Patrick-Alexandre Sarradeil n’imaginait pas, en créant l’offre d’abonnement ” Découvertes ” des magazines d’Excelsior, que cette initiative allait le faire basculer, quelques mois plus tard, dans l’aventure d’une société internet. À l’automne dernier, directeur de la diffusion par abonnement du groupe de presse français (Biba, Dépêche Mode, Science & Vie, Max, etc.), en poste depuis onze ans, il ne cherche qu’à afficher en ligne son offre, déjà adressée par mailing postal à d’éventuels clients. Il ouvre Abomag.com, invite d’autres éditeurs à y afficher leurs titres : très vite, Excelsior se trouve à la croisée des chemins.
Presque par hasard
L’activité sortait du c?”ur de métier de l’éditeur et elle nécessitait un lourd investissement en temps. Soit, faute de pouvoir la développer, le groupe mettait fin à l’expérience, soit il constituait un tour de table et lui donnait son indépendance. C’est la seconde option qui été choisie. C’est ainsi que, début mai, Patrick-Alexandre Sarradeil est propulsé à la tête de Logimarket, société anonyme, éditrice d’Abomag, au capital de 305 000 euros (2 millions de francs) réparti entre des groupes de presse ?” Excelsior, Publications de la Vie Catholique, Télérama ?” et Presse Informatique, un spécialiste de la gestion des bases d’abonnés pour les groupes de presse.Aujourd’hui, Abomag.com vend des abonnements pour quelque 200 magazines et quotidiens, avec l’ambition d’élargir cette offre à un millier de publications. Le référencement des titres est gratuit, Abomag se rémunérant à la commission. Le taux pratiqué ?” 40 % ?” est environ deux fois moindre que celui d’un collecteur traditionnel, comme France Abonnements, qui doit intégrer des coûts de prospection postale. Abomag reverse 10 % aux sites affiliés qui l’affichent dans leur galerie marchande, comme les 3 Suisses ou le portail de La Poste, Illiclic.D’octobre à mai, 4 000 abonnements ont été vendus à travers Abomag. La jeune société, désormais autonome, vise 30 000 à 40 000 ventes dans les douze prochains mois et annonce que 7 % des visiteurs du site se transforment en clients. Abomag propose des abonnements à durée limitée (ADL), allant de quelques parutions, pour les offres à 7,5 euros (49 francs), à une année de publication. “Nous vendons au prix réel, sans discount, ni cadeaux ou loteries”, assure Patrick-Alexandre Sarradeil. Dès réception du paiement, les abonnements souscrits en ligne sont transmis à l’éditeur qui en assure ensuite la gestion avec le reste de son portefeuille d’abonnés. Du coup, Abomag joue les intermédiaires, sans gestion de stocks ni moyens logistiques. Quant aux coûts marketing, ils sont modérés : sans bourse délier, Abomag s’offre une campagne qui, selon son fondateur, équivaut à 4 ou 5 millions d’euros. En effet, chaque publication référencée sur le site fait un quart de page de publicité pour Abomag.com à chacune de ses parutions. Une contrepartie de poids.Abomag vend également par téléphone ?” à 0,15 euro la minute ?” service sur lequel la société perçoit un reversement de la part de France Telecom. ” S’abonner n’est pas toujours simple. Il faut acheter le journal, découper le bulletin… Ou attendre de recevoir une offre dans sa boîte aux lettres, explique Patrick-Alexandre Sarradeil. Le téléphone reste le moyen le plus accessible pour simplifier l’abonnement. Une opératrice peut conseiller le client sur le choix d’un abonnement cadeau, par exemple. ” Il a négocié avec France Telecom Mobiles pour être référencé sur le portail WAP d’Orange.En année 1, les abonnements ne représenteront pourtant que 20 % du modeste chiffre d’affaires d’Abomag (460 000 euros). Le reste proviendra de créations de sites web pour des magazines et de la vente de revues de presse à des portails ou des fournisseurs d’accès. Ils pourront ainsi afficher sur leur page d’accueil un résumé de la presse du jour, sous le titre ” Ce matin chez votre marchand de journaux “. Le plan d’affaires d’Abomag prévoit l’équilibre en année 2. En 2006, il table sur un résultat d’environ 600 000 euros, pour un chiffre d’affaires de 2,4 millions d’euros, dont la moitié issue de la vente de quelque 250 000 abonnements.
Les géants timides
L’ambition est légère : le marché global (magazines, quotidiens, titres professionnels) des abonnements presse en France se situe autour de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés, en majorité, par les éditeurs et, dans une moindre mesure, par des collecteurs d’abonnements traditionnels. Ces derniers abordent timidement l’e-commerce. L’Ofup, spécialiste de la collecte en milieu universitaire, n’existe pas sur le web. France Abonnements, leader du secteur, qui génère plus de 1 million de souscriptions chaque année, a voulu transposer son modèle sur internet. Mais les éditeurs acceptaient mal de payer une commission aussi élevée (autour de 80 %) que dans le cas de prospection postale.Du coup, France Abonnements a préféré ne pas pénaliser son activité classique. Sur le net, il ne propose que des abonnements à durée libre, sur lesquels il prélève une commission plus faible. En durée libre, l’abonnement court tant que le client n’en demande pas la résiliation et l’abonné accepte un prélèvement mensuel sur son compte bancaire. La démarche n’est pas évidente, alors que les réticences à confier son numéro de carte bancaire en ligne sont loin d’être levées, même pour un achat unique. Il n’empêche que les spécialistes de l’abonnement à durée libre, comme ADL Partners, ont une activité en ligne, mais indirectement, par l’entremise de partenaires ?” établissements bancaires ou de crédit qui proposent sur leurs sites, ou avec leurs cartes de crédit, des abonnements de presse à des prix privilégiés. Abomag entend, lui aussi, proposer des ADL à ses clients. Pour cela, il compte faire des échanges avec Intermagazines, un acteur traditionnel du secteur, qui gère un portefeuille de 13 000 abonnés en ADL et a ouvert un site.De fait, le secteur de la vente de journaux en ligne n’était pas vierge avant l’arrivée d’Abomag. Le pionnier, Viapresse, est en ligne depuis quatre ans. À l’origine, ses fondateurs cherchaient à diffuser la presse française à l’étranger. Le site référence 300 titres aujourd’hui, propose des promotions, met en avant la nouvelle formule d’un magazine… La commission demandée aux éditeurs est variable, mais établie sur une base de 65 %. À l’échéance de l’abonnement, Viapresse se charge des relances par e-mail et permet à l’internaute de se réabonner en ligne. Maxime Bonin, cofondateur de l’entreprise, admet que le décollage a été lent. L’an dernier, 5 000 abonnements ont été vendus en ligne. Idée online, société éditrice de Viapresse, a réalisé un chiffre d’affaires de 380 000 euros l’an dernier grâce à des activités de web agency. L’abonnement ne rapporte guère plus de 230 000 euros. Les officines ” en dur ” installées par Viapresse dans les Fnac depuis un an, ont permis de trouver 13 000 clients. Bien plus que le site que Viapresse compte développer grâce à des partenariats avec des boutiques en ligne.
Pour l’entreprise
Viapresse dispose aussi d’un service pour entreprises. En ligne depuis un an, Viapressepro référence 1700 publications professionnelles et grand public, gère les comptes abonnements presse des sociétés, établit des devis, prend des commandes groupées… Sur ce créneau, Viapresse rencontre Info-Presse, un acteur en place depuis 10 ans. Ce dernier (5,2 millions d’euros de chiffre d’affaires) vend de l’abonnement en démarchant directement dans les entreprises, grâce à un réseau ?” physique ?” de 60 commerciaux. En 1995, en association avec Degriftour, il a ouvert un service Minitel, Degrifmag, plutôt tourné vers le grand public. Le service d’Info-Presse est en ligne depuis 1998, mais réseau des réseaux ne représente encore que quelques milliers d’abonnements vendus.
Au numéro
Autre kiosque virtuel, Pressefrance.com est, lui, spécialisé dans la vente au numéro. Éric Prévost, son fondateur, consultant en marketing de presse, avait créé, pour mieux comprendre le marché, une vaste base de données des couvertures de la presse magazine. Également diffuseur de presse, dans son magasin d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), il enrichit cette base de toutes les nouvelles publications, permettant aux internautes de retrouver un journal par mots clés. Presse France stocke et livre les journaux et leurs anciens numéros selon un modèle différent de la collecte d’abonnements. Actuellement, il traite 700 commandes par mois, avec un panier moyen d’une quinzaine d’euros. Éric Prévost estime que cette activité réalisera sous trois ans quelque 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et il compte nouer des accords avec un sites d’abonnement, afin d’offrir une palette de services complète à ses clients.Pour l’instant, côté éditeurs, on teste ces services. Hachette Filippachi Médias, numéro 1 français de la presse magazine (Elle, Paris-Match, Télé 7 jours, etc.), a ouvert sa boutique en ligne, Shopmag. Elle ne référence que les publications Hachette, dont certaines sont aussi présents sur Viapresse, Abomag… Pour d’autres éditeurs, “ il serait difficile de ne pas apparaître sur ces nouveaux réseaux “, même si, en terme de volume, ils restent marginaux. Mais les abonnements qui, en France, ont le vent en poupe ?” ils dépassent les ventes au numéro ?” soutiennent l’activité des kiosques virtuels.
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