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Le Québec joue la carotte fiscale pour attirer les sociétés high-tech

Prises en charge salariales, exemptions d’impôts : la Belle Province fait tout pour séduire le secteur des nouvelles technologies. Mais cette générosité pourrait peser lourd sur le budget de l’état.

Tout a commencé dans l’esprit d’un original de 44 ans, Sylvain Vaugeois, fondateur d’un cabinet d’expertise et de conseil montréalais. L’homme se présente volontiers comme “le plus grand emmerdeur du Québec”, mais il sait surtout se faire entendre. Il a notamment l’oreille attentive de Bernard Landry, naguère tout-puissant ministre des Finances, aujourd’hui chef du gouvernement de la Belle Province. En 1996, Vaugeois et ses hommes concoctent le plan Mercure, censé créer 25 000 emplois dans le secteur des nouvelles technologies, avec une recette simple : la prise en charge par le gouvernement d’une part importante ?” 15 240 euros, soit environ 100 000 francs par an ?” de chaque salaire versé. Une subvention déguisée, répondent les détracteurs du projet, qui assurent que les finances publiques ne s’en remettront pas.

Cinq ans sans voir le fisc

Pourtant, Bernard Landry donne suite au concept. La version ministérielle réduit certes la contribution à 40 % du salaire (9 146 euros maximum). Mais elle ajoute un volet important : les congés fiscaux. Le tout étant chapeauté par le bien nommé Bureau de développement de la nouvelle économie. “Avant d’annoncer nos mesures, se souvient André Parent, coordinateur du projet au ministère des Finances, nous avons fait le tour de la planète pour voir ce qui se faisait en matière d’incitations fiscales. Nous avons pris des idées à droite à gauche. Au final, nous avons créé quelque chose d’unique.” En trois ans, les Centres de développement des technologies de l’information vont essaimer dans la province. Joyau du dispositif, la Cité du Multimédia est lancée en juin 1998 à Montréal.Les entreprises installées dans ces édifices profitent des mêmes avantages : ni impôt, ni taxe professionnelle pendant cinq ans ; crédit d’impôt sur l’acquisition de matériel spécialisé ; prise en charge d’une part des salaires. Et, comme le Québec manque de cerveaux, le spécialiste venu de l’étranger ne paiera, lui non plus, aucun impôt pendant cinq ans. “Ça marche, avoue Daniel Boismenu, directeur d’Alliance Numériqc, un groupe de patrons du secteur. Prenez Montréal, un des plus vieux quartiers industriels d’Amérique du Nord… C’est devenu un pôle technologique en quelques années.” Bernard Landry avait promis 10 000 emplois en dix ans ? La Cité en accueille déjà 5 000 et les espaces en construction sont déjà loués. Motorola s’apprête à emménager aux côtés de dizaines de start-up déjà locataires. Il n’empêche, le projet ne fait pas que des heureux. Pour être de la partie, il faut s’acquitter d’un loyer bien plus élevé qu’ailleurs. Quant aux bâtiments situés en région, plus petits, ils sont arrivés à saturation. “Il manque une deuxième phase, tranche Michel Beaudin, vice-président de CML Versatel, société high-tech basée près d’Ottawa. Une fois installé, vous êtes à la merci du propriétaire, qui ne répond pas toujours à vos besoins d’expansion. On ne pouvait pas attendre, on est partis.” Pas fou, Versatel négocie dur pour garder le bénéfice des mesures fiscales… Pour le gouvernement, l’opération pourrait coûter 760 millions d’euros sur 5 ans. Lourde facture pour une province de 7,5 millions d’habitants. Mais Bernard Landry, souverainiste convaincu, veut prouver que son cher Québec n’est pas qu’un simple producteur de sirop d’érable.

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Denis Guérin à Ottawa