“ Imaginez la Fnac sans disques, sans livres, ni DVD, ça ressemblerait à un garage ! ” : à l’heure de la convergence, le PDG d’Universal Music France, Pascal Nègre, utilise une métaphore de la vieille économie pour souligner la primauté de la création sur la distribution. “Celui qui a les contenus a le pouvoir“, lance-t-il provocateur. De fait, si tous les terminaux de communication doivent un jour être universels, encore faudra-t-il que les contenus accessibles intéressent les consommateurs. Ce souci est l’une des justifications majeures des fusions AOL-Time Warner et Vivendi Universal. Les deux groupes sont présents dans le cinéma, la musique, la production de programmes de télévision, l’édition de livres et la presse. Le croisement de tous ces contenus est aujourd’hui le moteur de leur convergence. À partir d’un film, par exemple La Momie chez Universal, il est possible de créer des jeux vidéos, d’éditer un livre et d’exploiter la bande originale. Inversement, comme le signale Pascal Nègre, “ les artistes Universal se sentent des vocations littéraires” depuis qu’ils appartiennent au même groupe que Vivendi Universal Publishing. Quant à AOL-Time Warner, il peut exploiter le succès mondial dHarry Potter pour en faire un film.À première vue, les deux groupes sont donc sensiblement à égalité en matière de contenus. Une étude plus attentive met néanmoins en lumière de sensibles différences selon les secteurs. Vivendi a l’avantage d’être un des leaders mondiaux dans les jeux vidéo (Sierra, Blizzard, Cocktel…), là où AOL reste étrangement absent. Si Universal Music est l’incontestable leader mondial du secteur de la musique, Warner Music dispose aussi d’artistes comme Madonna qui jouissent d’une audience mondiale. Dans le cinéma, les récents succès des studios Universal (Jurassic Park III, La Momie, The Grinch…) éclipsent quelque peu l’aura de Warner Bros qui peut encore compter sur les suites de Matrix pour se refaire. Le groupe américain reprend l’avantage dans la télévision où son catalogue de séries (Friends, Urgences, Buffy contre les vampires…) et de dessins animés (Bugs Bunny) est sans commune mesure avec les productions de Canal Plus.Dans la presse, Vivendi s’est délesté de l’essentiel de ses actifs (ne restent que les groupes L’Express et L’Expansion) pour se concentrer sur l’édition scolaire avec l’acquisition de l’Américain Houghton Mifflin. Vivendi est ainsi entrain de céder son pôle de presse professionnelle (dont le Groupe Tests qui édite Le Nouvel Hebdo). A l’inverse, Time Inc. (Time, People, Fortune) ne cesse de se renforcer dans les magazines comme le montre le récent rachat de l’éditeur britannique IPC. Bien qu’elle s’affirme comme une compagnie mondiale, AOL-Time Warner reste très profondément américaine, ce qui n’est pas forcément un avantage. De par son origine européenne, Vivendi dispose de contenus d’origines géographiques beaucoup plus variées. Un atout dans le domaine de la musique où Universal Music affiche un catalogue multilocal.Mais c’est dans l’exploitation convergente de ce matériau que les deux groupes ont les stratégies les plus divergentes. D’un côté, Vivendi Universal multiplie les projets de croisement, comme le montre la récente création d’un joint-venture entre Universal Music et Studio Canal, en vue de produire des bandes originales de films. De l’autre, AOL-Time Warner axe ses synergies sur le ” cross-marketing ” de ses diverses activités. “ Nous sommes dans une logique de hub“, explique Stéphane Treppoz, le PDG d’AOL France, pour qui la convergence se résume à une addition dans laquelle “un plus un doit faire plus de deux“. Une philosophie bien différente de celle de Pascal Nègre, pour qui les tâtonnements actuels sont les ferments des réussites de demain. “Ce qui se passe aujourd’hui dans la musique avec Universal Music Mobile ou la future plateforme Press Play servira demain pour les autres contenus comme la vidéo“, affirme le président d’Universal Music France.
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