Après la recherche en ligne, la publicité : ce lundi 9 septembre s’ouvre aux États-Unis, devant un tribunal d’Alexandria, en Virginie, un nouveau procès contre Google. Il vise cette fois son empire publicitaire, un mois après le verdict retentissant qui a reconnu le géant du numérique coupable d’abus de position dominante sur le marché de la recherche en ligne.
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En janvier 2023, une coalition d’États américains et le département de la Justice initiaient une action en justice contre Google, accusé d’avoir « utilisé des moyens anticoncurrentiels illégaux pour éliminer ou réduire considérablement toute menace à sa domination sur les technologies de publicité numérique ». Pour ces derniers, le géant du numérique aurait utilisé sa position dominante et sa force de frappe financière pour neutraliser et étouffer toute concurrence dans le secteur de « l’Ad Tech » – le marché qui achète, vend et place en quelques millièmes de secondes des publicités sur des pages Web du monde entier.
Des « revenus des créateurs de contenus réduits », selon la plainte
Selon la plainte, Google dominerait à la fois le marché sur lequel les éditeurs de contenus offrent des espaces publicitaires, et le marché sur lequel les annonceurs publient leurs publicités. « Google s’est positionné pour fonctionner simultanément en tant qu’acheteur, vendeur et commissaire-priseur de publicité numérique », regrettent ses auteurs. Dans ce système, les annonceurs et les éditeurs n’auraient pas de réelle alternative. Ils seraient contraints de passer par l’outil de monétisation de Google qui met en relation les éditeurs de contenus et les annonceurs, le « Google Ad Manager », écrivent-ils.
À chaque fois qu’un internaute charge une page, ce système entrerait en jeu, en procédant à des enchères puis en plaçant des annonces sur cette page. Cet outil est utilisé sur les éditeurs de contenus du monde entier, pour vendre des contenus publicitaires sur leurs sites Web. Or Google manipulerait, selon la plainte, ce système d’enchères publicitaires à son profit. Et cela aurait entraîné « un grand préjudice aux éditeurs et annonceurs en ligne ainsi qu’aux consommateurs américains ».
Les pratiques de Google auraient permis, explique Jonathan Kanter, le procureur général adjoint, « d’évincer les rivaux, de diminuer la concurrence, de gonfler les coûts publicitaires, de réduire les revenus des éditeurs de presse et des créateurs de contenus, d’étouffer l’innovation et de nuire à l’échange d’informations et d’idées dans la sphère publique ».
Avec ce procès, les États et le ministère de la Justice américains cherchent à scinder les activités de Google dans le domaine de l’Ad Tech, ce qui pourrait transformer le paysage actuel de la publicité en ligne. La société de Mountain View pourrait devoir céder les logiciels publicitaires développés par DoubleClick, une société qu’elle a rachetée en 2008.
Si l’impact financier de ce procès devrait être moins important que le premier procès antitrust de Google qui cible la recherche en ligne, il pourrait modifier la façon dont fonctionnent de nombreuses entreprises de publicité en ligne. Une vente forcée d’une partie des technologies publicitaires de Google pourrait stimuler l’innovation, réduire les coûts pour les annonceurs et surtout augmenter les revenus des éditeurs de contenus en ligne, avancent nos confrères de Business Insider.
Les technologies publicitaires de Google sont utilisées parce qu’elles sont efficaces, selon le géant du numérique
Mais pour Google, ses outils ne sont pas obligatoires : les sociétés peuvent passer par d’autres systèmes proposés par des concurrents. Dans un billet de blog publié dimanche 8 septembre, la société de Mountain View a indiqué que les annonceurs et les éditeurs choisissent d’utiliser ses technologies publicitaires non pas parce qu’elles sont imposées, mais parce qu’elles sont « simples, abordables et efficaces ».
Deuxième problème : le ministère de la Justice américain se tromperait de marché, avance Google. Ni les réseaux sociaux, ni les applications, et ni les plateformes de streaming ne seraient pris en compte – alors que ces espaces représenteraient une bonne part de la publicité numérique.
Pour Barak Richman, professeur à la faculté de droit de l’université George Washington cité dans le Financial Times ce lundi, ce procès « illustre la tension politique qui existe lorsqu’une entreprise crée un nouveau marché, ce qui est présumé être une bonne chose, et qu’elle façonne ensuite le marché pour se promouvoir elle-même, ce qui est présumé être une mauvaise chose ».
À côté des États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni enquêtent aussi
Depuis 2020, l’administration américaine tente de réguler les grandes entreprises technologiques américaines, en se servant des lois antitrust vieilles d’un siècle – des législations qui seraient inadaptées et qui devraient évoluer, plaident certains économistes comme Lina Khan, à la tête de la FTC (« Federal Trade Commission », l’autorité américaine en charge de la concurrence et de la défense des consommateurs).
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Les autorités américaines ont intenté une action contre Meta (Facebook, WhatsApp) en 2020, contre Amazon (en 2023) et contre Apple (en mars dernier). Mais pour l’instant, seul Google s’est retrouvé sur les bancs d’un tribunal fédéral. L’Europe, armée du DMA, a aussi Google et d’autres géants du numérique dans son collimateur. En juin dernier, la Commission européenne a estimé que « seule la cession obligatoire par Google d’une partie de ses services », dans le secteur de l’Ad Tech, permettrait de mettre fin aux abus présumés de position dominante de Google.
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Outre Manche, l‘autorité de la concurrence et des marchés britannique (CMA), qui a aussi ouvert dans le pays une enquête contre Google pour les mêmes motifs, est arrivée à la même conclusion. Dans un rapport provisoire publié vendredi 6 septembre, elle a estimé que « Google utilisait son pouvoir de marché pour entraver la concurrence en ce qui concerne les publicités affichées sur les sites web ». Notamment « en truquant les enchères et en accordant un traitement préférentiel à ses propres plates-formes ».
Or, « de nombreuses entreprises sont en mesure de maintenir leur contenu numérique gratuit ou moins cher en utilisant la publicité en ligne pour générer des revenus », a rappelé Juliette Enser, de l’autorité britannique, citée par The Register. « C’est pourquoi il est si important que les éditeurs et les annonceurs – qui permettent ce contenu gratuit – puissent bénéficier d’une concurrence efficace et d’un traitement équitable lorsqu’ils achètent ou vendent de l’espace publicitaire numérique ». Le juge américain optera-t-il pour la même approche ? Le procès devrait durer plusieurs semaines.
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