Le champagne a sans doute coulé à flots dans le monde français des télécoms, mardi 16 octobre au soir. Et la fête a dû être à la hauteur de la surprise. Laurent Fabius, à l’occasion de l’examen de la loi de finances 2002, a en effet crée un véritable coup de théâtre, en annonçant une révision complète du montant des licences UMTS, les mobiles de troisième génération. Les 4,95 milliards d’euros à débourser laissent la place à un “modeste” ticket d’entrée de 619 millions d’euros (environ 4 milliards de francs). Le manque à gagner pour l’Etat sera comblé par des privatisations. France Télécom et Vivendi sont déjà quitte, puisqu’ils ont chacun réglé cette somme en septembre au titre du premier versement. A ce ticket s’ajoute “une partie variable assise sur le chiffre d’affaires généré par l’activité UMTS de chaque opérateur”. Cette taxe pourrait correspondre de 1 à 2 % de ce dernier.
Un ballon d’oxygène d’abord pour les opérateurs
La durée des licences est, quant à elle, portée de quinze à vingt ans. Pour les deux restant à attribuer, Bercy propose “que la procédure soit ouverte dans les délais les plus rapides”. Cela se fera très vite, puisque le droit d’entrée sera payable en 2002 pour les nouveaux entrants. Bouygues Telecom, qui avait refusé de concourir pour une licence UMTS “décidera de sa candidature” dès que “les conditions précises” du deuxième appel d’offres seront connues. Le retour dans la course de l’opérateur est plus que probable, puisque le principe de la taxe sur le chiffre d’affaires UMTS le favorise particulièrement. Interrogé, Deutsche Telekom, qui s’était aussi retiré de la course, ne s’est pas prononcé encore sur ses intentions.L’annonce du gouvernement ?” bien au-delà de ce qu’espéraient les plus optimistes ?” est le ballon d’oxygène attendu par tous. L’inquiétude sur l’avenir industriel de l’UMTS s’était généralisée. Les opérateurs se sont réjouis les premiers de cette aubaine. “Je me félicite de cette décision du gouvernement français, qui correspond mieux à l’environnement actuel. Nous, avons, à France Télécom, toujours défendu l’idée qu’il n’était pas raisonnable de taxer des richesses avant qu’elles ne soient créées”, a déclaré Michel Bon, président de l’opérateur historique. Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal, a applaudi ce qu’il juge une “décision pragmatique”.Les équipementiers poussent eux aussi un grand ouf de soulagement. “Les deux opérateurs auront moins de cash à sortir, ce qui fera autant d’investissements. Et puis, cela crée des opportunités de contrats avec les futurs détenteurs de licences” explique Didier Pain, directeur de Nokia Networks France. Certains espèrent même un effet boule de neige en Europe : “Le fait qu’un grand pays comme la France prenne ce virage plaide pour une harmonisation européenne. En basculant, la France est susceptible de changer la donne et d’amener à revoir les conditions d’attribution en Allemagne ou en Grande Bretagne, deux pays où les licences ont coûté très cher”, estime Michel Rahier, président de l’activité réseaux mobiles d’Alcatel.
L’Etat ne sera pas forcément perdant
Cependant, pour Henri Tcheng, associé responsable des télécoms et des médias chez Arthur Andersen, cette décision “ne change rien à la date d’arrivée de la technologie” et retire avant tout un poids pour les opérateurs. Ce poids, le cabinet Arthur D. Little a tenté de le chiffrer. Selon lui, en se basant sur une taxation à 1,5 % du chiffre d’affaires des opérateurs pendant vingt ans, le coût moyen de la licence passerait de 300 à 70 F par abonné et par mois(*). L’avancée est même décisive pour les plus petits : sur une hypothèse à 10 % de parts de marché, on passe ainsi de 750 à 175 F. Le coût demeure élevé, mais pas rédhibitoire. Cette décision devrait donc encourager de nouveaux entrants, et créer les conditions de la concurrence. Ainsi, l’Etat ne joue pas forcément perdant. En se souvenant que l’arrivée de Bouygues avait été le catalyseur du décollage de la téléphonie mobile en France, il relance un secteur dont le dynamisme n’était que gelé et rend possible l’essor d’un marché de masse. Ainsi, il pourrait, toujours selon Arthur D. Little, générer des centaines de milliards de francs de recettes indirectes sur la durée de la concession. Bruno Duarte, directeur associé du cabinet résume un sentiment général : “Cette décision de Bercy semblait indispensable dans l’intérêt du pays, mais elle est néanmoins très courageuse”.(*) En tablant sur un taux de pénétration des services de données de 50 % dans 15 ans.
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