Dans le jargon des opérateurs télécoms, on l’appelle “services à revenus partagés“. Le grand public le connaît sous le terme d’Audiotel et, bientôt, de “services d’informations vocales“. Tous ces termes cachent en réalité un concept très simple : le téléphone surtaxé. Apanage de France Telecom jusqu’à son ouverture prochaine à la concurrence, il a généré plus de 640 millions d’euros (4,2 milliards de francs) de bénéfices nets chez l’opérateur historique entre 1991 et 1996, selon un rapport de la Cour des comptes. Le téléphone surtaxé a également fait la fortune des éditeurs de ces services. L’un d’entre eux affirme ainsi engranger 153 000 euros de chiffre d’affaires chaque jour, grâce à un service de personnalisation de téléphones mobiles reposant sur un numéro surtaxé. Mais dans quelques semaines, le jackpot pourrait doubler.
Libre choix de l’opérateur
En effet, ces éditeurs de services vont pouvoir choisir librement leur prestataire de télécommunications, sans devoir passer obligatoirement par France Telecom, qui va perdre au passage une véritable manne. L’opérateur historique prélevait jusque-là environ 30 % des montants engrangés. “ Désormais nous ne reverserons que 5 % de la somme à l’opérateur téléphonique alternatif que nous avons choisi, et 1,5 % à France Telecom pour ses prestations de facturation“, explique Pierre Guillermo, PDG de Telemedia Group, une société spécialisée dans la création et la gestion de services surtaxés. Bernard Seux, directeur marketing de l’opérateur T-Systems Siris (filiale de Deutsche Telekom), qui mène en ce moment des expérimentations, prévoit que les revenus de ces éditeurs “vont augmenter d’une dizaine voire de plusieurs dizaines de pour-cent“. Et, même pour les opérateurs, l’affaire va être juteuse. La part des revenus à services partagés pourrait représenter de 2 à 5 % de leur chiffre d’affaires annuel grand public.Pourtant, cette ouverture à la concurrence ne va pas se faire sans mal. Premier problème, la facturation. Dès la fin du mois d’octobre, les clients de France Telecom vont recevoir une nouvelle facture avec leur relevé habituel : elle concernera les “ services d’informations vocales” et récapitulera tous les appels passés vers les numéros surtaxés. Elle pourra surprendre le consommateur lambda, facturé par la multitude d’opérateurs choisis par les éditeurs de services appelés. Toutefois, l’engagement de France Telecom se limitera à la facturation et à l’encaissement, et non au recouvrement des sommes dues par les mauvais payeurs. “Cette facturation va nous coûter près de 21,34 millions d’euros pour la mise à jour de notre système, explique Denis Leboeuf, responsable de l’opération chez France Telecom. Nous ne voulons pas en plus jouer le rôle d’une société d’affacturage. ” Résultat : les opérateurs alternatifs seraient sur le point de choisir une société de recouvrement commune, même si Denis Leboeuf tient à minimiser les risques de non-paiement : “40 % de la clientèle [de France Telecom] effectue son règlement par prélèvement automatique“.Seconde difficulté majeure : la tarification de ces futurs services. Pour l’instant, elle correspond à des paliers fixés par l’Autorité de régulation des télécommunications (ART). Mais elle pourrait devenir de plus en plus libre. Thierry Arnaly, de 123 Multimedia, une autre société de services pour des éditeurs, anticipe déjà des paliers à 0,61 euro ou encore 0,76 euro par minute, contre environ 0,34 euro actuellement. Et certains rêvent d’augmenter, sur l’exemple des États-Unis, où l’on atteint parfois 100 dollars (108,4 euros) la minute. En tout cas, ce ne sera pas pour tout de suite. France Telecom se réserve encore les paliers les plus juteux et limite les opérateurs alternatifs au seul palier de 0,34 euro la minute pour éviter les ” éditeurs indélicats “, [pornographiques, ndlr].
Le public va s’y perdre
Des arguments jugés ” spécieux ” par Christophe Roy, directeur de l’interconnexion et de la réglementation de 9 Telecom (filiale de Telecom Italia). En attendant les opérateurs préparent déjà la création de cinq nouveaux paliers de taxation, pour le grand bonheur de tous… Sauf peut-être du consommateur qui risque d’avoir du mal à s’y retrouver.
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