Le monopole de Microsoft Office est-il menacé ? En tout cas, la cabinet d’analystes Gartner Group estime qu’en 2004 le logiciel applicatif le plus utilisé au monde pourrait perdre 10 % de parts de marché au profit de Star Office, la suite bureautique de son rival Sun.Pour mesurer si cette menace est bien réelle, nous avons réalisé un sondage, en partenariat avec Comm’Back, auprès de 300 responsables informatiques d’entreprises françaises. Et les résultats sont surprenants.Les DI réfutent majoritairement ?” à près de 60 % ?”le nouveau modèle de tarification de Microsoft, Licensing 6.0 (Software Assurance). Entré en vigueur le 1er août dernier, ce modèle concerne notamment Office.Même si le rejet est moins prononcé chez elles, deux autres sondages menés récemment montrent que la grogne des entreprises utilisatrices est importante. Ainsi, une étude d’Internetweek révèle que 40 % des sondés refusent de se conformer à ce nouveau modèle de licence.Un autre sondage, réalisé, lui, par le Yankee Group, va dans le même sens : 40 % des personnes interrogées s’opposent au Licensing 6.0 et recherchent, du coup, des produits alternatifs.
La productivité d’Office, un argument critiqué
Pour Olivier Lanilis, chef de produits Office chez Microsoft France, ” la proportion élevée d’entreprises françaises [24,5 %] qui penchent pour une alternative à Office est surprenante “. Même si, reconnaît-on chez l’éditeur, ” la menace des concurrents a toujours été prise au sérieux “.Pour le responsable d’Office, ” c’est le signe que les alternatives ont l’air viables. Mais, en réalité, les procédés d’évaluation et de test menés par les entreprises ne sont probablement pas complets “. Et il ajoute que ” Microsoft Office reste la suite bureautique la plus aboutie “.Ce que reconnaissent ses concurrents. ” Office répond vraiment aux besoins fonctionnels des utilisateurs. Mais nous avons la volonté d’imposer Star Office comme une réelle alternative grâce à un coût de possession beaucoup plus faible. “En effet, dans sa dernière version commerciale, la suite de Sun est disponible au prix de 100 euros, support technique inclus. Star Office a même son pendant open source, Open Office, qui dispose, hormis l’absence d’une base de données, de la même richesse fonctionnelle que Star Office. Mais Open Office est gratuite ?” à l’exception de la hotline.Corel a, quant à lui, récemment conclu un accord avec Dell et HP. Il concerne la livraison de sa suite Wordperfect Office avec certains PC grand public de ces deux constructeurs sur le marché nord-américain. Pour Derek Burney, président et CEO de l’éditeur canadien, “ces deux accords doivent permettre à Corel de vendre un total de quatre millions de licences”.Face à cette menace qui monte, Microsoft ne compte néanmoins pas modifier sa stratégie. “En matière de bureautique professionnelle, nous allons continuer notre stratégie d’innovation technologique, précise Olivier Lanilis. A charge, pour nous, de convaincre les entreprises que cette innovation est créatrice de valeur et source de gains de productivité.”Mais le discours économique de Microsoft à destination des entreprises ne convainc plus. C’est ce qui a conduit le centre hospitalier de Tourcoing à entamer, il y a trois ans, la migration de six cents postes de travail vers une autre suite bureautique.Pour Marc Ledauphin, le responsable de son système d’information, “l’argument de Microsoft, qui repose sur un gain de productivité quand on passe d’une version d’Office à une autre, est une publicité mensongère. Le rythme de sortie des nouvelles versions étant de deux ans, il est impossible d’obtenir un retour sur investissement correct dans ce délai”.Et d’ajouter que ” si l’on suivait cette argumentation économique, cela reviendrait notamment à faire fonctionner le centre hospitalier au bout de dix ans avec seulement deux secrétaires. Ce qui est impossible “.
La compatibilité des macros pose problème
Reste la question délicate de la compatibilité. Pour les documents simples, les suites bureautiques concurrentes sont plutôt satisfaisantes. Le problème le plus important est celui des documents contenant des macrocommandes, écrites en VBA (Visual Basic for Applications) sous Office.Aujourd’hui, il n’existe pas de solution de conversion automatisée. Pour contourner cet écueil, les entreprises sont prêtes à mettre en ?”uvre une stratégie de cohabitation. C’est d’ailleurs la voie qu’a choisie Cofigor, une société de nettoyage industriel, qui utilise Corel Wordperfect Office depuis 1990.Pour Hervé Ricard, son responsable informatique, “il existe quelques licences de Word et d’Excel pour les documents complexes, tels ceux comprenant des macros ou des caractères spéciaux”.Cette cohabitation présente une autre vertu, que souligne Marc Ledauphin : “Elle permet de rassurer les utilisateurs les plus réticents quand on passe d’Office à une autre suite.”Bref, même s’il est difficile de jauger l’ampleur de la menace qui pèse sur Office, on sait aujourd’hui que les entreprises utilisatrices ne la choisiront plus… d’office.
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