L’Union européenne (UE) n’est pas à l’abri des logiciels destinés à espionner les personnes, comme le tristement célèbre Pegasus. En juillet dernier, Didier Reynders, le Commissaire européen à la justice, avait alerté dans une lettre la députée Sophie in ‘t Veld que des représentants de l’UE avaient peut-être été victimes du logiciel espion. A l’époque, il n’était pas exclu que des pays européens fassent partie des espions… Mais les choses viennent de prendre une nouvelle ampleur. C’est ce que révèle un rapport préliminaire explosif présenté au Parlement européen.
Ce rapport de 159 pages indique que, dans les 18 derniers mois, la Hongrie, la Pologne, l’Espagne et la Grèce ont été accusés d’utiliser des logiciels espions tels que Pegasus. Parmi les victimes, citons Nikos Androulakis, président du Mouvement socialiste panhellénique en Grèce, et le sénateur polonais Krzysztof Brejza. Rappelons que l’éditeur israélien NSO Group présente son logiciel Pegasus comme un outil destiné à lutter contre le crime et le terrorisme. Mais sans contrôle, il devient une arme de surveillance redoutable contre n’importe quel individu.
Pour la députée néerlandaise Sophie in ‘t Veld, qui a présenté le rapport préliminaire, l’utilisation de logiciels espions en Pologne et en Hongrie constitue une partie intégrale d’un système qui vise à contrôler et même à opprimer les citoyens. Sont particulièrement visés les journalistes, les politiciens, les opposants ou les critiques du gouvernement, ainsi que les lanceurs d’alertes. En Grèce, la situation est moins grave, mais des allégations de surveillance des politiciens et des journalistes font régulièrement surface. C’est également le cas en Espagne où des personnalités indépendantistes catalanes, ainsi que l’actuel président Pedro Sánchez auraient été victimes de logiciels espions.
Sophie in ‘t Veld a qualifié l’affaire de « Watergate européen », en précisant que ce scandale de l’utilisation des logiciels espions ne constitue pas une série d’abus nationaux isolés, mais une affaire qui touche toute l’Union européenne. Elle indique aussi que l’Europe a été la plaque tournante de l’exportation de tels logiciels vers des pays aux régimes oppressifs, tels que la Libye, l’Égypte et le Bangladesh. Elle cite en particulier la Bulgarie et Chypre comme exportateurs importants. L’Irlande et le Luxembourg offrent pour leur part des avantages dans les domaines fiscaux et bancaires. Et il existe même un salon européen pour les logiciels espions, qui se tient à Prague en République tchèque. Sophie in ‘t Veld a toutefois précisé que le rapport utilise en grande partie le résultat du travail de journalistes et d’enquêteurs, et que la plupart des gouvernements incriminés ont refusé de coopérer et n’ont donc pas confirmé les informations.
Pour la députée néerlandaise, il faut impérativement instaurer un moratoire sur les logiciels espions, en attendant une réglementation de leur vente et de leur utilisation :
« Aucune surveillance européenne significative n’est en place pour freiner l’utilisation illégale de logiciels espions puissants contre des individus, ou pour surveiller le commerce de ce type de programmes. »
Contrairement au Watergate américain, qui a abouti à la chute de Nixon, ce scandale européen n’a pour l’instant provoqué la démission d’aucun dirigeant.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.
Source : Bloomberg