Le Nouveau Marché déprime. En dégradation constante depuis le début de l’année, l’habitat naturel des valeurs de croissance françaises, depuis sa création en 1996, fait figure de parent malade d’une famille elle-même ” souffreteuse “. Certes, les autres marchés ne sont pas flamboyants, à commencer par ceux sensibles aux valeurs technologiques. Mais le Nouveau Marché (NM) accentue l’e-krach, avec un écroulement de 62 % depuis le début 2001, contre des baisses de 38 % pour l’IT CAC (indice représentatif des valeurs technologiques, médias et télécoms françaises), de 54 % pour le Neuer Markt allemand, de seulement 23 % pour le Nasdaq, la référence mondiale. C’est que le compartiment français cumule deux tares rédhibitoires, en ces temps de glissade boursière : il est composé d’entreprises de technologie et de sociétés de taille modeste, voire microscopique. Du coup, c’est le marché lui-même qui est sanctionné sans distinction. Sur les 51 entreprises introduites depuis début 2000, seules trois peuvent se targuer d’une hausse de leur titre. Quant aux neuf nouvelles venues en 2001, elles se sont effritées en quelques mois de 10 % à près de 80 % !.
Un rang difficile à conserver
Conséquence, l’image du Nouveau Marché ne cesse de se détériorer auprès des investisseurs et des entreprises elles-mêmes. La faiblesse des transactions et des introductions en est le premier symptôme. Pris en tenaille entre le Premier Marché et le Second Marché, plus puissants, éperonné par un Marché libre dynamique (une quinzaine d’introductions depuis le printemps, avec une accélération en fin de semestre), en passe de devenir le recours des start-up en mal de financement, ce compartiment a du mal à maintenir son rang. Et sur le plan international, la déficiance congénitale de la place française n’a pas été adoucie par les récents déboires du Neuer Markt, lequel demeure, pour les professionnels, la véritable place européenne des valeurs internet. “ Je fais le pari que lorsque les marchés repartiront, c’est le Neuer Markt qui bénéficiera en premier lieu du retour des introductions “, risque le responsable des fusions-acquisitions d’une banque internationale. Quant au Tech Mark britannique, il excède encore, avec ses 240 valeurs cotées, la surface de son homologue français (environ 160 sociétés cotés).
Une mort annoncée ?
Les tourments du Nouveau Marché, au bout du compte, touchent à son rôle même de point de passage obligé, en matière de financement, des entreprises de croissance, au point que des rumeurs de réorganisation, voire de fermeture pure et simple, commencent à poindre. Rumeurs vite démenties. “On fait un amalgame, plaide Xavier Leroy, directeur adjoint d’Euronext. L’ancienne Bourse de Paris est entrée depuis un an dans un processus de fusion avec Bruxelles et Amsterdam. Ce processus répond à une stratégie de développement, et ne signifie en aucun cas la disparition du NM. Un marché réglementé pour les valeurs de croissance a toute sa place, même s’il présente un caractère de risque plus important que d’autres marchés réglementés. ” Nombre de professionnels estiment pourtant que le troisième marché ne peut se contenter d’attendre une embellie de la conjoncture. “ Certaines sociétés n’ont rien à faire en Bourse, et la fusion européenne n’y changera pas grand-chose. Un nettoyage à l’américaine serait salutaire “, estime David Cerdan, spécialiste du NM au CCF Securities.
Le Nasdaq et le délistage
Sur le Nasdaq, les entreprises qui demeurent durablement en dessous d’1 dollar (1,1 euro) sont rayées de la cote. La mesure a d’ailleurs la faveur des investisseurs, las de voir les valeurs qu’ils défendent se changer en penny stocks. “ C’est dur en ce moment, sur tous les plans, y compris pour le moral des équipes, et de tous ceux qui vivent des “small caps” [petites capitalisations, ndlr]“, lâche un autre analyste. Le délistage des actions n’est pourtant pas à l’ordre du jour. “Une telle pratique ne serait pas dans l’intérêt des actionnaires minoritaires, explique Xavier Leroy. L’évolution de la cote se fera probablement avec la concentration d’un certain nombre de secteurs d’activité. J’ajoute que, si des professionnels réclament la pratique du délistage, ce dont nous ne sommes pas saisis officiellement, il convient de leur rappeler le fonctionnement du marché : les introductions sont réglementées, ainsi que les professionnels qui les gèrent. Les introductions ne sont réalisées qu’à la condition que les investisseurs acceptent de payer le prix proposé.” Manière de replacer ceux qui dénoncent aujourd’hui les méfaits de la ” bulle ” devant leurs propres responsabilités.Pour redonner du lustre au NM, Euronext compte plutôt ?” en attendant la fameuse embellie de l’économie ?” sur la force d’attraction de son développement européen. Et sur quelques mesures marketing. Comme les labels Next Economy et Next Prime, qui doivent être mis en place avant la fin de l’année. Les valeurs estampillées Next Economy (pour les sociétés technologiques) ou Next Prime (pour les sociétés classiques) devraient bénéficier, au prix d’un effort de transparence (résultats trimestriels, prévisions plus fines et plus régulières), d’une visibilité supérieure et d’une meilleure image. À défaut d’une capitalisation supérieure…
Performance des sociétés introduites sur le Nouveau Marché en 2001
Une baisse des cours comprise entre 10 et 80% | ||||||||
Valeur | Introduction | Premier cours côté | Cours au 23/08/2001 | Var. depuis l’introduction | ||||
Business & Decision | 6/2 | 13,5 | 9,95 | -26,0% | ||||
Carrere Group | 13/6 | 18,6 | 16,8 | -9,7% | ||||
Direkt Anlage Bank ag | 25/1 | 48,8 | 13,85 | -71,6% | ||||
Itesoft | 8/2 | 8,9 | 1,9 | -78,7% | ||||
Lycos Europe Cat.B | 16/2 | 3,05 | 0,99 | -67,5% | ||||
Memscap | 1/3 | 8 | 2,35 | -70,6% | ||||
Millimages | 7/6 | 10,5 | 9,45 | -10,0% | ||||
Solucom | 14/3 | 42 | 33 | -21,4% | ||||
Tiscali Spa | 21/6 | 12 | 7,25 | -39,6% | ||||
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