Le Sénat à majorité conservatrice se montre innovant concernant les politiques publiques numériques. Les sénateurs ont adopté à l’unanimité, mercredi 19 février, une proposition de loi « visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace » déposée en octobre dernier. Porté par la présidente de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas (LR), le texte a été voté par 342 voix pour, aucune voix contre, ni abstention. Mais, le gouvernement s’y est toutefois montré « défavorable ».
« Rendre le pouvoir au consommateur »
« Internet promettait d’être l’eldorado de la liberté », a déploré la sénatrice. « Or, aujourd’hui, plus que jamais, les smartphones sont régis par un écosystème en silos. Nous sommes dans les mains d’un duopole [Google et Apple, NDLR] qui a toute latitude pour organiser comme il le souhaite la façon dont nous agissons en ligne ».
"#Internet promettait d'être l'eldorado de la liberté. Aujourd'hui, les smartphones sont régis par un duopole d'écosystèmes en silos. Nous devons rendre le pouvoir au consommateur !" @sophieprimas explique pourquoi il faut redonner le choix aux consommateurs dans le #cyberespace. pic.twitter.com/dVh5M6OwT2
— Républicains Sénat (@lesRep_Senat) February 19, 2020
Filant la métaphore avec un poste de télévision dans lequel il n’y aurait qu’une chaîne à l’intérieur, Sophie Primas a expliqué pourquoi il était nécessaire de lutter contre les concentrations « prédatrices » des Gafa. Sa proposition de loi donnerait ainsi à l’Arcep, le gendarme des télécoms, la mission de veiller à l’objectif du libre choix des utilisateurs de terminaux – que ce soit des smartphones, tablettes, ordinateurs ou encore tout autre objet connecté. C’est à dire à peu près tout le monde. En commission, les sénateurs ont également précisé que les stores d’applications sont aussi concernés.
Le Sénat interdit les dark patterns
Outre la liberté de choix, le texte imposerait aux plates-formes de renforcer leur interopérabilité. L’idée est de passer plus facilement d’un réseau social à un autre, tout en continuant d’interagir avec ses contacts. L’interopérabilité permet de fluidifier les activités des internautes. À l’heure actuelle, la majorité des applications et des sites Web sont centralisés, ce qui ne permet pas d’échanger si l’architecture est différente à la base.
La chambre haute s’est également attaquée aux dark patterns. En commission, les sénateurs ont introduit une interdiction pour les géants du Web d’utiliser des interfaces « trompeuses ». Cette disposition fait écho au concept de privacy by design dénonçant les cases pré-cochées qui extorquent le consentement, les services de désinscription impossibles à trouver ou encore les pages illisibles de conditions générales d’utilisation. Lors de la séance publique, l’interdiction a été étendue à tous les opérateurs.
Jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires mondial
Sinon quoi ? La proposition de loi prévoit en cas de non-respect de ces obligations des sanctions pécuniaires. L’amende pourrait aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires mondial, et 4 % en cas de récidive. Si l’on prend l’exemple d’Apple : le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élève à 265 milliards de dollars en 2018, la sanction représenterait ainsi 5,3 milliards – seulement. Une goutte d’eau ?
Si le texte a conquis le Sénat, il a toutefois peu de chances d’aboutir. Dans le processus législatif français, la proposition doit ensuite être débattue à l’Assemblée nationale, qui soutient le gouvernement. Même si le secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O, a salué une initiative « largement bienvenue », il estime que la régulation doit se faire au niveau européen.
Source : Sénat et AFP
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