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‘ Le projet de loi antipiratage n’est pas liberticide ‘

Les producteurs de disques contre-attaquent. Sondage à l’appui. Selon une étude, la ‘ risposte graduée ‘ serait plébiscitée par près de 74 % des Français.

A quelques jours de l’examen en conseil des ministres du projet de loi intitulé ‘ Création et Internet contre le téléchargement illégal ‘, l’industrie du disque monte au créneau. Sondage à l’appui. La SCPP
(Société civile des producteurs de phonogrammes) a commandé à l’institut Ipsos une étude pour connaître l’état de l’opinion sur le mécanisme de la ‘ riposte graduée ‘ prévu par le futur texte de loi.Celui-ci prévoit la suspension temporaire de l’abonnement Internet des internautes récidivistes pris en flagrant délit de piratage. Si cette mesure a été dénoncée par le
Parlement européen, qui y voit une atteinte aux droits de l’homme, l’opinion publique n’y serait pas totalement défavorable.
Selon le sondage rendu public ce lundi par la SCPP, 74 % des Français ne seraient pas hostiles au projet de loi antipiratage du gouvernement. Et 88 % des personnes se disent prêtes à arrêter de télécharger illégalement si elles recevaient
un ou plusieurs avertissements les sommant de le faire. Voilà qui conforte la SCPP dans son discours. Son directeur général, Marc Guez, s’en explique.01net. : Le Parlement européen a voté un texte contre l’interruption de l’accès Internet des internautes. Une pétition a également été lancée pour s’opposer à certaines mesures de la loi antipiratage.
Que pensez-vous de ces initiatives ?

Marc Guez : Nous avons été très surpris par le caractère outrancier de cette résolution et de cette pétition, qui qualifient de ‘ liberticide ‘ un texte qui pour nous ne l’est absolument pas.
Nous avons fait réaliser un sondage auprès des Français [lire l’encadré en bas de page]. Ils ont apparemment la même perception que nous.


Pour eux, ce ne sont pas des textes liberticides. Se faire couper temporairement son accès Internet après x messages d’avertissement, ce n’est pas quelque chose qui porte atteinte à la liberté individuelle. C’est comme ça que les
Français le voient. C’est comme ça que nous, nous le voyions. Et nous sommes très contents que ce sondage le confirme dans une très très large majorité.


Donc, il y a une campagne de gens qui profitent de la piraterie et qui ont envie que cela continue. Et, effectivement, qui font dire des choses à des députés ou à des organes de presse. Ce sont des gens qui vivent en partie de la
piraterie et qui bien sûr sont nos adversaires, c’est clair. Mais nous nous exprimons à notre tour pour contredire toutes les idées qu’ils souhaitent faire passer. Voilà, tout ça, ne n’est pas George Orwell, ce n’est pas
1984 !Qui sont selon vous les ‘ gens qui profitent de la piraterie ‘ aujourd’hui ?


Cela concerne beaucoup de gens. Tous ceux qui vendent du matériel informatique. La presse informatique, ou une partie en tout cas. On a pu remarquer que certains faisaient la promotion de leur journal sur la pétition qui vient d’être
lancée. Donc, c’est une campagne de marketing par laquelle ils flattent la gratuité sur Internet. On peut comprendre que des gens le souhaitent. Mais il faut aussi qu’ils comprennent que ce n’est pas un système à même de faire vivre les artistes et
les créateurs.Certains critiquent les mécanismes de ‘ riposte graduée ‘ prévus dans la loi. Ils dénoncent des méthodes de surveillance sans pareilles de l’activité des internautes. Qu’en est-il exactement ?



Ce ne sont pas les gens qui sont surveillés, ce sont leurs machines à partir du moment où elles sont connectées à un réseau peer-to-peer. Par exemple, quelqu’un qui allume son micro, qui met des fichiers en partage et
qui part de chez lui pendant trois mois. Eh bien, il sera susceptible d’être détecté, parce qu’il est connecté au réseau.


En revanche, s’il est là ou pas, s’il surfe ou non, on ne le sait pas. On ne surveille pas du tout l’activité de flux, c’est-à-dire ce à quoi les citoyens se connectent. Le fait déclencheur, c’est qu’une machine, quelle qu’elle soit,
mette des contenus à disposition. C’est comme si des gens sortent des meubles de jardin devant leur maison. Tous les gens qui passent devant leur maison peuvent les voir. A contrario, si vous les laissez à l’intérieur, personne
ne va les voir. Et on ne rentre pas chez vous.Quels sont les outils utilisés dans ce type de recherche ?


En fait, on interroge les réseaux de peer-to-peer pour savoir quels sont les fichiers mis en partage. Et ce sont eux qui vont nous dire quels sont les internautes connectés qui les mettent à disposition. C’est un
échantillon qui est prélevé à un instant donné. Nous collectons les informations de base : à partir de quelle connexion Internet ont été mis à disposition des fichiers sans autorisation. Nous enverrons tout cela à une autorité indépendante
spécialisée et sous le contrôle de l’Etat, qui doit être créée. C’est elle qui décidera du nombre de messages d’avertissement à envoyer aux internautes [pris en flagrant délit de mise à disposition illicite de fichiers, NDLR].
Nous nous ne ferons rien en direct.Quelles sont à l’heure actuelle les politiques à l’?”uvre en Europe pour la prévention et la lutte contre le piratage ?


Les messages d’avertissement, cela fait très longtemps qu’ils sont en vigueur dans nombre de pays à travers le monde. Dans certains cas avec l’accord des Cnil locales, dans d’autres cas sans qu’il soit nécessaire de créer une loi. En
France, jusqu’à présent, on nous a interdit de le faire. Mais cela se fait en Grande-Bretagne, en Belgique, dans tous les pays scandinaves, en Allemagne, en Italie, enfin dans tous les pays proches de nous membres de l’UE depuis longtemps. Ces
messages existent et n’ont pas été perçus comme attentatoires aux libertés individuelles.Ces politiques créent-elles un contexte favorable au développement de la musique numérique ?


La France est le pays où la piraterie est la plus importante, justement parce que l’on n’a pas pu employer ces messages d’avertissement. Donc, en France, la musique numérique ne représente que 5 % du marché, alors qu’aux Etats-Unis
c’est près de 20 %, tout comme en Grande-Bretagne. Et en Allemagne, c’est 10 %. On voit très clairement l’impact de ces messages. Et le sondage Ipsos montre également que, après deux avertissements, plus de 88 % de ceux qui piratent
sont prêts à arrêter. Ce qui est énorme ! La piraterie qui subsisterait après la mise en ?”uvre de ce projet de loi devrait donc être résiduelle. Qui tient la plume du futur projet de loi ? Et avez-vous des informations sur son calendrier d’examen ?


C’est le ministère de la Culture qui tient la plume. Totalement. Le projet est bien sûr fondé sur les accords Olivennes. Tout ce que l’on a vu du texte, car nous n’avons pas encore la version définitive, est conforme à ces accords. Il n’y
a rien de plus. Il n’y a rien de moins. Le ministère attend de façon imminente le retour de l’avis du Conseil d’Etat. Le texte devrait être présenté en conseil des ministres au mois de juin et en première lecture au Sénat au mois de juillet.

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Propos recueillis par Philippe Crouzillacq