Si les appareils photo ne sont pas encore morts, c’est qu’ils continuent d’avoir de sacrés atouts par rapport aux smartphones. Notamment en vacances, la période phare où les boîtiers, qui dorment toute l’année, retrouvent enfin une utilité face aux smartphones, si pratiques pour les photos du quotidien.
Puisque ces derniers progressent un peu plus chaque année, il était intéressant de mesurer l’état de leurs performances et de poser la question qui fâche : peuvent-ils totalement remplacer un appareil photo en vacances ?
Le mieux pour tenter d’y répondre, est de confronter un des fleurons du genre à de « vrais » (pardonnez les guillemets) appareils photo. Ce que nous avons fait en évaluant le Huawei P20 Pro pendant nos vacances. Pourquoi parler de ce modèle plutôt que d’un autre? Simplement car il est le seul à proposer un « zoom optique » x3. Si l’iPhone (et bien d’autres copieurs) proposent eux aussi un « zoom » x2 avec une focale « normale » équivalente à un 50 mm, les ingénieurs de Huawei sont allés bien plus loin avec le module caméra secondaire du P20 Pro qui est équivalent à un 81 mm. Or, un facteur de « zoom » x3 commence à s’approcher de ce que proposaient les premiers compacts numériques, des appareils qui se sont fait laminer par les smartphones et dont le zoom restait à ce jour le dernier avantage.
La démarche n’était pas uniquement de juger de la qualité d’image du téléphone, mais aussi d’analyser les aspects tels que la puissance du zoom, la réactivité, l’ergonomie, le type d’image qu’on peut produire ou pas, etc. Et ainsi d’évaluer ou réévaluer le champ des possibles photographique d’un smartphone. Nous avons donc confronté le P20 Pro à plusieurs cas de figure et à plusieurs protagonistes.
Face aux « vrais » appareils photo
Le premier compétiteur est le Fujifilm X20, un compact expert ancien mais intéressant car son capteur est du même format 1/1.7’’ que celui du module caméra principal du P20 Pro. Mais sa définition est moindre (12 Mpix contre 40 Mpix natif chez le P20 Pro) et son optique est un zoom x4 de grande qualité.
L’autre jalon est le TZ200, la nouvelle référence des compacts de voyage avec son grand capteur 1 pouce de compact expert et son zoom optique x15. Le dernier né d’une lignée, les TZ (travel zoom) qui ont séduit des millions d’utilisateurs, notamment en France, en Belgique et en Suisse.
Finalement, pour mettre en lumière les limites de ces boîtiers, le RX10 Mark IV de Sony, alias le « meilleur bridge du monde » comme nous l’avions nommé lors de notre test. Un appareil qui sert ici de maître étalon avec son capteur 1 pouce et son super zoom x20 de qualité irréprochable.
Point de classement ou de comparaisons brutes entre ces différents appareils mais une approche servant à borner les capacités photographiques de notre smartphone. Et à déterminer si oui ou non, son zoom « spécial » peut se substituer à un « vrai » zoom.
Huawei P20 Pro, précurseur du visual computing
Avec des terminaux de plus en plus performants aux alentours de 200-300 euros, comment inciter les consommateurs à investir dans les terminaux haut de gamme trois fois plus cher comme ce Huawei P20 Pro qui s’affiche à 900 euros ? Avec la photo évidemment car c’est l’argument le plus facile à mettre en lumière avec la rapidité d’exécution du terminal – juger la qualité d’un écran ou la stabilité long terme d’un système est une autre paire de manche.
Sur le P20 Pro, le moins que l’on puisse dire c’est que Huawei a investi un maximum en R&D pour offrir une solution unique. Quand beaucoup de compétiteurs se cantonnent à copier Apple ou à utiliser deux modules caméra grand angle similaires (le second épaulant le premier pour améliorer la qualité d’image), Huawei s’est arraché les cheveux pour sortir un produit à triple module caméra. Trois modules équipés de capteurs de 40 Mpix, 8 Mpix et 20 Mpix qui produisent des images de 10 Mpix à deux focales natives : on a vu plus simple comme approche !
Le pari de Huawei est ici d’utiliser la puissance du processeur de l’appareil pour analyser les signaux de trois modules – un très gros capteur 1/1.7’’ de 40 Mpix couplé à un 27 mm, un capteur classique 1/2.3’’ noir & blanc de focale similaire plus lumineux f/1.x et un module téléobjectif 80 mm équipé d’un capteur plus petit de seulement 8 Mpix – et proposer l’équivalent d’un zoom optique x3.
Ce qu’il faut retenir ici c’est que les bons résultats obtenus par Huawei font du P20 Pro le précurseur du visual computing, une approche technique qui vise à dépasser les limites physiques que le format des smartphones impose à la photo en combinant les informations collectées par de nombreux modules caméra. Les puristes hurleront, mais la vérité est qu’il s’agit là du futur de la photographie… et pas que sur smartphone.
Ceci n’est pas un vrai zoom
Le module caméra téléobjectif du P20 Pro est un équivalent 80 mm f/2.4 qui est trois fois plus resserré que les deux modules grand angle 27 mm. On divise 80 par 27 et on obtient un coefficient de grandissement (presque) x3 qui est, comme on l’a noté plus haut, moins versatile qu’un vrai zoom optique qui « glisse » doucement le long d’une plage focale.
Si la focale de 80 mm est appréciable en portrait « resserré », elle est moins polyvalente que le 56 mm, plus large, choisit par Apple pour les iPhone 7 Plus, 8 Plus et X. Et elle souffre surtout d’une limite physique : plus une focale est resserrée, moins elle capte de lumière à ouverture équivalente. En basses lumières, le 80 mm f/2.4 du P20 Pro capte ainsi moins de lumière que le 56 mm f/2.4 de l’iPhone X. Et beaucoup moins de lumière que le Fujifilm X20 qui est équipé d’un capteur bien plus grand.
Sur ces photos de cygnes prises à la fin d’une journée chargée en nuages – en lumière assez faible donc – on voit que le X20 capture Mr l’oiseau de manière plus nette car il a pu monter plus haut en ISO et donc en vitesse. De quoi mettre en lumière une faiblesse physique des modules caméras téléobjectifs. Une solution pour améliorer la qualité d’image ? Doubler le capteur d’un second module plus sensible comme Huawei le fait déjà sur le module principal. Mais cela monterait à quatre le nombre de modules caméra, augmentant ainsi les coûts de production et de développement, sans parler de l’incidence sur la consommation énergétique.
Ajoutons aussi que les images aux focales intermédiaires sont moins nettes et précises que dans les focales natives et on peut ici affirmer que le Huawei P20 Pro ne propose pas un zoom x3 : c’est un smartphone équipé de deux focales fixes d’un rapport de grandissement x3. Pas très didactique, on comprend donc aisément le recours un peu abusif au terme de zoom par les équipes marketing du constructeur chinois.
Le point sur les couleurs
La qualité d’image a des critères objectifs… et d’autres plus subjectifs voire culturels comme les couleurs – les pays asiatiques préfèrent pas exemple les tons plus saturés. Sans même parler du combat entre les rendus « justes » et ceux « qui plaisent » qui sont parfois aux antipodes. Nul besoin de préciser que dans le lot des appareils retenus, aucun ne produit de mauvaises images. Mais côté couleurs, le P20 Pro est le plus sujet aux inconstances colorimétriques, la cause à son moteur « intelligent » (ha ha ha) qui modifie sa perception des couleurs selon… on ne sait pas vraiment et vu le coté hallucinant de certaines couleurs – les verts sont parfois horribles – nous avions déconnecté cette IA dès le premier jour.
Même en désactivant ce mode IA, le Huawei P20 Pro interprète toujours fortement les scènes. La preuve avec cette prise de vue en contre-jour et de fin de journée : par défaut en mode « Photo » normal, le smartphone produit une image au rendu clairement HDR, avec des ombres débouchées et un ciel impressionnant. Un rendu très flatteur que nous qualifierons de très « Instagram ». Une appellation qui n’est pas péjorative : le même cliché en mode Pro offre un rendu équivalent à un appareil photo avec des ombres bien plus bouchées… et moins flatteuses. Il suffit de présenter l’image à plusieurs personnes pour que, invariablement, le cliché HDR par défaut remporte tous les suffrages.
Si les images produites par les appareils photos sont les plus justes, celles qui sortent du smartphone sont généralement les plus photogéniques. A vous de choisir votre crèmerie.
Qualité absolue, qualité suffisante
Quand on passe les clichés à la loupe, on sent que ceux du P20 Pro ont un peu moins de punch que ceux du X20 de Fujifilm et moins de détails purs que ceux produits par les grands capteurs des TZ200 et RX10 Mark IV. Mais prenons du recul et arrêtons de reluquer les pixels au microscope : affichés normalement sur un écran de téléphone voire d’ordinateur, les images du P20 Pro sont très bonnes. Souvent impossibles, en grand angle, à différencier de celles produites par les appareils phot,o même en basses lumières !
La réalité du constat est que mis à part dans des conditions exceptionnelles, le P20 Pro offre une qualité largement suffisante non seulement pour le commun des mortels mais même pour des photographes avertis.
Le super téléobjectif, encore inaccessible au téléphone
Vous voyez les détails de ce navire ? La finesse de la roue de ce paon ou encore les ailes de ce goéland ? Ne cherchez pas à reproduire de tels clichés avec le P20 Pro et encore moins avec votre smartphone, elles ont été produites avec le Sony RX10 Mark IV à des focales hors de portée du P20 Pro (600 mm f/4 !). Même son de cloche avec le TZ200 dont l’équivalent 360 mm enfume complètement le smartphone en permettant de centrer toute l’attention sur la cabine du navire.
Le (vieux) Fujifilm X20 lui, peine à se différencier : avec son zoom x4, il n’apporte pas grand-chose par rapport au P20 Pro… en hautes lumières. Il reste aux générations de compacts experts à capteur 1 pouces actuels (les RX100 de Sony et autres G7X de Canon) une meilleure qualité d’image en basses lumières, mais côté zoom, la menace des smartphones est là. Panasonic l’a déjà anticipée avec son TZ200 qui conjugue grand capteur et zoom puissant.
Pratique n’est pas ergonomique
Point de compétition quant à la praticité des appareils : le smartphone est toujours dans notre poche, les appareils photo sont plus encombrants, plus lourds. Ils nécessitent d’être allumés et dans les mains pour commencer à travailler. Gros avantage au smartphone donc, qui n’a pas même pas à être dégainé puisqu’il est bien souvent (trop souvent) dans nos mains.
Mais pratique ne rime pas avec ergonomique et le smartphone a le défaut de ses avantages : pas de commandes physiques pour changer rapidement de mode, pas d’écran orientable pour viser au ras du sol ou à bout de bras, pas de système de loupe pour la macro, etc. Sans parler du viseur, absent, qui peut pourtant, en bien des occasions, sauver la mise quand le soleil est trop fort. Ou des commandes de zoom – voire de zoom mécanique chez les hybrides et reflex – qui permettent de rapidement changer de focale. En matière d’ergonomie, les appareils photo ont toujours l’avantage que leur procure leur encombrement : ils sont entièrement dédiés à la production d’images.
Un smartphone haut de gamme (doué en photo, hein) peut désormais couvrir l’essentiel de vos besoins photographiques que nous appellerons arbitrairement « familiaux » : le coup de zoom pour faire un portrait, un détail sur la biquette lors de la visite à la ferme ou la photo de famille dans la cuisine mal éclairée de mamie sont désormais largement à la portée d’un appareil aussi performant (et cher) que le Huawei P20 Pro. Les appareils photo sont-ils morts ? Menacés, oui. Morts, pas encore. Car si le champ des possibles des smartphones s’étend, ils ont toujours de grosses limites telles que le super téléobjectif, les sujets macro, le suivi des sujets mobiles ou encore la prise en main, parfois mal adaptée. Mais nous ne pouvons que rester pantois face aux progrès réalisés par l’industrie de la téléphonie mobile. Et la qualité d’image de ces petits capteurs !
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