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Le haut débit n’est pas le messie !

Alors que l’usage du réseau en bas débit ne progresse pas, l’internet rapide est présenté comme un moteur de croissance. Une approche infirmée par les chiffres.

Le haut débit est-il le remède attendu à la stagnation du net ? Certes, en France, l’accès internet en bas débit représente encore 94 % du marché, mais son utilisation a quasiment stagné entre octobre 1998 et septembre 2000. Pendant cette période, le temps moyen de connexion n’a progressé que de 25 minutes (voir graphique) malgré le lancement d’offres d’accès gratuit puis de forfaits incluant les communications. Et le pic de consommation de septembre 2000 serait le fait d’une offre d’accès illimitée lancée par AOL, selon Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l’Association des fournisseurs d’accès à internet (AFA). Mais depuis la disparition de cette offre, à l’hiver 2000, le temps moyen de connexion a rechuté fortement. L’accès internet à haut débit, souvent présenté comme un moteur de croissance pour l’utilisation du net et ?” par conséquent ?” son développement économique, peut-il prendre le relais ? Cette question était au centre des journées de l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), qui se sont tenues à Montpellier les 22 et 23 novembre.

En deçà des prévisions

Premier constat : le développement du haut débit, et tout d’abord de l’ADSL (haut débit par la ligne téléphonique), a été bien moins important en 2001 que l’avaient prévu les acteurs. “Aux États-Unis, on attendait 5,5 millions d’abonnés à la fin de l’année, il n’y en aura que 3,6 millions”, a souligné Roland Montagne, responsable du pôle haut débit de l’Idate. Ce retard serait essentiellement dû aux nombreuses faillites d’opérateurs DSL : “Le modèle économique de l’accès haut débit a été très compliqué à trouver pour ces opérateurs et la plupart ont procédé à une augmentation de leur abonnement. Il est passé de 40 dollars [45,2 euros] en moyenne début 2001 à 50 dollars en moyenne aujourd’hui. On aurait pu penser que le développement de marché ferait baisser les prix alors que c’est le contraire qui s’est produit”, constate encore l’expert.Concernant l’Europe, Roland Montagne nuance les conséquences du retard du dégroupage des lignes téléphoniques permettant aux nouveaux opérateurs télécoms d’accéder directement au consommateur final : “En Finlande, 44 % des lignes téléphoniques sont dégroupées et le développement du haut débit n’y a pas été supérieur à celui de l’Allemagne, où le dégroupage a été plus fastidieux. On ne peut donc pas affirmer que la concurrence développe réellement le marché.” L’Idate a imaginé deux scénarios d’évolution de la diffusion du haut débit dans les foyers français. Fin 2001, l’Institut estime que 3 % des foyers français seront connectés à grande vitesse, soit 500 000 abonnés ADSL et 200 000 abonnés câble. Un scénario haut prévoit en 2004 une multiplication par six du nombre de connectés au haut débit, soit 3,4 millions d’abonnés ADSL et 0,7 million au câble. Le scénario bas prévoit une multiplication par 4,5, soit 2,5 millions d’abonnés ADSL et 0,5 million d’abonnés câble. En juin 2001, la France se classait à la 18e place mondiale en matière de développement du haut débit et à la 8e place européenne, selon un rapport de l’OCDE.

Éviter les désabonnements

Deuxième constat : avec un marché peu mûr, de nombreux intervenants se sont interrogés sur l’intérêt pour les opérateurs d’investir dans le haut débit. Davis Colley, CEO de Callahan Associates, quatrième acteur mondial du câble, a indiqué qu’associer un service d’accès internet haut débit à une offre de télévision permettait de réduire le taux de désabonnement par trois. Serge Tchuruk, président d’Alcatel, a rapporté le constat de l’un de ses clients américains : sur 100 clients potentiels, constatait ce dernier, seulement 12 devenaient des clients fidèles, les autres étant perdus, notamment pour des problèmes techniques. Conséquence : le patron d’Alcatel souhaite que le délai d’installation d’un accès haut débit passe de 15 à 5 jours et que la population couverte passe de 55 % à 85 % en Europe communautaire. Dans ce cas-là, a-t-il conclu, une offre de haut débit pourrait être rentabilisée en trois ans.Ce pessimisme ambiant était également perceptible dans les doutes liés à l’intérêt pour le consommateur de passer au haut débit. Pour Stéphane Treppoz, PDG d’AOL Europe, “les contenus ne sont pas la priorité des gens qui passent au haut débit. Ils recherchent avant tout à ne pas être limités dans le temps”. Une analyse étayée par une récente étude de Netvalue qui montre que la messagerie instantanée est la première bénéficiaire du développement du haut débit (+170 %), devant l’audio et la vidéo (+134 %) ou le web (+3 %). Or la messagerie instantanée est l’une des applications les moins gourmandes en débit. En revanche, elle demande une connexion permanente.

Sale temps pour la vidéo

Les projets de diffusion de télévision par des lignes haut débit ont d’ailleurs été mis au placard par nombre d’acteurs. Ainsi, selon Bernard Séité, directeur général Europe du Sud d’Akamai, spécialiste de l’optimisation de la diffusion sur le web, “cinq télévisions qui diffuseraient leurs programmes en continu sur la toile, auprès de 100 000 utilisateurs chacune, consommeraient toutes les ressources d’internet.” Gilles Fontaine, directeur du département médias de l’Idate a, lui, rappelé que “diffuser une chaîne de télévision par satellite coûte 2 cents par an et par abonné. Internet peut difficilement se poser comme concurrent”. Seul le câblo-opérateur Noos a parlé d’applications de contenus importantes : une offre de vidéo à la demande baptisée “Vidéo Club”, qui démarrera en janvier 2002, et un bouquet de chaînes diffusées sur internet pour le courant de lan prochain. Un projet audacieux.

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Alain Steinmann