C’était le 16 novembre 2017. Ce jour-là, Elon Musk, patron d’un Tesla qui n’avait dévoilé ni Cybertruck ni Model Y prenait la parole pour faire une promesse un peu folle : ressusciter le Roadster, un coupé cabriolet mythique aux origines de la marque californienne avec, pour unique mission de « donner une grosse claque aux voitures à essence ». Depuis cette annonce fracassante ? Pas grand-chose et pour dire vrai, de moins en moins d’éléments tendent à indiquer une arrivée prochaine de la voiture électrique la plus ambitieuse au monde, du moins sur le papier.
En effet, à mesure que Tesla multiplie les projets, Model Y pour les familles, Semi pour le transport de marchandises, Model 2 pour les petits budgets, l’intérêt qu’il porte au Roadster semble diminuer. C’est bien simple, après avoir communiqué sur quelques retards et un travail en cours, pour justifier son temps de développement particulièrement long, les allusions au bolide ont laissé place au silence. Alors qu’il devait être commercialisé en 2020, le Roadster semble avoir été mis au placard.
Pourtant, ce coupé deux places devait être la tête d’affiche du constructeur et c’est d’ailleurs ce modèle et pas un autre qui a été choisi pour être envoyé dans l’Espace. Six ans après son officialisation, nous avons plus de nouvelles du modèle « piloté » par Starman et qui flotte au-dessus de nos têtes, que du véhicule qui est censé affoler les compteurs des circuits automobiles.
Le Roadster est-il toujours dans les plans de Tesla ?
Officiellement, Tesla n’a jamais mis fin au développement du Roadster. Jusqu’à la fin 2022, il était même encore possible de réserver son véhicule sur le site américain de la marque, moyennant la coquette somme 50 000$ en guise d’acompte. Ce n’est plus le cas désormais, la page consacrée au bolide a disparu du site et c’est l’un des signes inquiétants concernant ce projet.
L’autre signal d’alarme est à chercher du côté de la roadmap de Tesla pour les prochaines années. Lors de son Investor Day, début mars, le constructeur a dévoilé le « Master Plan, partie 3 » de son dirigeant, soit la feuille de route de la marque pour le futur. Au cours de cette prise de parole longue de trois heures, pas une seconde n’a été consacrée au Roadster. Pire : sur les visuels dévoilés lors de la conférence, lors desquels les prochains véhicules de la marque étaient masqués, aucun ne semble correspondre au petit coupé sportif promis en 2017. En effet, Tesla a préféré sous-entendre un possible robotaxi et confirmer, à demi-mots, son Model 2 plutôt que de donner des nouvelles de son Roadster. Pour certains analystes, l’absence du petit bolide au cours de cet événement s’explique par le fait que le Roadster pourrait être produit en faible quantité et qu’il serait donc anecdotique en matière de volume. Au point d’être passé sous silence ?
Des retards, le silence… puis l’espoir ?
Après un lancement en fanfare et des allusions régulières, les allusions au Roadster se sont faites de plus en plus rares dans la communication de Tesla. Parfois moqué pour ses retards répétés, Tesla tient avec le Roadster l’exemple parfait d’une communication approximative. Lors du « reveal » du véhicule, en 2017, le début de la production était estimé à 2019, pour une commercialisation en 2020. Or, dès l’annonce de ses résultats financiers du second trimestre de 2020, Tesla a fait savoir que le Roadster aurait du retard, « 10 à 18 mois », à l’époque. La production était alors repoussée à 2021, mais c’était sans compter sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 et les tensions en matière d’approvisionnement de composants.
Fin 2021, Elon Musk reprenait la parole, ou plutôt son compte Twitter, pour annoncer une énième mauvaise nouvelle : la production du Roadster était repoussée à 2023, si et seulement « si Tesla parvenait à éviter un “méga-drame” avec la chaîne d’approvisionnement ». Depuis, le patron de Tesla s’est fait très discret concernant son bolide, préférant parler des autres produits de la marque, qu’il s’agisse du Cybertruck ou encore de son robot humanoïde.
Devenu véritable légende urbaine, le Roadster était absent du discours d’Elon Musk jusqu’à très récemment. Lors d’une réunion entre actionnaires en début de semaine, le dirigeant du groupe californien a été interrogé sur le coupé électrique. Musk n’a pas éludé la question, mais sa réponse incite à la plus grande prudence. Selon lui, l’ingénierie et le design du véhicule devraient être terminés l’an prochain : « Nous espérons, nous espérons vraiment, ceci n’est pas un engagement ferme, mais nous espérons commencer la production l’an prochain », a-t-il déclaré. Le patron de la marque a récidivé quelques jours plus tard, non pas pour parler de son véhicule, mais pour réagir aux propos d’un utilisateur de Twitter qui l’interpellait à ce sujet.
https://twitter.com/elonmusk/status/1659055616239849475?s=20
Cette évocation du modèle, délaissé jusqu’ici, le fait qu’il réapparaisse dans le discours d’Elon Musk, sont à coup sûr source d’espoirs pour les fans de la marque, à commencer par ceux qui ont commandé leur Roadster il y a plusieurs années.
La barre a-t-elle été mise trop haut ?
Comment expliquer un tel retard pour un produit aussi important en termes d’image ? Et comment expliquer que le Roadster ait été à ce point rétrogradé dans la liste des priorités d’Elon Musk ? La première raison est sans doute économique. Là encore, c’est le patron de Tesla qui parle le mieux de son jouet : « Le Roadster n’est pas seulement le glaçage sur le gâteau, c’est aussi la cerise sur le glaçage sur le gâteau. De ce point de vue, il ne sera pas un contributeur majeur en matière de revenus. Ce sera un produit à la rentabilité modeste, mais un produit dingue ! ».
Véhicule le plus haut de gamme du catalogue de Tesla, le Roadster ne sera évidemment pas le plus rentable. Il s’agit d’un véhicule vitrine censé repousser encore une fois les limites de la voiture électrique alors que les Tesla Model S Plaid et autres Model 3 Performance commencent à être concurrencées par certains modèles de constructeurs classiques.
L’autre explication concernant les difficultés à faire aboutir ce projet vient sans doute des objectifs qui lui ont été assignés, autrement dit de sa fiche technique. Pour comprendre la difficulté à produire le Roadster, il faut prendre en compte ses ambitions en matière de performance. Basé sur une architecture à trois moteurs, le petit bolide est censé offrir un couple démoniaque de 1 000 Nm, sa vitesse maximale doit dépasser les 400 km/h. Quant à son 0 à 100 km/h, il doit être abattu en 1,2 seconde. Des performances tout simplement ahurissantes qui ne doivent par ailleurs pas entamer l’autonomie du monstre. Celui-ci devra parcourir 1 000 km avec une charge.
En plus de ces caractéristiques techniques assez folles, le Roadster a été agrémenté de quelques fonctionnalités plus ou moins farfelues qui se sont ajoutées au cahier des charges au gré des sorties médiatiques d’Elon Musk. Ainsi, le patron du constructeur n’a pas hésité à annoncer que le futur bolide serait équipé de mini propulseurs de fusée directement issus de Space X. Quelques mois après cette première prédiction, il avançait que le Roadster serait capable de courts moments de lévitation au-dessus du sol. À n’en point douter, ces nouvelles exigences n’ont pas facilité le travail des ingénieurs de Tesla, loin de là.
Rendez-vous en 2024 ?
Après avoir été annoncé pour 2020, maintes fois repoussé jusqu’à disparaître de la communication de Tesla en 2023, le Roadster revient dans les plans du constructeur pour 2024. Faut-il y croire pour autant ? La dernière prise de parole d’Elon Musk incite à la prudence, mais d’après plusieurs analystes de la marque, le calendrier avancé par le CEO de Tesla est crédible. Les prochains mois seront consacrés à faire aboutir le Cybertruck tout en maintenant les efforts de production sur les autres véhicules du catalogue, Model Y en tête. Dès lors, 2024 apparaît comme une année propice au lancement de nouveaux produits et au démarrage d’un nouveau cycle. Si l’arrivée du Model 2, la compacte électrique pas chère de Tesla, semble être la priorité absolue des années à venir, le Roadster, lui, pourrait bien finir par passer par un trou de souris.
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