La production japonaise de matériel grand public provoque à nouveau l’admiration, ne serait-ce que pour sa croissance, comme dans les années pré-1990. Nous interprétons cette réussite par la conjonction de trois facteurs
principaux : la persévérance des recherches dans certaines technologies de composants clés ; un marché intérieur réceptif à l’innovation électronique ; une émulation entre tous les acteurs locaux.Le plus remarquable est que cette forme exceptionnelle existe malgré (ou grâce à la maîtrise) des délocalisations et la proximité de la Chine. Il y a donc là matière à réflexion pour ceux qui sombrent dans le pessimisme
aujourd’hui en Occident.Premier facteur de renouveau, donc, la persévérance dans les recherches en composants clés. En premier lieu, les composants optoélectroniques. Tout le milieu de l’électronique savait, dès 1995 environ, que les technologies des
écrans LCD ou plasma étaient appelées à trouver un essor commercial ‘ un jour ou l’autre ‘.Le problème, c’est que l’on ne savait ni quand aurait lieu cet essor ni si une technologie supplanterait nettement l’autre. Or, en Occident, dès que les espoirs de débouchés commerciaux dépassent les 4 ans, les
recherches correspondantes s’appellent recherches amont.Sous-entendu ‘ recherches à effectuer hors du cadre des budgets de R&D normaux des entreprises ‘. Sous-entendu également ‘ au bon vouloir de la recherche publique ‘. Thomson et
Philips, par leur importance, auraient pourtant dû persévérer (Siemens s’est désengagé du grand public) ; mais leur bilan financier ne leur a pas permis à l’époque d’être offensifs en la matière.Seul Philips a choisi au dernier moment une alliance avec LG pour sauver les meubles et en particulier pour que son activité CRT trouve un jour un relais. Il faut donc rendre hommage à tous les fabricants d’écrans LCD et plasma
japonais pour leur persévérance durant les années 1990, alors que leurs douze conglomérats étaient tous quasi au bord de la catastrophe financière.Pour les appareils photo numériques, les Japonais ont beaucoup moins de mérite : ils ont réussi à anéantir l’industrie de la photo occidentale dans les années 1950 et 1960, et ils avaient un tapis rouge devant eux pour
basculer de l’argentique au numérique.Ils l’ont fait, à notre avis, avec beaucoup de retard, sans aucun composant réellement innovant ; l’Occident a été dans les années 1990 plus fort que le Japon pour deux composants clés : le capteur
d’images CCD et le processeur de traitement d’images.Encore aujourd’hui, la force du Japon tient certes dans son savoir-faire en packaging et dans la connaissance des besoins des consommateurs. Mais en aucun cas dans les traitements d’images pour compenser les défauts des
optiques (nos sociétés spécialisées en électronique professionnelle maîtrisent les problèmes – ou devraient les maîtriser), dans les semiconducteurs (les Japonais y sont bons, sans plus), ou même dans les optiques, où leur avance tient surtout
dans leur réputation, leur savoir-produire en série et leur savoir-sous-traiter.
D’abord maîtriser les composants clés
Pour les lecteurs-enregistreurs de DVD, l’avance des Japonais tient moins dans la persévérance de leurs recherches en composants optiques (elle existe, mais sûrement pas avec des budgets énormes) que dans la puissance de leurs
marques commerciales en grand public.Les Japonais savent là profiter de leur expérience et des progrès mondiaux de l’optoélectronique, sans plus. En radiotéléphonie, l’origine de l’avance japonaise tient dans l’initiative qu’ils ont su
prendre avec l’i-Mode (le Minitel des mobiles au Japon), résultat d’une collaboration intelligente entre un opérateur de téléphonie et des fabricants de terminaux.Ce succès leur a permis de bien connaître les goûts des consommateurs en matière de multimédia mobile. Aujourd’hui, l’avance japonaise résulte de son investissement précoce en 3G, de ses composants d’affichage et
micromécaniques, de ses batteries, de son savoir-faire packaging et… de ses consommateurs, nombreux et réceptifs.Les mots clés du succès dans ces exemples sont les composants, les marques, la connaissance des besoins des clients, le savoir-sous-traiter. Si nous avions intégré le cas Samsung, nous aurions dû rajouter la rapidité de réaction…Rien n’est jamais transposable à 100 % dans d’autres exemples ; l’Occident a d’ailleurs quasiment abandonné le grand public. Mais, pour l’Occident, d’autres marchés tirent
l’innovation, tels que le militaire, l’automobile, les marchés de la carte à puce. La sécurité, l’énergie, le très haut débit pourraient aussi tirer un renouveau de l’électronique européenne si les grands programmes
correspondants, si souvent évoqués, prenaient forme.* Directeur de la rédaction d’ Electronique International HebdoProchaine chronique mardi 1er juin
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