“ Regardez, c’est notre trésor national ! ”, s’exclame le directeur de l’usine de la Commission minière de Bolivie (Comibol), Marcelo Romero, en recueillant le liquide grisâtre qui jaillit d’un tuyau. Nous sommes à 3 700 m d’altitude, sur le lac salé d’Uyuni, le plus grand du monde avec ses quelque 10 000 km2. Une étendue blanche à perte de vue, écrasée par le soleil des Andes… Mais qui renferme, selon la Comibol, un gisement unique au monde : 20 millions de tonnes de lithium, diluées dans la saumure sous la croûte de sel. Soit 80 % des réserves mondiales !Le lithium ? Ce métal blanc et mou constitue un enjeu stratégique mondial. Doté d’excellentes propriétés électrochimiques, il constitue le cœur des batteries lithium-ion, plus légères et énergétiques que celles au nickel. Et qui équipent désormais nos PC portables et téléphones mobiles. Soit 1,5 milliard d’appareils vendus en 2009, en attendant le marché des véhicules hybrides (mi-essence, mi-électriques), à peine émergeant, et celui des voitures 100 % électriques.Résultat : la demande devrait exploser alors que la tonne de carbonate de lithium se négocie déjà 4 000 dollars, contre moins de 1 000 il y a cinq ans.
Une pépite qui attise la convoitise
Dans les Andes, qui concentrent l’essentiel des réserves, la ruée vers l’or blanc a commencé. Ainsi, au Chili aussi, la société minière nationale (SQM) pompe à grande échelle la saumure du lac salé d’Atacama pour en extraire le lithium, contrôlant 40 % de la production mondiale.Quant au trésor bolivien, il est déjà convoité par le japonais Mitsubishi et le français Bolloré, constructeurs de véhicules électriques. Mais la Bolivie, qui souhaite en garder le contrôle, prépare seule l’exploitation de sa ressource : “ Nous faisons des tests de forage, de pompage et d’évaporation du lithium, en vue de démarrer la production dès cette année. Et notre usine emploie déjà 130 personnes ”, explique Marcelo Romero.Objectif de la Bolivie : produire 40 000 tonnes de carbonate de lithium en 2014, et devenir ainsi une Arabie saoudite de ce nouvel or… tout blanc.
Sous le sel, le métal
Le “ salar ” d’Uyuni, grand comme le département de la Gironde et d’une profondeur de 200 mètres, est exploité par les communautés indigènes, qui sculptent des briques de sel pour leurs maisons. Une activité traditionnelle millénaire, qui pourrait être bouleversée par l’extraction industrielle du lithium. Celui-ci s’est formé dans des roches volcaniques, avant de se dissoudre dans la saumure du lac salé.
A la recherche du site d’extraction idéal
Perdu dans l’immensité du salar d’Uyuni, cet ouvrier de la Commission minière de Bolivie (Comibol) supervise des tests d’évaporation de la saumure, pompée depuis les profondeurs du lac. Ces expériences permettent d’identifier les sites d’extraction propices à l’exploitation industrielle, c’est-à-dire ceux où le lithium est le plus concentré. Principale difficulté : il pleut deux mois par an sur Uyuni, ce qui va compliquer le procédé de concentration par évaporation.
Du lithium en grande concentration
Au Chili, dans le désert d’Atacama, la saumure s’évapore dans des bassins de décantation creusés dans le lac salé par la société SQM. L’atout du site est le soleil qui brille toute l’année, le désert d’Atacama étant l’endroit le plus sec de la planète. Après neuf mois d’évaporation, le lithium est concentré dans la saumure à hauteur de 6 %. Il devient visible, donnant une couleur verte ou jaune au liquide.
De l’or blanc en sacs
Le mélange est transporté jusqu’à une usine où le magnésium est séparé de la solution. Le lithium est ensuite précipité par une réaction chimique afin d’obtenir du carbonate de lithium, filtré, puis asséché avant d’être conditionné. C’est sous cette forme qu’il quitte la Cordillère des Andes pour rejoindre les usines de fabrication de batteries du monde entier.
Sous toutes les formes
Extrait de la saumure concentrée (dans le flacon), le lithium est conditionné en granules ou en poudre. Production mondiale annuelle : 90 000 tonnes. Un chiffre qui devrait exploser dans les années à venir, avec l’exploitation du gisement d’Uyuni et la demande croissante en lithium pour alimenter, en plus des batteries pour appareils nomades, celles des véhicules électriques. Les prévisions : 6 à 7 millions d’unités en 2020.
Savant dosage entre métaux
Pour fabriquer une batterie lithium-ion, il faut d’abord mélanger le lithium à d’autres métaux. Ici, à l’usine Johnson Controls-Saft de Nersac (Charente), qui fabrique des batteries pour les véhicules hybrides, on emploie du nickel, du cobalt et de l’aluminium. Pour les batteries destinées aux ordinateurs et téléphones mobiles, c’est le cobalt qui est associé au carbonate de lithium, pour former de l’oxyde de cobalt lithié (LiCoO2).
Une mince couche métallique
Le matériau est ensuite mélangé à un liant, avant d’être transformé en “ encre ”, déposée à son tour sur un support métallique. On obtient ainsi une couche fine, riche en lithium, qui conférera son potentiel à la batterie.
Cuisson à point
Le mélange doit encore être cuit au four avant l’assemblage. Les batteries lithium-ion sont constituées d’un empilement de couches de carbone et d’oxyde de cobalt lithié, entre lesquelles se trouve l’électrolyte, la solution dans laquelle transitent les ions lithium pour générer du courant électrique.
Des batteries aux capacités remarquables
Les batteries lithium-ion sont cinq fois plus énergétiques pour un poids plus faible que celles au nickel, qui équipaient les batteries de portables jusqu’à récemment. Leur durée de vie, qui peut atteindre cinq ans, est aussi bien supérieure, et leur prix de revient a suffisamment diminué pour qu’elles équipent désormais tous les portables, y compris ceux d’entrée de gamme. Enfin, les batteries lithium-ion ne connaissent ni l’autodécharge, qui conduit celles au nickel à se vider sans être utilisées, ni l’effet mémoire, modification de la structure de l’électrolyte entraînant une décharge rapide.
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