La majorité des observateurs, en particulier ceux du monde de la finance, ne retiennent depuis trois mois ?” mais surtout depuis le début de l’année ?” que les mauvaises nouvelles et se font un plaisir de les
transformer dans leurs déclarations sur la conjoncture en tableau noir. C’est vrai pour l’évolution du marché du PC et de celui des radiotéléphones (qui reviendraient selon eux à une croissance à un chiffre), mais c’est encore
plus vrai pour le marché du semiconducteur, ‘ évidemment entré dans une phase de récession, maints exemples étant là pour le prouver ‘. Des exemples ?” on oublie de le préciser ?” qui ont tous une
explication spécifique.Que notre milieu soit pessimiste en Europe, cela se comprend : un dollar à 1,3 ? mine littéralement les comptes des sociétés dont la majorité des coûts vient de la zone euro (au-delà de 1,1 ?, les règles du jeu
sont faussées). Mais que les Américains par exemple soient pessimistes est vraiment incompréhensible. Revenons donc aux tendances structurelles de nos marchés.Le marché du semiconducteur, pour prendre le meilleur exemple de thème de pessimisme, dépend beaucoup de son cycle propre, pas mal de celui de ses marchés consommateurs (surtout lorsque ces derniers s’écartent de la fourchette de
croissance de + 5 % à + 10 %), et un peu de la situation économique générale. Cette année, la croissance mondiale sera, selon les économistes, de près de 4 %, donc en principe au-dessus des 3,4 % de la tendance long terme.
Un contexte favorable
Parallèlement, aucun grand marché consommateur de semiconducteurs ne devrait croître de moins de 10 %. Sauf exceptions, les sociétés d’études voient le marché de l’informatique croître d’au moins 11 % en
quantités en 2005 (contre 12 % environ en 2004), le marché des radiotéléphones dans une fourchette de 10 % à 15 % (on ne voit vraiment pas pourquoi, à l’heure de l’arrivée de la 3G et des smartphones, ce marché
freinerait fortement sa croissance), le marché des infrastructures télécoms de l’ordre de 10 % (les opérateurs sont de moins en moins endettés : or la 3G et l’ADSL appellent des investissements), celui du grand public
dépasser 9 % (grâce à des explosions de marché pour les téléviseurs plats, les enregistreurs DVD et tout ce qui est lié à la TV numérique, la croissance de la photo numérique revenant à… +20 % par an), et celui de
l’automobile se maintenir autour de 10 %.Même nos ‘ niches ‘ françaises (carte à puce autour de +20 % et aviation vers +10 %) devraient bien se comporter. Normalement, 2005 devrait donc figurer plutôt dans les périodes fastes de
l’histoire de l’électronique mondiale.En ce qui concerne le semiconducteur, avons-nous vraiment entamé un cycle bas ? C’est quasi impossible. Depuis 2001, cette industrie ne cesse structurellement de sous-investir, comme nous l’avons maintes fois souligné
dans ces colonnes. Traumatisée par le krach de 2001, elle investit désormais ‘ au jour le jour ‘ ; elle semble avoir complètement oublié ?” à l’exception notable d’Intel, de Samsung et des
fondeurs ?” que des capacités de production nouvelles en technologie avancée doivent se prévoir deux ans à l’avance. Il est vrai que, durant la période T3/2003-T2/2004, des stocks ont été constitués par crainte de pénurie. Aussi
bien en composants qu’en produits finis.Mais ces stocks ont culminé (selon iSuppli) à 1,6 Md$ en novembre en semiconducteurs (moins de 3 jours de production mondiale) et sont en voie de résorption. Ils sont difficiles à chiffrer en produits finis mais ils sont là
aussi en cours de réduction. Il y a donc une très forte probabilité pour que nous nous retrouvions en avril face à des industries consommatrices en état de sous-stockage, une industrie du semiconducteur avec des capacités de production utilisées à
près de 90 % et face à une croissance de marché annuelle en nombre de pièces de l’ordre de 15 %.Où donc est la crise, sinon dans la tête de ceux à qui l’on donne droit à la parole ? Le seul phénomène négatif auquel on peut s’attendre est une baisse du marché du semiconducteur en ce début d’année, à cause
non pas d’une diminution de la demande qui n’aurait pas été prévue, mais de prix de composants négociés à la baisse lors du 4e trimestre 2004 pour les 3 mois qui suivent… Le pessimisme ambiant a
malheureusement des effets négatifs concrets. Ne surestimons pas, toutefois, ces baisses de prix : avec des capacités de production utilisées à près de 90 %, les fabricants de semiconducteurs ne sont pas dans la situation de faiblesse de
fin 2001 (ces capacités étaient alors tombées à 70 %). A cette époque, il s’agissait de prendre des commandes coûte que coûte. Quitte à choquer les pessimistes, nous estimons pour notre part qu’il y aura à nouveau risque de
pénurie fin 2005, comme il y a déjà eu risque de pénurie mi-2004.* Directeur de la rédaction d’Electronique International Hebdo
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