Dans la course vers une nouvelle technologie réseau, inexorablement, quelques devanciers tentent d’imposer leurs cadences à un peloton qui fait bloc afin d’instaurer un standard. L’émergence d’Ethernet dans les réseaux métropolitains ne déroge pas à cette règle. Sans aucun complexe, les premiers constructeurs profitent de la virginité du secteur pour imposer leur solution technologique, dont le caractère innovant rompt brutalement avec le passé. Évidemment, ces putschistes érigent leurs solutions propriétaires en modèles, en termes de topologie, de garantie de qualité de service et de résilience.La solution de multiplexage temporel du constructeur suédois Dynarc caractérise bien ces échappées technologiques atypiques pour extirper le tandem IP-Ethernet du carcan de SDH-ATM, sans pour autant rogner sur la qualité de service. Celle-ci reprend à son compte la bonne vieille technique de la commutation de circuits, par nature déterministe. Cela dit, cette pratique ancestrale a légèrement été revisitée par le biais du protocole DTM (Dynamic synchronous transfer mode), qui autorise la création et la suppression de circuits à la volée en quelques millisecondes.
Une optimisation de l’occupation du canal
Outre cette flexibilité d’allocation, DTM prétend être plus apte que la technologie SDH-Sonet à optimiser la bande passante de l’anneau optique. Et pour cause : les flux qui font le tour complet d’un anneau SDH-Sonet sont statistiquement rares. Autrement dit, la majorité des données arrive à destination avant que le cycle de transmission optique ne soit bouclé. Par analogie, la trame SDH (Synchronous digital hierarchy) se comporte comme un TGV qui déposerait ses passagers à la première gare pour rentrer à vide. À l’opposé, Dynamic STM repose sur des cycles de 125 ms, soit l’équivalent d’un intervalle de temps de 64 bits. Cette granularité autorise un multiplexage de données disparates lors d’un même cycle de transmission et, donc, une optimisation de l’occupation du canal.Pour atténuer la surcharge protocolaire, les données et la signalisation sont transmises de manière désolidarisée. Outre l’apport d’un surcroît de bande passante, DTM se veut implicitement garant de la qualité de service puisqu’il utilise les attributs qualitatifs d’IP.Matériellement, les commutateurs Dynarc intègrent, dans une même boîte, un routeur IP ainsi qu’un brasseur optique, et supportent toute la palette d’adaptateurs MAN et WAN du Gigabit Ethernet aux interfaces SDH-Sonet-DWDM.
Dans l’attente d’une définition du futur standard
Pour contrecarrer ce dissident, Cisco propose une procédure d’adaptation d’Ethernet au MAN concurrente, désignée SRP (Spatial reuse protocol). Ce protocole de niveau 2 (MAC) emprunte des trames SDH-Sonet. Il se pose comme fondation de la technologie de transmission optique DPT (Dynamic packet transport), du même constructeur.SRP, de Cisco, tout comme DTM, de Dynarc, font l’objet de discussion au sein de l’IEEE pour aboutir à un protocole standard 802.17. Cette définition d’une normalisation est menée parallèlement au travail de vulgarisation et de promotion de l’alliance RPR (Resilient packet ring). Qu’ils soient membres ou non de ce lobby, d’autres challengers prétendent, sinon être élus, tout au moins contribuer à la définition de ce futur standard.Telle est l’ambition de Luminous Networks, armé de sa procédure RPT (Resilient packet transport).Par cette entremise, les routeurs MAN s’échangent des paquets de 8 octets pour se renseigner mutuellement sur l’état et la disponibilité de leurs accès. Dès qu’un lien s’avère défaillant, la connexion est restaurée dans un délai inférieur à 50 ms, selon Luminous. En outre, le protocole RPT autorise le transport natif des trames Ethernet et Gigabit Ethernet sur une longueur d’onde DWDM (Dense wavelength division multiplexing).Pour garantir une qualité de service de niveau opérateur sur les anneaux optiques Gigabit Ethernet, Extreme Networks s’inspire du système de protection SDH. Sa solution propriétaire désignée EAPS (Ethernet automatic protection switching) reproduit la redondance d’anneaux implicite sur SDH-Sonet.Le constructeur Foundry a choisi la cohabitation avec SDH-Sonet plutôt que l’exclusion. Ce compromis consiste à déployer des réseaux privés virtuels Ethernet de niveau 2 sur la couche physique SDH afin de bâtir un réseau maillé virtuel sur l’anneau SDH. L’avantage réside dans le fait que l’infrastructure Ethernet conserve toutes les fonctions de sécurité et de restauration de la couche SDH, tout en s’affranchissant des contraintes topologiques d’un anneau.
Les équipementiers Ethernet, orientés télécoms
D’autres équipementiers préfèrent outrepasser l’étape du réseau métropolitain pour promouvoir d’emblée une solution Ethernet dans le réseau longue distance. Il est vrai que la lisière entre le réseau LAN et le réseau WAN s’estompe progressivement, emportant au passage le concept de MAN (Metropolitan area network). Sycamore Networks adosse, par exemple, son commutateur SN 8000 à un adaptateur Gigabit Ethernet sur fibre optique plutôt qu’à une interface SHD-Sonet.L’exportation d’Ethernet sur le réseau longue distance devrait s’amplifier avec l’avènement de l’Ethernet à 10 Gbit/s. Ce calibre se destine idéalement aux opérateurs télécoms et autres ISP. Rares seront en effet les entreprises à réclamer un tel débit.Évidemment, la vieille garde des équipementiers promet des modules SDH-Sonet OC-192 de capacité équivalente. Mais le coût de ces extensions avoisine 1,75 million de francs, contre un premier prix de 315 000 F pour un adaptateur 10 Gigabit Ethernet.
Le 10 Gigabit Ethernet : pas avant 2002
Néanmoins, pour s’aligner sur l’orthodoxie de l’ITU-T, l’association 10 Gigabit Ethernet Alliance (10GEA), fondée par une kyrielle de constructeurs tels que Cisco, 3Com, Extreme Networks, Intel et Nortel Networks, travaille sur l’interconnexion native de l’Ethernet 10 Gbit/s, avec une liaison OC-192 utilisée dans le WAN. De plus, le 10 Gbit/s sur une connexion DWDM est également à l’étude. Cette avancée devrait rendre l’utilisation de la couche SDH-Sonet caduque. Cela dit, le 10 Gigabit Ethernet n’est pas prêt de se concrétiser. Les premières spécifications ne seront définies que cet automne, et la norme a peu de chance d’être ratifiée avant fin 2002.
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