Le Premier Ministre, Dominique de Villepin, et son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, ont présenté jeudi 9 février les grandes lignes de l’avant-projet de loi relatif à l’intégration et à l’immigration. En l’état, le futur
texte de loi s’articule autour de deux concepts : la limitation d’une immigration ‘ subie ‘ et le développement d’une immigration ‘ choisie ‘.Une carte de séjour ‘ compétences et talents ‘ sera ainsi délivrée aux ressortissants étrangers ‘ susceptibles de participer (…) au développement économique ou
au rayonnement (…) de la France dans le monde ‘. Pour les pouvoirs publics, cette immigration ‘ choisie ‘ devrait ainsi contribuer, entre autres choses, à pallier la pénurie d’informaticiens
qui frapperait la France à intervalles réguliers. Mais en matière d’informatique, le concept d’immigration ‘ choisie ‘, si cher au Gouvernement, relèverait-il de l’illusion politique ?‘ L’immigration “choisie” c’est avant tout un moyen peu avouable de piller les ressources de beaucoup de pays émergents ‘, estime Yvan Béraud, secrétaire général du syndicat
Betor Pub CFDT. Le Munci (Mouvement pour une union nationale des consultants en informatique) est également très réticent sur ce volet du projet de loi en préparation.‘ Pour justifier ces mesures, on nous parle de pénurie de main-d’?”uvre, mais on se moque du monde si l’on considère que la France, aujourd’hui, compte entre 40 000 et 50 000 informaticiens au
chômage ‘, commente Régis Granarolo, président de cette association professionnelle. Dans cette optique, pour ce responsable associatif, la politique de quotas envisagée par le Gouvernement (qui consisterait à essayer
d’attirer des informaticiens étrangers sur le marché français) constitue un véritable danger pour l’emploi, en particulier celui des seniors souvent fragilisés en fin de parcours professionnel.‘ En fait, s’il y a pénurie, ce n’est pas d’une pénurie de main-d’?”uvre qu’il s’agit mais d’une pénurie de compétences (non immédiatement disponibles sur notre marché du travail), poursuit Régis
Granarolo. Les quotas sont une aberration dans les circonstances actuelles et il vaudrait mieux recruter au cas par cas. ‘ Seul point positif entrevu par le Munci dans les réformes à venir, l’idée d’une
réactualisation annuelle des besoins en main-d’?”uvre étrangère.
‘ Une pénurie basée sur des chiffres fantaisistes ‘
‘ Cette expérience de l’incitation à venir travailler en France a déjà été tentée. Et elle s’est soldée par un échec cuisant ‘, ajoute pour sa part Yvan Béraud. ‘ Au
milieu des années 90, les organisations syndicales et patronales avaient passé un accord informel sur les conditions de rémunération et la classification des informaticiens étrangers en activité en France, explique le responsable
syndical. La situation était clarifiée. Elle a même fait l’objet en 1998 d’une circulaire émanant des ministères de l’Intérieur et de l’Emploi. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les informaticiens d’Inde et d’ailleurs ne se
sont pas rués sur le marché français. ‘Pour les pouvoirs publics, le recours à l’immigration ‘ choisie ‘ pour les métiers se fonde sur plusieurs études, dont celle récemment publiée par la Dares (Direction des études et statistiques du ministère de
l’Emploi). Un document prospectif qui table sur la création nette de 149 000 postes d’informaticiens sur la période 2005-2015.Outre le fait qu’une précédente étude de la Dares sur le même sujet ne s’est
pas avérée des plus concluantes, ce chiffre de 149 000 créations d’emplois nettes, paraît
‘ fantaisiste ‘ aux yeux de certains observateurs. ‘ Aujourd’hui, quand le marché reprend cela se traduit par une embauche de 30 000 informaticiens, ce qui équivaut à
6 000 créations nettes d’emplois, détaille Régis Granarolo. Alors, il faut être réaliste. ‘ Pour Yvan Béraud, les prévisions officielles actuelles reviennent tout simplement
‘ à mélanger des choux et des carottes, car personne ne connaît au juste le nombre d’informaticiens évoluant sur le marché français ‘.
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