Il n’y a eu que deux produits majeurs dans notre industrie. L’Apple II en 1977 et le PC d’IBM en 1981. Aujourd’hui, un an après Lisa, nous présentons le troisième produit qui fera date, le Macintosh. » C’est en ces termes que Steve Jobs dévoilait au monde le Macintosh, le 24 janvier 1984 – il y a exactement trente ans.
Trois petites phrases et en creux tous les enjeux et tout l’impact du premier Mac. Car, avec le Macintosh, Apple cherche un nouveau souffle. En janvier 1983, Apple a lancé Lisa, projet que Steve Jobs a conduit pendant un temps avant d’en être évincé, car son comportement obsessionnel et tyrannique était bien trop virulent. Mais Lisa a été un échec commercial. Et Steve Jobs n’y est pas totalement étranger, lui qui s’est consciencieusement appliqué à communiquer dans la presse sur l’arrivée prochaine d’un nouvel ordinateur Apple, bien plus puissant et facile à utiliser.
Pas une innovation, un perfectionnement
Le Macintosh, qui tient son nom d’une variété de pomme qu’appréciait tout particulièrement Jef Raskin, un de ses pères, a en effet bouleversé la donne. Les détracteurs d’Apple rappellent à l’envi que le Mac n’a pas inventé la gestion de l’écran point par point, les fenêtres, pas plus que la souris. Et c’est vrai. Pour autant, ce qu’il faut rappeler c’est que le Xerox Star, grand précurseur et fruit du Xerox PARC, a été un échec commercial. Il s’est écoulé à peine 30 000 unités et coûtait 16 595 dollars à son lancement. Autrement dit, Xerox n’a pas su faire en sorte que son produit soit abordable et séduisant. Au point que Steve Jobs déclarait des années plus tard à son biographe, Walter Isaacson, au sujet du Xerox Star : « On était soulagés. On avait la confirmation qu’ils s’y étaient pris comme des manches, qu’on ne pouvait faire mieux et pour le quart du prix ».
Steve Jobs, après avoir été débarqué du projet Lisa, qu’il concevait comme un moyen d’ouvrir l’informatique au grand public, s’est donc retrouvé « rejeté » dans une petite équipe, chargé d’un autre projet, dirigé par Jef Raskin : le Macintosh. Très rapidement, Jobs va s’imposer comme le chef du projet, non sans avoir braqué Jef Raskin… son sens de la diplomatie légendaire ayant encore frappé.
Les deux hommes n’ont pas la même ambition. Raskin cherche à faire une machine abordable, tandis que Jobs veut créer un ordinateur « incroyablement génial ». Après des désaccords, notamment sur le choix du processeur et de l’interface utilisateur, Jef Raskin quitte Apple.
A vous les renégats, les pirates
Steve Jobs peut alors faire de son équipe une bande de renégats, de francs-tireurs. « Mieux vaut être pirate que de rejoindre la marine » a-t-il écrit comme consigne lors d’un séminaire avec son groupe. Derrière cette formule, on trouve déjà la façon d’organiser Apple en petite structure souple et indépendante. Ce que Susan Kare, une conceptrice de polices de caractères, explique très bien dans la biographie de Steve Jobs : « En gros il nous disait : « Soyons des renégats, agissons vite et faisons main basse ! » ».
Le co-fondateur d’Apple a même poussé la métaphore jusqu’à faire concevoir un drapeau de pirate qui a flotté sur le bâtiment qui hébergeait son équipe jusqu’à la sortie du Macintosh. « Nous étions des renégats et nous voulions que tout le monde le sache ! », expliquait-il à Walter Isaacson.
Des améliorations qui changent tout
Quoi qu’il en soit, le Macintosh a été le premier ordinateur à proposer une interface totalement graphique, sans ligne de commande, avec des fenêtres qui se chevauchent. Un tour de force qui a mené à l’épuisement Bill Atkinson, la personne qui en a eu l’idée et un des premiers employés d’Apple.
Le Macintosh a également été le premier à fournir une souris dont le curseur pouvait se déplacer dans toutes les directions. Parce que Steve Jobs le voulait. Un des ingénieurs en charge du développement affirma un jour que c’était impossible. Le lendemain, il était licencié. Les premiers mots de son successeur furent, à en croire Bill Atkinson : « Je vais fabriquer cette souris ! ». Ce fut fait.
Le Macintosh a donc été une borne milliaire dans le monde de l’informatique. Une borne à laquelle une bonne part de l’industrie se réfère encore. Une borne qui a défini des repères qui sont notre quotidien. C’est le Macintosh qui a normalisé le fait qu’on copie/colle des informations de la même manière d’un programme à un autre. C’est aussi le Macintosh qui a permis à ses utilisateurs, pour la première fois, de jouer avec la taille des polices de caractère dans son éditeur de texte. En précurseur, le Macintosh a instauré le WYSIWYG (What You See Is What You Get – ce que vous voyez est ce que vous obtiendrez) cher aux années Web.
Pour réussir ce tour de force graphique, la majeure partie de la puissance développée par le processeur Motorola 68 000 était réquisitionnée. La même puce animait le Lisa, moins performant et plus cher (environ 10 000 dollars). Il fallait donc parfois savoir composer avec cette gourmandise. Tout comme il fallait jongler habilement avec les disquettes puisque la machine n’avait pas de disque dur…
La révélation initiale?
Malgré cela, le Macintosh a bel et bien été une révolution dans la durée. Mais il a également été une sorte d’échec fondateur ou de révélation initiale. La volonté de Steve Jobs de détruire le projet Lisa dont il avait été exclu a en effet conduit à en faire un ordinateur qui n’était pas compatible avec le Lisa, pas plus qu’avec l’Apple II. « Il n’y avait personne à la barre pour veiller à la cohérence des produits, Jobs n’en faisait qu’à sa tête », indique Walter Isaacson dans son livre.
Le Macintosh a été le premier produit à présenter les caractéristiques qui ont fait la marque de fabrique d’Apple. Ce que la biographie de Steve Jobs résume parfaitement : « Il y avait, en filigrane, une préoccupation quasi philosophique – celle d’avoir la maîtrise totale. Pour qu’un ordinateur soit vraiment révolutionnaire, il fallait que matériel et logiciel soient conçus conjointement et intimement liés. […] Les meilleurs produits devaient donc être des « packs tout compris », conçus par le fabricant de A à Z, avec des logiciels faits sur mesure pour le matériel et vice versa. C’est ce qui différenciait le Macintosh – doté d’un système d’exploitation exclusif – de l’environnement Microsoft avec MS-DOS, qui pouvait être utilisé par de multiples fabricants. »
Le tout s’applique évidemment à iOS. L’iPhone descendant du Macintosh ? Ca en a tout l’air.
A lire aussi :
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Sources :
L’excellent hors série d’iCreate sur les 30 ans du Macintosh
La biographie officielle de Steve Jobs par Walter Isaacson
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