Aux côtés des logiciels les plus connus que sont Windows ou Word, par exemple, il existe un type de logiciels que l’on dit “ libres ” et qui font à peu près la même chose. Linux est ainsi un système d’exploitation que l’on peut comparer à Windows, tandis que la suite bureautique OpenOffice.org est, à peu de chose près, similaire à la suite Office de Microsoft. La grande différence entre ces produits réside dans le fait que les uns sont des logiciels dits propriétaires, tandis que les autres sont des logiciels dits libres.Si l’on vous demande ce que “ libre ” veut dire, vous répondrez certainement “ gratuit ”. Mais il s’agit là d’une méprise : si un logiciel libre est toujours disponible gratuitement, un logiciel gratuit n’est pas pour autant un logiciel libre. Pour vraiment prétendre à ce titre, un logiciel libre doit, dans sa licence, donner à tout un chacun le droit de l’utiliser, de le copier, de le modifier et de le diffuser. Le tout sans aucune contrepartie.Cette définition, on la doit à Richard Stallman, un chercheur en informatique du Massachusetts Institute of Technology, qui inventa la notion de logiciel libre en 1983, en développant le système d’exploitation GNU/Linux. Deux ans plus tard, il crée la Free Software Foundation, une organisation à but non lucratif consacrée à la cause du logiciel libre. Et aujourd’hui, 24 ans plus tard, Stallman reste l’ardent défenseur du monde du libre. Et le mieux placé pour expliquer la philosophie du logiciel libre et ce qui peut pousser des dizaines de milliers de gens à travailler d’arrache-pied pour participer, la plupart du temps de façon bénévole, à la conception et au développement de logiciels souvent complexes. “ Je puis expliquer la philosophie du logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité. Liberté, parce que les utilisateurs sont libres. Egalité, parce qu’ils disposent tous des mêmes libertés. Fraternité, parce que nous encourageons chacun à coopérer dans la communauté ”, n’hésite-t-il pas à déclarer.
Un modèle efficace
Ce qui a provoqué la naissance du logiciel libre au début des années 1980, c’est une volonté d’efficacité, que Stallman englobe dans la notion de fraternité. En effet, alors qu’aux premiers temps de l’informatique, tous les chercheurs partageaient leur savoir, l’avènement de la micro-informatique dans les années 1980 est allé de pair avec un arrêt du partage : les lois antitrust américaines ont interdit aux constructeurs de distribuer gratuitement les logiciels allant avec leurs matériels. Les éditeurs de logiciels se sont tournés vers un modèle où ils ne concèdent aux utilisateurs qu’une autorisation d’utilisation. Alors chercheur en informatique, Stallman considère cet état de fait aberrant : à une époque où les possesseurs d’ordinateurs sont souvent informaticiens, il leur est impossible de corriger les erreurs des programmes, n’ayant pas accès à leur code source. C’est sur ce constat qu’il lance le projet GNU/ Linux, afin de développer de façon collaborative un système d’exploitation. Il y a, bien sûr, une forte arrière-pensée politique : Stallman considère que le droit d’auteur lui-même, qui empêche de copier librement les logiciels, est nuisible à la collectivité. Mais d’autres tenants majeurs du libre, comme Linus Torvalds, le créateur du système d’exploitation Linux, ont une approche plus pragmatique, sans fondement idéologique. Torvalds ne voit, en effet, dans le logiciel libre qu’un modèle de développement autrement plus efficace que celui du logiciel propriétaire. L’Irlandais George Bernard Shaw, prix Nobel de littérature en 1925, les met tous les deux d’accord, en expliquant que “ si tu as une pomme, que j’ai une pomme, et que l’on échange nos pommes, nous aurons chacun une pomme. Mais si tu as une idée, que j’ai une idée, et que l’on échange nos idées, nous aurons chacun deux idées ”. Partage et efficacité.
Un modèle de défi
Le mouvement du logiciel libre est également une protestation contre la mainmise des éditeurs sur les logiciels, au détriment de leurs utilisateurs. Il s’agit d’une attitude de défense de la vie privée et de la liberté des utilisateurs de logiciels.Richard Stallman est assez prolixe quant à la dangerosité des logiciels propriétaires : selon lui, quantité de logiciels massivement utilisés contiennent des espions. Par exemple, Windows enregistre automatiquement quantité d’informations (comme la liste des programmes installés, la liste des mots tapés lors de l’utilisation du moteur de recherche•) sur lesquelles l’utilisateur n’a aucune prise. Les téléphones portables et les GPS fonctionnent également, à quelques exceptions près, avec des logiciels propriétaires qui agissent souvent à notre insu : même éteints, ils peuvent envoyer des informations de localisation. Comme il est difficile, voire illégal ou impossible de vérifier ce que fait un logiciel propriétaire, la position de Stallman est de dire qu’il convient d’être prudent. En 1997 et 1999, il fut rapporté que le système d’exploitation Windows contenait des portes dérobées, à l’usage de l’Agence de Sécurité nationale américaine (NSA). Comme le code source de Windows est un secret défendu, au même titre que la formule secrète du Coca- Cola, il est impossible de savoir ce qu’il en est aujourd’hui pour Windows Vista et Windows 7. Au risque de paraître paranoïaque, Stallman n’hésite pas à dire que “ le contrôle de nos logiciels par des entreprises de logiciels propriétaires, que ce soit Microsoft, Adobe, Apple ou Skype, signifie le contrôle de ce que nous pouvons dire et de nos relations ”. Benjamin Bayart, le président fondateur de FDN, un fournisseur d’accès à Internet de forme associative, préfère quant à lui parler de logiciel “ libérateur ”, plutôt que de logiciel libre, pour mettre encore plus en avant l’opposition avec les logiciels propriétaires qui privent l’utilisateur de liberté.Le devoir du hacker, au sens noble du terme, c’est-à-dire le programmeur astucieux et non pirate, est donc bien, selon les termes mêmes de La Chanson du logiciel libre, de se libérer, et de libérer les autres du même coup : “ Rejoins-nous, partage le logiciel ; Libère-toi, hacker, libère-toi. Rejoins-nous, partage le logiciel ; Libère-toi, hacker, libère-toi ”
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