Vingt-quatre morts dans les inondations du Gard, une centaine dans la tempête de décembre 1999, des centaines de millions d’euros de dégâts, et une question lancinante : aurait-on pu les éviter ? Dans le Gard, des victimes ont porté plainte contre leur municipalité, qui elles-mêmes s’en sont prises à l’Etat. Leur grief : n’avoir pas été prévenues à temps, voire pas du tout. En attendant de connaître les conclusions de cette affaire en cours d’instruction, on peut affirmer que des moyens techniques permettent d’améliorer la précision des prévisions météo et d’en accélérer la disponibilité.A cet égard, le lancement par Eumetsat, depuis le centre spatial de Kourou, du satellite Meteosat Second Generation (MSG) constitue un événement. Créée en 1986, l’organisation Eumetsat regroupe 18 pays ; elle est chargée de la mise en place et de l’exploitation des satellites météorologiques européens. Son siège est à Darm 0stadt, en Allemagne. MSG est son programme le plus ambitieux.
Des données brutes à décrypter
C’est au centre de météorologie spatiale de Météo France, à Lannion (Côtes d’Armor), que sont reçues les données cryptées expédiées par MSG. Captées par deux antennes satellites de 3,70 mètres de diamètre, les informations brutes venues de l’espace sont envoyées en double vers deux simples PC. L’un se contente de réaliser une sauvegarde de sécurité, l’autre les stocke sur un gros serveur central, sur lequel sont connectés les postes de décodage et de traitement ?” des stations de travail Sun dotées de quatre processeurs à 900 MHz travaillant en parallèle. Ces postes effectuent en quelques minutes des milliers de calculs pour traduire les données brutes en températures, recadrer géographiquement les observations, etc.Mais MSG n’en est encore qu’à la phase de “qualification“. Lorsqu’il sera pleinement opérationnel, en février ou mars de l’année prochaine, le centre de Lannion recevra toutes les 15 minutes quelque 500 Go de données brutes. Un progrès indéniable par rapport à la situation actuelle, puisque le temps de balayage par le satellite de l’ensemble de la zone couverte, l’Europe et la moitié nord du continent africain ?” soit environ un quart de la surface du globe ?”, sera divisé par deux, et le volume de données fourni multiplié par 20. Meteosat 7, le satellite actuellement en service, se “contente” en effet d’expédier 25 Go toutes les 30 minutes.Traitées en cinq minutes, les données interprétées sont ensuite transmises aux centres de prévision de Météo France, dont le principal, Météopole, est implanté dans la banlieue de Toulouse. Les moyens qui y sont déployés, au premier rang desquels le supercalculateur Fujitsu VPP 5000 capable d’effectuer 300 milliards d’opérations par seconde, sont à la mesure de l’enjeu : prévoir avec la plus grande acuité possible le temps qu’il fera dans les trois jours à venir. Météopole se limite en effet à ce délai, laissant la responsabilité des prévisions à plus long terme à d’autres centres européens.Pour mener à bien cette opération, les centres de prévision combinent les informations en provenance du centre de météorologie spatiale avec les mesures de température, humidité, pression et vitesse des vents issues de multiples stations de mesure terrestres. Pour alimenter leurs calculs, ils disposent également des observations antérieures et de modèles prévisionnels, des logiciels hypersophistiqués qui répondent aux doux noms d’Arpège et Aladin. Mais les machines ne font pas tout : avant d’être livrées au public, toutes ces informations sont analysées par les neuf experts de la prévision de Météo France, qui se succèdent 24 heures sur 24 au poste de contrôle.Exemple : le satellite repère un banc de nuages. Sa lumière visible est très intense, ce qui signifie qu’il est très réfléchissant, donc très épais : ce sont des cumulonimbus. En outre, les mesures de chaleur au sommet des nuages indiquent des températures très basses, alors qu’elles sont plutôt élevées au niveau du sol. Conclusion : le risque d’orage violent ou de grêle est maximal. En comparant avec des données archivées pour la zone concernée, telles les cartes des précipitations, l’expert repère sur la carte de vigilance de Météo France les secteurs à risque, qui passent alors du vert au jaune, à l’orange ou au rouge selon son ampleur.
Dans le visible et l’invisible
Qu’est-ce qui va changer avec MSG ? La rapidité, mais surtout la précision. Le dispositif principal d’un satellite météo est son radiomètre, un appareil qui mesure deux types de radiations : la lumière visible, réfléchie par les nuages et autres “corps” climatiques, et les rayonnements infrarouges émis par ces mêmes corps. Le radiomètre de MSG fonctionne sur 12 canaux, trois dans la lumière visible et neuf dans l’infrarouge, contre trois en tout pour celui de Meteosat 7. La précision des images obtenues passe ainsi de 2,5 à 1 km dans un des canaux visibles, et de 5 à 3 km dans l’infrarouge.Un exemple des bénéfices apportés par cette haute précision concerne la marine et l’aviation qui, en attendent la détection précise des bancs de brouillard, une meilleure prévision des tempêtes et une identification rapide des nuages porteurs d’orage et des cendres volcaniques. Il sera également plus facile de prévoir le temps dans les zones désertiques et en montagne. Un autre apport, perceptible par tous, celui-là, concerne la qualité des images fournies ; on pourra générer pour la télévision des cartes et des animations météo continentales, nationales ou locales beaucoup plus fidèles à la réalité, y compris en trois dimensions.Enfin et surtout, la veille météorologique devrait gagner en efficacité : la plus grande fréquence des images et les canaux supplémentaires permettront de détecter plus rapidement un phénomène soudain comme celui du Gard.www.meteo.fr/meteonet
www.eumetsat.de
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