“Un homme dans le désert se trouve face à deux pancartes. La première indique l’eau à six kilomètres, la seconde, des danseuses à 36 kilomètres. Et l’homme prend la direction des danseuses. ” Sophie Pilverdier, ergonome chez Axance, société d’étude et de conseil spécialisée dans l’expérience de l’utilisateur du web, apprécie tout particulièrement cette anecdote, qui illustre la différence entre le besoin et le désir. Selon cette même dichotomie, “les études marketing identifient les besoins des internautes, et l’ergonomie, les désirs “, poursuit-elle.Cette distinction provient aussi de la méthodologie utilisée : les sites internet sont testés avec des utilisateurs individuels dans un laboratoire, pas dans le cadre d’une réunion de groupe. Traditionnellement, l’ergonome tente de comprendre les comportements de l’homme dans son environnement professionnel pour adapter le poste de travail en fonction de ses processus mentaux. Sur le web, l’objectif consiste avant tout à améliorer les fonctionnalités d’un site. Aussi, cette diplômée en psychologie et ergonomie a dû assimiler la culture internet au fur et à mesure de son évolution. “ En un an et demi, le discours est devenu plus mature. Le temps du web magique est complètement révolu.” Et c’est tant mieux, explique-t-elle, en substance. À l’heure de la rationalisation, en effet, les entreprises seraient de plus en plus nombreuses à venir frapper à la porte d’Axance. Histoire de “comprendre les raisons qui ont amené 80 % des visiteurs à quitter un site avant l’acte d’achat “, par exemple. Et de mettre en cause, pêle-mêle : les défauts du bon de commande, la présentation défaillante du produit, le manque d’indications sur les conditions de livraison, sur la sécurisation des paiements, etc. Mais gare aux déconvenues : “ Bien souvent, les résultats sont un véritable séisme. Pour la première fois, le client se trouve confronté à la réaction des utilisateurs. ” Le temps de digérer les critiques, il peut laisser s’écouler six mois avant de remédier aux problèmes. Question d’orgueil, mais pas seulement. Des priorités d’ordre technique peuvent retarder le réaménagement d’un site.
A l’image de l’entreprise
Parfois, aussi, “quand un client vient nous voir, il est déjà trop tard “, regrette-t-elle. Sophie Pilverdier s’étonne que les acteurs ne prennent pas toujours la peine d’effectuer des tests utilisateurs en amont de la création d’un site. Quand on sait que “ Danone ne lance pas un nouveau yaourt sans l’avoir testé auprès des consommateurs “. Certes, les start-up ne disposent pas toujours des moyens financiers nécessaires, à la différence des grands groupes qui, fort soucieux de limiter les risques, peuvent investir dans les tests préalables. Ainsi, l’ergonome a collaboré avec un groupe d’assurances avant la mise en ligne de son site. Résultat : les produits présentés n’intéressaient pas les utilisateurs. Et pour cause : lors du debriefing avec le client, il est apparu que les assurances affichées en ligne ne correspondaient pas aux offres proposées dans les agences. Sophie Pilverdier en conclut, notamment, que “la structure d’un site reflète bien souvent l’organisation de l’entreprise“. À 27 ans, elle se félicite d’être parvenue au poste d’ergonome senior, un statut auquel elle n’aurait sûrement pas accédé dans une société traditionnelle.
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