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La culture insulaire des Japonais est de notoriété publique, et nombreux sont les expatriés qui ont levé le voile sur le côté obscur de leur vie de gaijin (étrangers) et les inégalités (emploi, logement, justice, etc.) qu’ils rencontrent au quotidien. L’univers du jeu vidéo n’échappe pas à la règle, loin s’en faut. Les difficultés rencontrées par la Xbox, et dans une moindre mesure la Xbox 360, ne sont qu’un aspect du problème. Le marché du jeu PC, quasi-inexistant au Japon en dehors de quelques genres très marginaux, n’est pas là pour redresser la barre. Même sur les consoles japonaises, il est très rare de voir un jeu occidental se hisser dans le top 20 des meilleures ventes hebdomadaires, parfois derrière une ribambelle de titres on ne peut plus anecdotiques. Les blockbusters de chez nous dépassent à grand-peine les quelques dizaines de milliers d’exemplaires vendus au total, et la centaine de milliers dans des cas encore plus exceptionnels.
Deux mondes, deux vitesses
Mais quelles sont les raisons d’un décalage aussi spectaculaire ? Les différences culturelles et linguistiques jouent sans aucun doute un rôle (certains titres, notamment sur Xbox, sont même commercialisés en anglais sans aucune traduction, à part le livret). Les affinités particulières du public pour certains genres ou le déficit promotionnel ne sont pas étrangers à cette situation.
Mais la raison principale est aussi évidente qu’elle est difficilement avouable : les Japonais (joueurs, éditeurs, presse, boutiques) sont pour la plupart d’un chauvinisme qui semble totalement couler de source. Pour preuve, la stigmatisation de la production occidentale se manifeste jusque dans le langage courant. Ainsi, le terme standard « Game » est réservé aux productions japonaises, tandis que l’appellation « Youge » (intraduisible, mais portant la notion de différence irréductible) définit les titres occidentaux.
Peu importe que la genèse des genres majeurs du jeu vidéo japonais se soit établie sur les bases de titres occidentaux comme la série des Wizardry ou des Dungeon Master. On a parfois l’impression que le joueur japonais lambda vit une fiction collective, comme si la domination japonaise incontestée des années 90 s’était prolongée au 21e siècle. Pourtant, les chiffres sont éloquents : la part japonaise dans la production mondiale est en constant recul depuis une décennie, de même que les ventes de jeux sur le sol japonais, malgré le carton de la DS et de la Wii. Récemment, des créateurs aussi prestigieux que Keiji Inafune de Capcom ou Hideo Kojima de Konami n’ont pas craint d’exprimer leur pessimisme devant le manque de vigueur de l’industrie japonaise.
Rapprochement
Dans un tel contexte, les efforts de grosses boîtes comme Capcom ou Square Enix pour nouer des collaborations avec leurs homologues occidentaux apparaissent particulièrement signifiantes. Capcom a ainsi confié le développement de plusieurs titres à des studios étrangers (Dark Void, Dead Rising, Bionic Commando, etc.). Un revirement notable, même si Jun Takeuchi – qui dirige le département R&D chez Capcom – a abordé lors d’une conférence pour investisseurs les difficultés rencontrées lors du développement de Lost Planet 2, dues selon lui à des « différences culturelles qui ne permettent pas une collaboration fluide avec les développeurs étrangers ».
Par ailleurs, Yochi Wada, le président de Square Enix, a récemment exprimé à la télévision japonaise sa révolte devant la « terrible discrimination » subie par les titres occidentaux sur le marché japonais. Rien de bien étonnant dans cette intervention : Square Enix se lance sérieusement dans la localisation et la distribution de gros titres comme Modern Warfare 2 sur le sol japonais, et aurait tout à gagner à un changement d’attitude de la part des joueurs. Fait (relativement) exceptionnel : dans une stratégie d’élargissement de la base des adeptes, Square Enix a réalisé une localisation complète de COD:MW2, entièrement doublé en japonais au lieu des sous-titres habituels. Si les ventes du premier jour ont été exceptionnelles, a priori plus de 100 000 exemplaires, la traduction, visiblement bourrée de contresens, a fait l’objet d’une forte polémique avant son lancement. Et c’est sans parler de la censure du niveau de l’aéroport, où tout assassinat de civil se voit soldé par un « Game Over » retentissant. De nombreux joueurs ont annoncé qu’ils boycotteraient la version japonaise. Courage, Square Enix… La route est longue et la localisation aussi, c’est une affaire d’expérience !
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