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Le mobile énerve pour cause de curiosité insatisfaite

Un chercheur anglais a étudié l’agacement des gens suscité par les conversations par téléphones portables. La cause se trouverait dans ce qu’on n’entend que la moitié de l’échange.

Vous êtes dans le train et l’étudiante en face de vous parle à quelqu’un dans son téléphone portable. Apparemment, il s’agit de ses prochaines vacances. Et ça vous agace. Pas tant à cause du sans-gêne de votre voisine, ni à cause de
ses bruyants éclats de voix. Mais parce que, par définition, vous n’arrivez à entendre que la moitié de la conversation, l’interlocuteur, à l’autre bout de la ligne, restant inaudible.Votre curiosité naturelle a été alléchée, mais le morcellement de la conversation vous empêche de la satisfaire. La voilà, la véritable nuisance du portable. C’est ce que suggère Andrew Monk, directeur d’un centre de recherche sur les
usages des technologies au sein de l’université de York, au terme d’une étude menée en avril et mai 2001.

64 personnes ont servi de cobayes

Le chercheur a tout simplement mis des cobayes en situation, évidemment sans les prévenir, d’abord à la gare de bus de Leeds, puis dans huit trains de la ligne York-Sheffield. Soixante-quatre personnes, des quidams ciblés sur place, ont
été soumises à l’exercice. Elles ont ainsi enduré des conversations téléphoniques se tenant à proximité, selon un scénario défini à l’avance entre le chercheur et le détenteur du mobile (des étudiantes). Une sonnerie de téléphone qui retentit cinq
fois, dix-neuf répliques en une petite minute sur un séjour à Majorque et une fête-surprise à organiser pour un ami.A des fins de comparaison, une discussion du même genre a lieu mais cette fois entre deux interlocuteurs physiquement présents et audibles. L’échange terminé, les cobayes sont mis au courant de l’expérience et se voient soumettre un
questionnaire dans lequel ils notent de 1 à 5 la pertinence de six affirmations : ‘ La conversation était très audible ‘, ‘ Je me suis surpris à écouter leur
conversation ‘
, ‘ La conversation était envahissante ‘, ‘ J’ai trouvé agaçant le volume sonore de la conversation ‘,
‘ J’ai trouvé agaçant le contenu de la conversation ‘ et ‘ J’ai trouvé la sonnerie de téléphone agaçante. ‘

Difficile de détourner son attention

Résultat : quel que soit le lieu et le volume sonore de la conversation, celles qui passent par le portable sont toujours les plus énervantes. De manière encore plus nette, les sujets de l’expérience ont toujours plus écouté les
conversations par portable que les autres. Et, au vu des réponses, le contenu de la discussion, le volume sonore ou le lieu (gare ou train) n’ont eu au plus qu’un effet amplificateur.Pour Andrew Monk, c’est bel et bien l’utilisation-même du portable qui nourrit cette curiosité. Le témoin, par un genre de conditionnement, a besoin de comprendre ce qui se dit, même si cela ne le concerne pas. Même si la conversation
n’est pas terriblement passionnante.C’est aussi pour cette raison que, dans l’expérience, l’agacement est plus sensible dans les trains que dans la gare. Dans les trains, en effet, l’acteur et le témoin sont face à face, soit la position standard de deux personnes
discutant entre elles. Et il est moins facile dans la rame d’un train, espace clos et réduit, que dans une gare de détourner son attention. La frustration s’accroît donc.Alors, la prochaine fois que vous décrochez votre portable dans le TGV, si la personne en face de vous se tortille sur son siège pendant que vous discutez de vos projets de vacances à la Grande Motte, c’est normal. Et cela na rien à
voir avec la signalétique conseillant de garder votre mobile éteint. A la limite, faites lui un petit résumé.

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Arnaud Devillard