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Le Windows de la génération nomade

Le PC traditionnel a vécu ses plus belles heures. Les géants de la micro savent que l’avenir est à la mobilité, et Google est le mieux préparé à ce changement d’ère.

À quoi ressemblera notre environnement numérique dans cinq ans ? Une chose est sûre, il n’aura pas grand-chose à voir avec celui que nous connaissons actuellement. Il suffit de constater l’extraordinaire redistribution des cartes à laquelle nous assistons depuis de longs mois, plus précisément depuis que les smartphones sont devenus des produits de masse, en grande partie grâce à l’iPhone. Mine de rien, ces petits appareils ont réussi à grappiller des parts d’usage à nos ordinateurs traditionnels, même s’il s’agit surtout de tâches de consultation : navigation Web, e-mails, réseaux sociaux, etc. Quiconque possède un smartphone et une tablette vous dira qu’il ne sollicite pas autant son PC qu’auparavant. Il reste encore le meilleur outil pour la bureautique, la retouche photo, le montage vidéo, mais quelle part représentent ces usages sur le temps passé devant nos écrans ? Ne nous mentons pas, elle est aujourd’hui relativement faible. Et la dégringolade des ventes de PC de bureau au profit des ordinateurs portables, ces cinq dernières années, illustre parfaitement cet attrait pour la mobilité. À ce rythme, on ne s’étonnera pas de voir se généraliser les terminaux nomades “ Always On ”, autrement dit, connectés en permanence à Internet.

Le retard de Microsoft

Microsoft n’a rien vu venir. Toujours hégémonique sur le marché des OS pour PC, l’éditeur est là totalement dépassé. Notamment parce que son partenaire de toujours, Intel, n’a pas su lui apporter les clés de cette révolution, et notamment un processeur basse consommation taillé pour les usages nomades. Sa planche de salut pourrait être le prochain Windows (lire page 42), que Microsoft travaille à être compatible avec les architectures différentes du x86 de nos PC, comme la plate-forme ARM qui équipe 95 % des terminaux mobiles en circulation. Histoire de faire du gringue aux nouvelles stars du processeur baroudeur que sont Qualcomm, Samsung et Nvidia.Microsoft a également perdu beaucoup de temps à essayer de faire du neuf avec du vieux, en persistant à bricoler ses systèmes d’exploitation actuels alors qu’il aurait plutôt fallu repartir de zéro. Et prendre en compte le nouveau paradigme imposé par la révolution mobile en marche. Pour essayer de rattraper son retard, il travaille notamment sur l’émergence d’un nouvel écosystème basé sur des langages de programmation modernes issus du Web, comme Silverlight. Ce dernier permettra aux développeurs de concevoir des applications riches plus rapidement, et surtout de les déployer sur une multitude d’appareils estampillés Windows sans avoir à remettre les mains dans le code. Windows 8 devrait donc enfin accoucher d’une version tablette, mais pas avant début 2013… Même souci pour Nokia, qui a dominé le secteur de la mobilité durant dix ans… mais qui n’a pas senti qu’elle deviendrait un jour la norme. Et sa proposition actuelle, incarnée par l’OS Symbian, n’est plus dimensionnée pour coller aux usages de demain (Nokia va d’ailleurs progressivement l’abandonner au profit de Windows Phone). D’échecs en hésitations, le Finlandais pourrait bien devenir hors course et se contenter d’une place de suiveur en laissant le champ libre à des concurrents qui eux ne manquent pas d’idées.

Des outsiders séduisants

Conscient de cette révolution en marche, HP a frappé fort en rachetant Palm, il y a un an, pour plus d’un milliard de dollars. Le premier vendeur de PC au monde a, au passage, récupéré l’excellent travail réalisé autour du système mobile WebOS auquel il fera faire ses grands débuts sur tablette à la rentrée avec la TouchPad, une belle machine de 9,7 pouces. WebOS ne manque pas d’arguments, il bénéficie même d’une belle cote de popularité chez les technophiles… mais il manque cruellement d’applications. Autre poids lourd à entrer dans la compétition des tablettes, Research In Motion (Rim). La Playbook tourne avec une version maison de QNX, un système connu pour sa rapidité, mais à la base plutôt austère et surtout utilisé en milieu professionnel (noyau Unix). Pourtant l’inventeur du Blackberry a réussi à en faire un système grand public très agréable à utiliser et plutôt doué pour le multimédia. Et la firme travaille sur un émulateur capable de faire tourner sur sa Playbook toutes les applications de l’Android Market. Une stratégie qui pourrait sceller le sort de son Blackberry App World, mais qu’importe, RIM fait le bon calcul. Le seul défaut de la Playbook, et pas des moindres, est qu’il faut obligatoirement l’appairer à un smartphone Blackberry pour envoyer et recevoir des e-mails. L’idée étant de continuer à vendre sa solution de messagerie Blackberry Server aux opérateurs et aux particuliers (sous forme d’option). Une idée qui n’a pas du tout plu aux observateurs, qu’ils soient professionnels ou pas. Sans client de messagerie autonome, la Playbook semble condamnée.Finalement, les grands gagnants de cette nouvelle donne sont ceux qui sont repartis sur de nouvelles bases, Apple et Google en tête. Il faut dire aussi qu’ils se sont attaqués tous deux à un segment qui n’était pas du tout le leur. Avec deux philosophies bien différentes.

Un robot pour les connecter tous

La firme de Steve Jobs a choisi d’opérer en solo, de concevoir à la fois le socle matériel et la couche logicielle qui l’anime. Évidemment, cette stratégie procure une stabilité inégalée à ses produits, puisque la chaîne est maîtrisée et optimisée de bout en bout. Malgré un succès incroyable sur le marché des smartphones et des tablettes, Apple pourrait toutefois se cantonner, fatalement, au second rôle. Sans alliance ni ouverture, nous parions qu’Apple atteindra rapidement ses limites en termes de parts de marché. La firme lance très peu de produits chaque année, qui de fait ne peuvent pas plaire à tout le monde.Tout le contraire de Google, dont le modèle économique repose sur la multiplication des partenariats avec les fabricants, et donc sur la diversité des terminaux. Des terminaux variés susceptibles de coller avec les attentes tout aussi variées des consommateurs. Il suffit de voir l’Eee Pad Transformer d’Asus pour se rendre compte de la liberté d’action laissée aux fabricants. Une stratégie en phase avec les fondamentaux de Google, à savoir atteindre un nombre toujours plus élevé d’utilisateurs sur ses différents services, qui sont autant de canaux de diffusion pour ses messages publicitaires. Et cela fonctionne.Eric Schmidt, alors grand patron de Google, déclarait en octobre 2010 que “ les recettes publicitaires générées par Android étaient suffisantes pour couvrir ses coûts ”. En somme, l’OS est rentable… mais pas grâce à l’Android Market, ce que regrettent les développeurs qui attendent toujours un système de paiement digne de ce nom. L’achat d’applis passe aujourd’hui par Google Checkout, un équivalent de Paypal, mais plus capricieux. D’ailleurs, beaucoup d’entre nous à la rédaction n’ont jamais réussi à acheter un contenu sur le Market. Google a donc intérêt à régler rapidement ce problème pour ne pas se mettre à dos des développeurs mieux rémunérés sur les produits d’Apple.Cela dit, la croissance de l’Android Market (+16 %) est plus élevée que celle de l’App Store (+6 %), et à ce rythme, il pourrait disposer d’un nombre plus élevé d’applications d’ici cinq mois. Globalement, la rivalité entre Google et Apple rappelle celle entre la pomme et Microsoft sur le marché des ordinateurs personnels, dans les années 80. Le second l’avait finalement emporté parce que son système, Windows, était proposé à tous les fabricants d’ordinateurs… alors que Mac OS était réservé aux machines d’Apple. Et le nombre de logiciels compatibles Windows s’était alors envolé. En 2011, Google se présente bel et bien comme le nouveau Microsoft, et son Android, comme le nouveau Windows.

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Christofer Ciminelli et Christophe Gauthier