Journaliste pour Internet Actu, Rémi Sussan a aussi codé du VRML, le langage de création de mondes virtuels en 3D apparu en 1995. Mais en publiant Demain, les mondes virtuels (1), il s’attache surtout à réfléchir sur le phénomène des Second Life et consorts. Avec, contre toute attente, une place privilégiée faite à la Wii…
01net. : Un monde virtuel, c’est quoi ?
Rémi Sussan : C’est un univers en 3D dans lequel on peut se déplacer, de préférence selon un mode multi-utilisateur. Un jeu vidéo est un monde virtuel. Les applications du Web 2.0, les wiki, non.
Et d’où ça vient ?
C’est né dans les années 80, avec une série de recherches effectuées pour le compte de la Nasa. La réalité virtuelle passait par l’utilisation de costumes, de casques, de capteurs, etc. Beaucoup de petites sociétés ont travaillé dans ce domaine, puis c’est passé de mode. Au début des années 90, j’avais testé un casque pour joueur, mais le résultat était horrible. Nintendo avait aussi sorti un gant de jeu, le Power Glove. C’est un peu le début de la Wiimote.
La 3D a commencé à apparaître avec Doom, grâce à des ordinateurs plus puissants. Et en 1995, le VRML est apparu, le premier langage informatique permettant de créer des mondes en 3D sur le Web. Puis c’est retombé, à cause du manque de puissance des machines et des débits insuffisants.
Dans votre livre, vous expliquez que l’idée d’utiliser un casque d’immersion n’a pas pris. Pourquoi ?
Déjà, un casque, ce n’était pas donné. Ensuite, vous étiez immergé dans un univers fermé, isolé, seul. Les gens n’avaient pas forcément envie de ça.
Aujourd’hui, Second Life vient tout de suite à l’esprit. Comment s’est-il imposé ?
Second Life n’est pas forcément meilleur, techniquement, qu’un autre, Active Worlds par exemple. Mais il est arrivé avec une idée géniale : le Linden dollar [monnaie utilisée dans Second Life, NDLR]. Il y a eu un engouement économique pour Second Life.
Pour quel résultat ?
Les gens n’ont absolument pas compris comment utiliser Second Life pour faire du business. Beaucoup de sociétés ont ouvert des bureaux virtuels qui ne sont en fait que des pages de publicité. Et ça n’intéresse pas le public.
Vous démythifiez aussi pas mal ces plates-formes en expliquant que finalement, les gens se comportent dans le virtuel comme dans la vie réelle. Pourquoi ?
Effectivement, on voit des avatars se tourner plus facilement vers des personnages grands et beaux. On a vu du racisme virtuel. Des réunions d’entreprises dans Second Life se déroulaient autour d’une table, avec des gens en costume cravate devant une présentation Powerpoint. Etait-ce bien la peine d’utiliser Second Life ?
C’est parce que cette plate-forme n’est pas un jeu. Rien ne vous pousse à agir, il n’y a pas de but. Donc vous retrouvez vos comportements habituels.
C’est le jeu qui peut générer les utilisations les plus intéressantes ?
Le jeu va rester un moteur des univers virtuels car il table sur l’immersion du joueur. La Wiimote, c’est extraordinaire : c’est le retour du corps dans le virtuel. On est immédiatement dans le jeu, alors que les graphismes sont médiocres et que les jeux de la Wii ne sont même pas à la première personne [en vue subjective, NDLR].
La Wii est donc l’avenir de la réalité virtuelle ?
Il y a encore beaucoup de jeux qui font de la Wiimote un simple joystick, avec le vieux truc des combinaisons de touches. Autant, les créateurs de mondes virtuels ont des idées, mais pas les interfaces, autant Nintendo [fabricant de la Wii, NDLR] a l’interface mais pas encore les idées !
(1) L’ouvrage est paru aux éditions Fyp.
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