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Le téléchargement dans tous ses états

Sous la pression d’utilisateurs toujours plus pressés et d’ayants droit qui traquent les usages illégaux, les techniques de téléchargement évoluent sans cesse. Tour d’horizon des principales méthodes.

Après l’entrée en vigueur de la loi Hadopi, on a pu observer en France un phénomène que beaucoup avaient prédit : les internautes ont délaissé les logiciels de peer-to-peer (P2P) au profit de la bonne vieille méthode du téléchargement direct (ou HTTP), garant de leur anonymat. Ce retour aux sources a fait les beaux jours de sites comme RapidShare ou Megaupload, avant que ce dernier ne connaisse une fin brutale. Mais comment tout cela fonctionne-t-il ? Reprenant le modèle de client-serveur, le téléchargement direct d’un fichier à partir d’une page Web est à la portée du plus novice des internautes : on clique sur un lien hypertexte pour envoyer une demande au site qui héberge le fichier (le serveur), ce qui déclenche son transfert vers notre ordinateur (le client). Cependant, bien que cette méthode d’échange bilatéral soit la plus simple et la mieux adaptée à un usage quotidien, bon nombre d’utilisateurs souhaitent beaucoup plus de rapidité que celle offerte par le protocole HTTP et se tournent donc vers des technologies alternatives comme le FTP et les déclinaisons récentes du peer-to-peer.

Le FTP à l’ancienne mais robuste

Le FTP (File Transfer Protocol) est bien connu de ceux qui créent et mettent à jour des sites Web : comme son nom l’indique, c’est un protocole spécifiquement consacré au transfert de fichiers. Reposant comme le HTTP sur un modèle client-serveur, il s’avère particulièrement adapté au téléchargement de fichiers très lourds car il offre une vitesse de transfert plus importante. Autre atout : sa faculté à reprendre un téléchargement interrompu à la suite d’une déconnexion, ce qui n’est possible en HTTP que par le biais de logiciels de gestion de téléchargements (FlashGet, Free Download Manager…). En FTP, on peut utiliser également un logiciel spécialisé (par exemple Filezilla sur Windows ou Cyberduck sur Mac OS, pour ne citer que les gratuits) pour rapatrier les fichiers sur son ordinateur ou pour en envoyer vers le serveur. Il est également possible de récupérer un fichier sur un serveur FTP à l’aide d’un simple navigateur Web. Il suffit pour cela de saisir les informations requises dans la barre d’adresses sous la forme suivante : “ ftp://nom_d’utilisateur:mot_de_passe@adresse_du_serveur ”. L’arborescence du serveur apparaît ensuite sous forme de liens cliquables, ce qui vous permet de naviguer jusqu’au fichier convoité comme si vous étiez dans un logiciel FTP. Par mesure de sécurité, l’accès aux serveurs FTP est souvent réservé à des utilisateurs disposant d’un identifiant et d’un mot de passe, ce qui permet, d’une part, d’identifier chacun et, d’autre part, de ne pas donner les mêmes droits à tout le monde : certains pouvant télécharger et envoyer des fichiers sur le serveur FTP, d’autres étant limités au téléchargement, l’administrateur pouvant en plus les supprimer du serveur.

Le modèle peer-to-peer de BitTorrent

Le principal défaut des modèles client-serveur comme HTTP et FTP tient à leurs besoins en bande passante : lorsqu’un grand nombre de clients téléchargent simultanément un fichier disponible sur un seul serveur, ce dernier doit répartir sa capacité d’envoi entre tous ces demandeurs. Résultat : la vitesse de téléchargement chute de manière radicale, les derniers arrivés pouvant même se retrouver dans l’incapacité d’accéder au fichier en cas de saturation. Le protocole BitTorrent, apparu en 2002, a complètement changé la donne en s’affranchissant du modèle client-serveur au profit d’un modèle pair à pair (ou peer-to-peer), c’est-à-dire n’étant plus centralisé autour d’une source unique. Son principe tient en deux points essentiels : d’abord, le fichier à télécharger ne constitue plus une entité indivisible mais est morcelé en petits blocs de données ; ensuite, chaque téléchargeur devient distributeur du fichier dès lors qu’il dispose d’au moins un de ces blocs. Du coup, le risque de saturation de la source devient nul et un cercle vertueux se crée : plus le nombre de personnes convoitant le fichier est important, plus sa vitesse de téléchargement augmente. Le premier à avoir mis le fichier à la disposition des autres est appelé “ seeder ” (de l’anglais “ seed ”, signifiant graine), tandis que ceux qui ne disposent que de quelques blocs sont considérés comme des “ leechers ” (de l’anglais “ leech ”, sangsue). Cependant, un leecher devient automatiquement seeder dès lors qu’il a complété son puzzle ? à condition de rester connecté au Torrent. BitTorrent sollicite ainsi non seulement le débit descendant de l’internaute pour télécharger le fichier, mais aussi son débit ascendant (upload ou téléversement en bon français) pour le distribuer, sachant que la capacité de téléversement d’une ligne haut débit est généralement beaucoup moins importante que celle de téléchargement.S’il n’y prend garde, un utilisateur connecté à un fichier BitTorrent risque donc de saturer son débit ascendant, ce qui se traduit alors par d’importants ralentissements lors du surf sur Internet – l’upload sert notamment à envoyer les requêtes d’affichage des pages Web. Pour éviter ce genre de désagréments, les logiciels P2P proposent heureusement des options de réglage du débit ascendant alloué au partage du fichier. Cependant, pour éviter que certains ne se montrent trop pingres en termes d’upload (ce qui briserait le fameux cercle vertueux), BitTorrent dispose d’un système de récompense qui donne la priorité à ceux qui envoient le plus de données.

Des liens Magnet pour attirer les données

Il y encore quelques années, l’architecture des réseaux BitTorrent n’était en fait pas entièrement décentralisée : pour que les utilisateurs puissent se connecter les uns aux autres, on utilisait un point central, appelé tracker, qui collectait dans un fichier toutes les adresses IP des ordinateurs connectés à un Torrent – c’est ce fichier.torrent qui, entre autres, permettait à chacun de connaître le nombre de seeders et de leechers présents. Le système de trackers souffre cependant de deux inconvénients, l’un technique et l’autre juridique. Le premier, l’indisponibilité d’un tracker hébergé sur un site rend impossible toute connexion entre les différents utilisateurs ; le second, les ayants droit des œuvres téléchargées illégalement ont pris l’habitude d’attaquer en justice les hébergeurs de trackers, les jugeant responsables de la mise à disposition des fichiers protégés par le droit d’auteur. C’est pourquoi ce système est abandonné progressivement par la plupart des grands sites de téléchargement BitTorrent au profit de la technologie Magnet. Si vous êtes familier de BitTorrent, vous avez dû tomber sur ces liens Magnet, utilisant le standard éponyme. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une énième technique de téléchargement, mais d’une méthode différente de recensement des fichiers présents sur les réseaux P2P. Cette technologie n’est d’ailleurs pas vraiment nouvelle puisqu’elle est utilisée depuis 2002 par les logiciels de type eDonkey ou eMule. En résumé, les liens Magnet permettent de se connecter directement aux possesseurs d’un fichier partagé. Pour ce faire, ils identifient les fichiers non pas par leur emplacement sur le réseau mais par leur contenu, en utilisant une méthode qui crée une empreinte unique pour chaque fichier. Le célèbre site de téléchargement (souvent illégal) The Pirate Bay, qui proposait à la fois des fichiers Torrent et des liens Magnet, a décidé de ne conserver que ces derniers… et de se rebaptiser The Magnet Bay !

Metalink : le téléchargement œcuménique

Depuis quelque temps, les adeptes de la suite bureautique OpenOffice.org ou des distributions Linux ont également vu apparaître sur le Web un nouveau type de liens appelés metalinks, qui permettent de télécharger encore plus rapidement ces volumineux logiciels et systèmes d’exploitation. Il s’agit en fait de fichiers XML qui recensent pour un fichier donné les différentes sources disponibles, qu’elles soient de type HTTP, FTP ou P2P (BitTorrent, eDonkey…). À la manière du peer-to-peer, ces liens permettent de télécharger individuellement différentes portions d’un fichier issues de plusieurs sources hétérogènes, améliorant ainsi la fiabilité et la vitesse du processus. Metalink est en fait un standard ouvert pouvant être intégré dans des logiciels clients de téléchargement – il est déjà disponible dans quelques-uns comme GetRight (Windows) ou Speed Download (Mac OS X). Et comme il prend en charge les technologies les plus en vogue telles que les liens Magnet, il y a fort à parier que ce système devienne rapidement la référence ultime en matière de téléchargement.

Les Seedbox : des machines à télécharger

Souvent utilisés sur des réseaux d’échanges en BitTorrent, les Seedbox sont des serveurs privés entièrement réservés au téléchargement. Ce concept a commencé à être connu du grand public à l’occasion de la sortie de la Freebox Revolution, qui dispose d’une fonction de ce type. Les freenautes peuvent en effet télécharger des fichiers en BitTorrent, mais aussi en HTTP et en FTP, directement à partir de leur box ADSL, ce qui évite le goulet d’étranglement que peut constituer la liaison Wi-Fi entre celle-ci et leur ordinateur. Pour ce faire, il suffit de se connecter à l’interface Web de la Freebox (http://mafreebox.freebox.fr), de cliquer sur l’onglet “ Seedbox ” et d’indiquer le lien du fichier à télécharger. Celui-ci pouvant être enregistré sur le disque dur de la box, il est même possible d’éteindre son PC pendant le téléchargement. Comme dans un logiciel BitTorrent, des options permettent de spécifier divers paramètres pour ne pas saturer sa connexion haut débit (débit ascendant maximal, nombre de pairs connectés, etc.).

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Jean-Michel Manat