“J’ai conscience du caractère inhabituel d’un ajout, même souhaité par le gouvernement et approuvé par le président de la République, à ce stade de la procédure législative, reconnaît le ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant. Mais à circonstances exceptionnelles, procédure inhabituelle.” En effet, faute d’avoir trouvé une place dans le calendrier parlementaire pour débattre du projet de loi sur la société de l’information (LSI), le gouvernement a profité d’un texte consacré à la sécurité quotidienne, qui faisait depuis sept mois la navette entre les deux assemblées, pour y inclure, début octobre, des amendements relatifs aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces dispositions seront discutées en dernière lecture le 31 octobre au matin. Ainsi, dans un texte qui traite en vrac de l’organisation des rave-parties, de la fouille des coffres de voiture ou de l’enlèvement d’épaves, on trouve un dispositif juridique issu de la LSI, annoncée en vain depuis des années par l’équipe du Premier ministre.
Données et chiffrement
De quoi s’agit-il ? D’obtenir la conservation pendant une année de données techniques de connexion des internautes par les opérateurs télécoms. Des données dont la liste sera précisée par un décret en Conseil d’État, mais dont la sauvegarde ne concernerait ni le contenu des correspondances échangées ni les informations consultées. Pour mémoire, la Commission nationale de l’informatique et des libertés avait indiqué qu’elle préférait que cette durée soit limitée à trois mois. Une période jugée trop courte par les services de police.Autre point abordé par les amendements gouvernementaux : la cryptographie. Les textes prévoient d’inscrire dans le code de procédure pénale la possibilité pour un juge d’instruction de désigner un expert capable d’obtenir la version en clair de toute information cryptée. Un sujet qui divise les juristes : “Les mesures techniques qui permettent de lutter contre la délinquance sont une bonne chose, admet Michel Véron, professeur de droit pénal à l’Université Paris XIII. Sinon, le juge sera toujours à la traîne par rapport aux criminels.” Mais d’autres professionnels du droit s’inquiètent : “Il faut préférer à la sécurité, qui est un sentiment, la sûreté qui est un état objectif, martèle Francis Teitgen, bâtonnier de Paris. Il faut ?” ne serait-ce que parce que c’est inscrit dans la devise de la République ?” placer prioritairement la liberté.” Un discours peu évident à tenir lorsque l’on parle de mesures à prendre pour lutter contre le terrorisme. “Il faut se garder des pratiques qui apparaissent comme légitimes sous le coup de l’émotion, prévient Maître Thibault de Montbrial, avocat pénaliste parisien. Car l’Histoire montre que les lois d’exception survivent généralement aux circonstances qui ont pu justifier leur mise en place.” Une crainte que l’on ne veut pas retenir Place Beauvau. “Face aux menaces terroristes, assurer la sécurité des personnes et des biens dans le respect de nos valeurs ne peut être attentatoire à la liberté et à nos libertés, répond Daniel Vaillant. C’est, au contraire, la condition de leur sauvegarde.” Et, pour finir de rassurer, il indique que ce nouveau corpus juridique est prévu pour une durée limitée, avec une date d’expiration au 31 décembre 2003. Et qu’un rapport parlementaire sur son application sera réalisé et rendu public d’ici à la fin 2002.Last but not least, le texte qui sera discuté par l’Assemblée le 31 octobre au matin prévoit en outre le recours plus systématique aux TIC dans le cadre de la procédure judiciaire. Notamment, en utilisant la visioconférence afin d’éviter certains transferts de détenus estimés dangereux. Un dispositif qui a déjà servi à la cour dappel de Paris depuis la fin 2000, pour traiter des contentieux intervenus à Saint-Pierre-et-Miquelon. Une intrusion technologique qui ne peut que simplifier le travail des magistrats. Et réduire les mouvements de personnes, forcément coûteux en temps et en logistique.
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