appareil d’exception, sans recherche (théoriquement) de compromis qualité/prix/équipement. Les photographes jugeront selon leur pratique : ceux en studio préfèreront se payer un D3 pour le même prix (ou vendre un rein et s’offrir le nouveau S2 de Leica), les photoreporters et autres photographes voyageurs étant les plus susceptibles d’être attirés par un appareil plus compact, moins lourd et « plus proche » du sujet.Rendez-vous en octobre/novembre pour le test de cet appareil d’exception.
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