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Le rêve à pas cher

Internet à 15 ?, baladeurs MP3 à 30 ?, lecteurs DivX à 60 ?, appareils photo à 120 : l’industrie informatique et technologique a cassé ses prix. Mais, en bout de course, le consommateur en
ressort rarement satisfait.

‘ Ai-je les moyens d’acheter du pas cher ? ‘ Aussi incongrue qu’elle puisse paraître, cette question devrait être la première que se pose tout acheteur de produits technologiques avant
de passer à la caisse. Pour une simple et bonne raison : la technologie devient, comme l’alimentaire, un marché de masse.Le ‘ fan de techno ‘, l’ ‘ informaticien boutonneux ‘, le ‘ branché débranché ‘ ont depuis longtemps craqué pour tous les produits merveilleux des constructeurs informatiques et assimilés. Et ces derniers,
pour conserver un intérêt quelconque aux yeux de leurs actionnaires depuis que la bulle est retombée, doivent sans cesse augmenter leur chiffre d’affaires.Dans l’informatique et les technos, le seul moyen est de passer au stade supérieur : vendre du baladeur MP3 à madame Michu. Mais voila, en général madame Michu n’a pas les moyens.De son salaire moyen de 1 200 euros par mois, une fois le loyer, les besoins indispensables (nourriture, vêtements) et le plein d’essence payés, il ne reste presque plus rien. Inutile, dans ces conditions, de sonner à
sa porte pour lui refourguer un baladeur MP3 à 500 euros.Car 500 euros, c’est ce que madame Michu économise chaque année pour partir en vacances. Le seul moyen ?” donc ?” de persuader madame Michu de mettre à la main à sa carte de crédit, c’est de lui
proposer du pas cher. Un appareil photo (numérique – mais est-il bien nécessaire de le préciser ?) à 120 euros, un baladeur MP3 à 30 euros, l’Internet haut-débit à 15 euros. Voila qui devrait faire craquer notre bonne
dame.Bref, le rêve à pas cher. Seul problème, madame Michu n’a jamais réussi à se servir de son magnétoscope ; elle aura donc bien du mal avec ces merveilleux produits. Mais comme le diraient les constructeurs, ‘ A
ce prix là, on peut pas en plus fournir des beaux modes d’emploi et un service technique digne de ce nom. ‘
Ce qui pourrait être traduit par ‘ Déjà que vous êtes pauvres, si en plus vous êtes pas doués, nous on n’y peut rien. ‘ Mais, le pire n’est pas là. Le pire, c’est que ces produits sont
souvent ?” pas toujours c’est vrai ?” de très mauvaise facture. L’appareil photo produit des images affreuses, le baladeur MP3 émet un son strident et la connexion Internet fonctionne quand les problèmes
techniques sont résolus et que le service clients n’est pas débordé.Si bien que le joli rêve reste un rêve : on peut fantasmer sur son petit joujou pas cher à condition de ne pas l’utiliser… sous peine de se réveiller. Faut-il pour autant que les produits techno restent réservés à ceux qui
ont les moyens de payer plein tarif ?Bien sûr que non. Mais la ‘ démocratisation ‘ (si ce terme veut dire quelque chose) des technologies n’est pas une excuse à la tromperie. Car derrière cette ‘ démocratisation ‘ bien pensante se cache surtout
l’objectif de faire passer tout le monde à la caisse : si le pauvre n’a pas les moyens de s’offrir un bon lecteur MP3, qu’il se contente d’un mauvais lecteur MP3 qui ne fonctionne pas…* Rédacteur en chef délégué de l’Ordinateur IndividuelProchaine chronique mardi 15 février

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Alain Steinmann*