Passer au contenu

Le peer to peer n’est plus considéré comme de la copie privée

La Cour de cassation annule une décision d’appel et demande que soit examiné le caractère licite de la source des fichiers.

C’était une décision qui ‘ faisait jurisprudence ‘. L’expression était un peu abusive en regard du droit, mais il est vrai que depuis que la
cour d’appel de Montpellier a estimé, en mars 2005, que les téléchargements de fichiers en peer to peer relèvent de la copie privée, la plupart des juges
statuent de même dans les affaires de ce genre. Jusqu’à maintenant. Car le 30 mai dernier, la Cour de cassation a annulé cette décision et renvoyé le cas devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Celle-ci devra rejuger l’affaire sur le
fond.Au c?”ur de l’arrêt de cassation se trouve la question du caractère licite de la source des fichiers copiés. En clair, y a-t-il un droit à la copie privée, même pour des fichiers téléchargés au hasard sur eMule ou Kazaa.Les parties civiles (le Syndicat de l’édition vidéo, la Fédération des distributeurs de films, Universal, Columbia, Buena Vista, etc.) avaient justement engagé leur action judiciaire avec cet argument : le caractère illicite de la
source des copies ne permet pas de bénéficier de la copie privée. La Cour de cassation reproche donc à la cour d’appel de Montpellier de ne pas avoir, elle, tranché la question.‘ Sans répondre aux parties civiles […] la cour a […] privé sa décision de toute base légale ‘, commente la Cour de cassation. C’est ce trou dans la réflexion juridique que la
cour d’appel d’Aix-en-Provence est censée combler.Selon l’Alliance Public-Artistes, pour qui télécharger en peer to peer est un acte de copie privée, cet arrêt est un moindre mal. Dans un communiqué, elle estime qu’il ‘ ne contredit pas la
jurisprudence actuelle. Ce sont de simples raisons de procédure qui ont conduit à la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier ‘.

Deux affaires revues en cassation

Le juriste Jean-Claude Patin, spécialiste du droit des nouvelles technologies et responsable du site Web juridique Juritel.com, est plus prudent. ‘ Ce que dit la Cour de cassation est limpide : si vous
souhaitez vous affranchir du droit d’auteur, alors vous ne demandez pas au droit d’auteur de venir à votre secours en invoquant la copie privée. ‘
Cet arrêt de cassation est le deuxième à revenir sur la notion de copie privée. En février, la Cour cassait le jugement dit
‘ Mulholland Drive ‘ de la cour d’appel de Paris. Celle-ci avait jugé incompatible avec la notion de copie privée le dispositif anticopie placé sur le DVD du
film Mulholland Drive.‘ Avec les deux arrêts de la Cour de cassation, on a un début de jurisprudence. Et dans les deux cas, il n’est pas question d’un “droit” à la copie privée ‘, note Jean-Claude
Patin. L’arrêt de cassation rappelle même que la copie privée n’est ‘ qu’une dérogation au monopole de l’auteur sur son ?”uvre ‘.C’est bien le danger qu’appréhendent les défenseurs du peer to peer.
‘ Si on fait dire à la loi que l’on doit vérifier le caractère licite de la source, alors on est
mal ‘,
reconnaît Lionel Thoumyre, juriste à la Spedidam, société de droits membre de l’Alliance Public-Artistes. L’autre souci, c’est l’arrivée de ces deux arrêts de cassation au moment où les parlementaires finalisent la loi
droit d’auteur et droits voisins. ‘ C’est gênant parce qu’on est dans une période très tendue, passionnée. Cela peut brouiller la vision des choses. ‘

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Arnaud Devillard