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Le nouvel horizon des places de marché

La baisse continue des valeurs internet fait problème d’un triple point de vue : boursier, économique et technologique. Dans cette descente aux enfers, le sort d’Ariba,…

La baisse continue des valeurs internet fait problème d’un triple point de vue : boursier, économique et technologique. Dans cette descente aux enfers, le sort d’Ariba, Commerce One, et i2 mérite un traitement singulier. Autant on pouvait compren-dre la disparition de dot-com inconsistantes de B to C, dépourvues de modèle économique soutenable ou de projet industriel, autant l’inexorable affaissement de sociétés proposant des logiciels de gestion de places de marché questionne. Faut-il y voir la marque de la faiblesse d’un modèle économique, une illustration supplémentaire de la sous-estimation des échelles de temps ou une mise en cause de l’idée même d’un bouleversement des fonctions achat des entreprises ?

Changement de scénario

Le modèle économique des entreprises B to B s’appuyait sur l’idée qu’une société maîtrisant un logiciel spécifique allait fédérer une profession, intégrer ses bases de données, gérer sa place de marché et se rémunérer à taux fixe sur chaque transaction. La plateforme, détenue par la société de commerce interentreprises et les professionnels, avait vocation à être cotée en Bourse. On comprend d’autant mieux l’exubérance irrationnelle des marchés que l’on projetait alors, à l’horizon 2005, 20 000 places de marché réalisant 2 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Mais` ce scénario ne se réalisera pas, et la question se déplace du modèle économique des Ariba et autres i2 vers celui des Covisint et autres Globalnetexchange (GNX).Si l’on veut évaluer les chances de succès de ces plateformes, il importe de se poser trois questions : à quel besoin répondent-elles ? Comment prévenir les risques de collusion ? Comment les faire coexister, entre elles et avec celles des firmes ? On voit bien les bénéfices que les entreprises de distribution peuvent tirer d’une standardisation, d’une homogénéisation et d’une intégration des bases de données de leurs fournisseurs. On voit bien l’intérêt de ces mêmes entreprises à développer des points d’achatavec enchères inversées. On voit, enfin, les opportunités d’un tel système en termes de gestion des stocks et des flux logistiques.Mais, à l’inverse, les risques de pression sur les fournisseurs sont immenses, dès lors que sont constituées ces mégacentrales d’achat. D’où la diversité des réponses apportées, même dans le secteur de la distribution : Walmart fait bande à part, GNX n’a pas regroupé l’ensemble de la profession et a suscité la naissance d’un rival, World Wide Retail Exchange. Seules des plateformes neutres, traitant des produits banalisés avec d’épaisses murailles entre concurrents, peuvent donc durer sans s’attirer les foudres des autorités chargées d’assurer les conditions de la concurrence.Pourtant, c’est dans l’achat de composants, voire de modules stratégiques, aux équipementiers que les ensembliers de l’automobile ou de l’aéronautique ont conçu des places de marché particulièrement ambitieuses. On ne comprend pas les Covisint et autres Exostar sans cette ambition. La question est loin d’être tranchée mais elle conditionne l’avenir des places de marché. Selon les développements observés, on pourra au minimum parler d’optimisation de la fonction achats des entreprises, et au maximum assister à un développement sans précédent de l’externalisation. La fonction achats est celle qui a le moins évolué dans l’entreprise.Certes, l’EDI [Electronic Data Interchange, ndlr] a permis une première rationalisation de la chaîne des achats, mais on a vite buté sur les limites de systèmes propriétaires. Avec le web-EDI, l’entreprise élargit considérablement le cercle des fournisseurs compatibles. Avec la place de marché, l’intégration des systèmes d’information, de facturation et de logistique fournit une étape supplémentaire totalement automatisée. Si les places de marché ont un avenir, l’analyse suggère que les échelles de temps et de coût sont à réviser fortement à la hausse.

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Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS