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Le grand méchant ASP

L’ASP séduit autant qu’il effraie. Ainsi, dans cette grande multinationale, on n’imagine pas louer des applications avant quelques années.

Le changement, tel est le démon qui hante le quotidien du responsable informatique. Depuis deux ans environ, celui qui enfle jusqu’à menacer une carrière radieuse et pépère se nomme ASP (Applications Service Provider). La location d’applications rôde ainsi autour des salles informatiques. Et malgré son apparence désirable, elle est, pour l’instant, surtout source des pires cauchemars.Dans ce grand groupe industriel international, qui a déjà essuyé plusieurs grèves paralysantes pour tentative d’infogérance, on manipule l’ASP comme d’autres la nitroglycérine.

“Il est possible que la location d’applications dégonfle peu à peu nos services informatiques, s’aventure à dire son directeur informatique. Mais j’ai bien l’intention de continuer à acheter des PC et des serveurs ! “, s’empresse-t-il d’enchaîner.De fait, comme beaucoup d’autres, il est prêt à céder aux sirènes de l’ASP. Mais pas avant trois à cinq ans, tout comme un bon tiers de ses collègues européens, selon une étude récente de PMP Research. Cette même étude affirme d’ailleurs que 80% des DI européens n’ont, à l’heure actuelle, pas du tout recours à l’ASP.Aujourd’hui, les nombreux tests pilotes effectués, essentiellement sur des applications métier à caractère scientifique, suffisent à nouer l’estomac du DI. Débits insuffisants, surtout pour des logiciels gourmands hébergés aux Etats-Unis. Gestion des données approximative. “Les ASP n’ont pas compris ce problème, ça perd de l’intérêt si on en a trop “, et ça peut même devenir dangereux. Contrats légers comme un pacte avec le diable. La ” souplesse ” du modèle ASP prévoit fréquemment que chaque partie peut se rétracter aussi vite qu’elle s’est engagée. A ce jeu, le perdant est toujours l’utilisateur, qui paie très cher le rachat de son ” âme “.Pourtant, quelle tentation ! Car si le concept reste nimbé d’un flou angoissant, il est véritablement ensorcelant. Fini les changements de versions ! Fini les coûts d’infrastructures prohibitifs ! Bienvenue, liberté chérie ! Bienvenue au partage d’applications avec les partenaires et les 40 filiales !… et les envolées lyriques devant la direction générale ! Il faut vendre l’ASP à ses supérieurs la bave aux lèvres, les bras désarticulés, et leur faire oublier que l’histoire ne fait que se répéter.Grands-pères demain, les informaticiens d’aujourd’hui ressasseront l’histoire à leurs petits-fils ” geek “ incrédules, ceux de la génération haut débit. Ils concluront peut-être ainsi : “T’inquiète pas petit, nous avons gagné. L’ASP fonctionne et ne fait plus peur à personne.”Prochaine chronique le lundi 4 décembre

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Philippe Billard