C’est une soirée qui avait mal commencé. Un sacré mal de dents, l’envie de quitter le bureau à 19 heures… et mon portable qui sonne. ‘ Tu viens ce soir ? ‘ Tu
m’étonnes que je viens pas, je vais me bourrer de médocs et je vais me coucher, mon pote.Ah bon, j’avais promis ! C’est quoi encore ? Ah oui, l’invitation d’un petit producteur de porno en ligne qui veut me montrer sa dernière réalisation. Entendons-nous bien, il s’agissait
d’une démonstration purement technique : le fin du fin du streaming appliqué au porno.‘ Pourquoi pas, ça va me détendre la mâchoire ‘, me dis-je, cynique. Ce que je ne savais pas, c’est que je n’allais pas vraiment me marrer. Sur place l’ambiance n’était pas très
chaude. Pourquoi ? Parce que le porno sur Internet a mal aux fesses !Le patron de la boîte n’y va pas par quatre chemins. ‘ Les maisons de disques prétendent que Kazaa et le peer-to-peer les ont ruinées. C’est du pipeau. Ceux que Kazaa a mis sur la paille, c’est nous,
les petits producteurs de porno. ‘Je venais de basculer dans la quatrième dimension, pendant que le patron en question s’installait devant son PC et se connectait sur Kazaa. Le bougre avait vraiment raison : on trouve tous les films porno du monde sur les
réseaux d’échange de fichiers.Pourquoi payer des abonnements coûteux à des sites porno quand on peut avoir tout gratos, sur Kazaa ? Selon les analystes et les gens du milieu, entre 50 et 75 % des fichiers disponibles sur les réseaux peer-to-peer sont des
fichiers porno.Et les producteurs commencent à en ressentir les effets : ils attirent moins de clients sur leurs sites payants. Le type que je venais voir ce soir-là criait au meurtre : ‘ Nous, ça va encore, mais j’en
connais qui risquent de devoir mettre la clé sous la porte ; pourtant, si le Web s’est développé, c’est en partie grâce à nous. ‘Il faut bien l’admettre : les éditeurs de sites porno ont, en quelque sorte, inventé le Web moderne. Le paiement par carte bancaire sécurisée : demandé par les pornographes. La technologie du streaming : largement
améliorée à la demande des mêmes. Les certificats de sécurité : encore eux.Même les pires excès de la Net-économie viennent du porno. Le nom de domaine Sex.com a été l’un des premiers à valoir des millions de dollars, avant d’être l’objet d’une confrontation judiciaire… Sans
le porno tout cela aurait existé, mais moins vite, peut-être moins bien. Et qui a financé les hébergeurs Internet, en leur achetant toujours plus de bande passante ? Je parie que vous avez deviné.Certes, on ne va pas pleurer sur les producteurs de porno, qui savent mieux que tous exploiter la misère humaine. Mais, économiquement parlant, leur ruine ne fera pas de bien au secteur tout entier.* Rédacteur en chef adjoint de l’Ordinateur individuelProchaine chronique jeudi 19 juin
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