Sur la planète Internet, des ovnis ont fait leur apparition ces dernières années. Grégoire, Kamini, Arctic Monkeys ou Lily Allen, tous ces artistes, chanteurs et musiciens, ont connu la célébrité grâce au Web. Ils ont su utiliser ce
formidable outil de diffusion comme accélérateur de notoriété, abandonnant les circuits traditionnels pour atteindre directement les internautes. Ce sont eux qui les ont plébiscités et qui, en relayant l’information par le biais de leurs réseaux
communautaires, de leurs contacts et des messageries, les ont fait sortir de l’anonymat.C’est ce qu’on appelle un buzz numérique. Dès lors, ces artistes ont intéressé les professionnels qui leur ont fait signer des contrats. Cela ne s’arrête pas au domaine de la musique. De multiples personnalités ont ainsi été révélées
dans les secteurs de l’édition, du cinéma, de la télévision, de l’informatique ou de la mode. La Toile est devenue un vivier de talents en attente d’être repérés. La voie pour y parvenir passe généralement par les plates-formes communautaires et les
blogs, relais privilégiés de ces artistes en herbe. Encore faut-il émerger des milliers de vidéos et de blogs.Il ne suffit pas de créer sa page perso sur MySpace ou Dailymotion, d’y déposer ses photos, vidéos ou enregistrements pour connaître la célébrité. Ni de produire des textes sur son blog pour être repéré par un éditeur. La démarche
n’est pas aussi simple. Yann Kervarec, auteur du livre MySpace, on s’y retrouve analyse le phénomène : ‘ Il n’existe pas de formule miracle. Avant tout, il faut du talent, de l’originalité et une
vraie personnalité. A cela doit s’ajouter de la persévérance, en actualisant régulièrement sa page, en participant à la communauté, en tissant un réseau dynamique de fans. ‘
Du buzz à Cannes
L’un des succès français les plus marquants est celui de Kamini, le rappeur rural de Picardie qui, entre sa page sur MySpace et sa vidéo sur Dailymotion, a déclenché en 2006 un buzz énorme avec quatre millions de connexions en moins
d’un mois. Plébiscité par les internautes puis repris par les médias, son titre Marly-Gomont devient un tube. Un contrat est signé avec un label, couronné par un disque d’or et une Victoire de la musique. En 2005, la chanteuse
anglaise Lily Allen met en ligne ses chansons sur MySpace. L’engouement des internautes est immédiat.Un premier single sort en 2006 et se classe numéro un des charts anglais. Sa page a été consultée plus de 5 millions de fois. Idem pour le groupe anglais Arctic Monkeys, avec le même succès à la clé grâce au
téléchargement massif et gratuit de leurs compositions sur les blogs musicaux, relayant également les dates de leurs concerts. ‘ Une relation affective se crée entre l’artiste et les internautes, la proximité jouant pour
beaucoup. Ce sont eux qui portent leur artiste jusqu’au succès, ‘ commente Yann Kervarec.Aux Etats-Unis, les Clap Your Hands Say Yeah inondent MySpace de leur musique, avec pour résultat plus de 30 000 albums vendus. Au Québec, ce sont les Arcade Fire qui s’assurent une notoriété sans précédent par le biais du
site. Le succès commercial est au rendez-vous. ‘ Il ne faut pas sacraliser l’outil, une page sur MySpace n’est pas une garantie de réussite. Le bonus, c’est le noyau de fans qui croient en un artiste. Cela vient du c?”ur, on
n’est pas dans une opération de marketing ‘, souligne Yann Kervarec.Les plates-formes communautaires ont bien senti le filon. MySpace a créé MySpace Music, un espace dédié à tous les musiciens pour se faire connaître et partager leurs ?”uvres avec les internautes du monde entier. Sur Dailymotion, le
programme Motion Maker fait la part belle aux jeunes réalisateurs et musiciens. Sur les 1 000 vidéos qui arrivent chaque jour, près de 400 sont validées par le site et accèdent à ce programme.L’artiste bénéficie alors d’une meilleure identification et d’une mise en avant sur la page d’accueil du site. ‘ Ce programme a offert à de jeunes artistes inconnus une vraie vitrine médiatique, dopée par une
audience exceptionnelle. Mais nous ne sommes qu’un intermédiaire entre eux et les internautes. Seuls les meilleurs sortent du lot ‘, confie Marc Echeynnes, responsable éditorial de Dailymotion. Parmi les élus, la série
humoristique La Vie des animaux selon les hommes s’est illustrée en remportant le prix de la meilleure série Web et le prix du meilleur programme court au Festival de la fiction TV de La Rochelle.Autre buzz de l’année 2008, La Chanson du dimanche, petit bijou d’humour qui a fait les beaux jours du Web en étant relayée par des milliers d’adeptes. Aujourd’hui chez Universal, ses auteurs sortent un CD et un
DVD. Le cinéma s’en mêle aussi en appréciant la valeur du documentaire Les Enfants de Don Quichotte, de Ronan Dénécé, Augustin et Jean-Baptiste Legrand, visionné plus de 500 000 fois. Cette vague d’intérêt
exceptionnelle lui a permis d’être présenté à Cannes. Avec 25 millions de vidéos vues par mois sur Dailymotion, l’intérêt des internautes pour ce type de programme ne se dément pas et leur avis n’en a que plus de poids.
La découverte de pépites
Les weblogs participent dans une large mesure à cette vague de découvertes. Plusieurs milliers ont fleuri sur des plates-formes type Skyrock Blog ou Over-Blog. Chaque auteur y déverse le fruit de ses réflexions, pensées intimes,
analyses ou textes de pure fiction. Les internautes sont interpellés par ces chroniques quasi quotidiennes qu’ils suivent avec curiosité. Véritables pépinières d’écrivains, ces blogs intéressent de plus en plus les éditeurs, séduits par ces
nouvelles plumes.Cette tendance s’est concrétisée par des succès littéraires tels que le livre d’Anna Sam, Les Tribulations d’une caissière, ou celui de Sonia Muller, Un amour de connasse. Ces anecdotes au
départ mises en ligne pour se défouler ou amuser la galerie se transforment grâce à l’emballement des internautes en un sujet d’édition. C’est ce qu’on appelle le ‘ blook ‘ (blog book) ou, en mauvais
français, le ‘ blivre ‘.Le secret : des récits inspirés de la vie quotidienne, un nouveau style d’écriture exempt de censure, une grande liberté de ton. Trois ingrédients qui chamboulent le concept littéraire traditionnel. Dans la même veine, le blog de
Frantico (alias Lewis Trond-heim selon la rumeur), auteur de BD, s’est très vite fait remarquer. Le jugement des internautes faisant foi, la publication de sa BD a achevé sa consécration.Quelques appâts lancés sur la Toile peuvent rapporter gros. Ainsi, en dix mois, le créateur québécois des Têtes à claques, Michel Beaudet, a réalisé une pêche miraculeuse. Ses petits clips vidéo d’animation qui
mettent en scène des personnages humoristiques dans des scènes cocasses sont devenus cultes.En 2006, l’envoi du premier clip à une cinquantaine d’amis et collègues via des e-mails s’est transformé en un raz-de-marée médiatique. Trois mois après, le site comptait 3,2 millions de visiteurs. Un an et cent clips plus tard,
un DVD consacrait ce succès phénoménal. Dès lors, une grande marque de téléphonie française en fait son emblème publicitaire, puis Canal+ s’empare du phénomène en diffusant dès janvier 2008 l’intégralité de cette minisérie. Le site est actuellement
l’un des plus visités au Canada et 20 % des visiteurs sont Français.Dans un tout autre domaine,
fashionspace.com ouvre ses portes aux jeunes créateurs que l’univers de la mode fait rêver. Créé il y a plus d’un an par une étudiante en design de mode anglaise sur le même principe que les
grandes plates-formes, le site permet aux stylistes débutants d’avoir une vitrine privilégiée pour présenter leurs créations.Quel que soit le support, le succès de ces jeunes talents est proportionnel au plébiscite des internautes. Ils ont plusieurs longueurs d’avance sur les professionnels, directeurs artistiques ou éditeurs, dont le métier est pourtant de
découvrir des pépites. Mais freinés par leur frilosité et des impératifs économiques trop pressants, ces derniers prennent de moins en moins de risques. Le Web fait office de catalyseur et ils n’ont plus qu’à puiser dans ce vivier qui s’autoalimente
au quotidien.
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