Après l’effondrement du système financier en 1997, le Japon est entré de force dans le big-bang de la réforme bancaire avec l’émergence de méga-établissements traditionnels comme Shinsei et Mizuho Bank. Autant dire que l’arrivée d’un nouveau venu dans le très discret milieu bancaire nippon est un véritable événement. Surtout lorsque l’intrus n’est autre que le bras financier de Sony (*). En lançant la Sony Ginko (Sony Bank) le 11 juin, le géant de l’électronique grand public confirme le rôle qu’il entendra jouer sur la distribution de produits financiers.Face au conservatisme poussiéreux des vénérables vieillards qui règnent sur des lois financières antédiluviennes, Sony a décidé de révolutionner à la fois l’e-banking et l’e-commerce.”Nous n’avons pas de prêts non-performants, comme les trois quarts des autres institutions japonaises“, affirme d’emblée Totoki Hiroki, le directeur général des ventes et du planning de Sony Ginko. “Notre logo est célèbre dans le monde entier. Il est la garantie de notre savoir-faire, et nous avons déjà une excellente connaissance des milieux financiers et du marché de l’assurance. ” La maison mère a annoncé qu’elle ramenait à Londres toutes ses activités financières offshore, des opérations dirigées par le passé depuis Tokyo, New York et Singapour. Elle va ainsi économiser plus de 60 millions d’euros (393,6 millions de francs), et s’efforcer de mieux cerner les besoins et les coûts de ses opérations à venir dans l’e-commerce, qui s’étendront donc bien au-delà des côtes de l’archipel.C’est une première au Japon. Car aucune banque ?” traditionnelle ou en ligne ?” n’y était apparue depuis 1954. Japan Net Bank, filiale de Sumitomo Mitsui, n’est pas vraiment une nouvelle venue. Elle n’en a pas moins capté 200 000 clients depuis son ouverture au mois d’octobre.Shigeru Ishii, PDG de la filiale bancaire de Sony, veut s’adresser en priorité aux Japonais (l’accès aux Européens est à l’étude), et plus spécifiquement aux petits comptes clients ordinaires. Il veut créer la “ banque où les Japonais de moins de 40 ans pourront planifier leur avenir financier et leurs placements “.Avec un capital de 355 millions d’euros, Sony Ginko offre des dépôts en yens, des dépôts en monnaies étrangères, des portefeuilles de titres, des prêts au logement, etc. Son conseiller financier et fournisseur de produits bancaires et logiciels n’est pas un novice, puisqu’il s’agit de JP Morgan. La banque américaine fut d’ailleurs très tôt acquise au projet Sony, puisqu’elle détient 4 % du capital de Sony Bank. Enfin, la banque Sakura, du groupe Sumitomo Mitsui Banking, déjà engagée ailleurs, a tout de même investi 16 %, au cas où. Mais Sony contrôle 80 % du projet.La filiale bancaire de Sony compte 80 employés au siège, et 30 au téléservice pour démarrer. Ses clients pianoteront sur leur ordinateur et pourront, le cas échéant, s’approvisionner aux guichets de la banque amie Sakura, éparpillés sur l’archipel.
L’attrait d’internet
Mais l’aubaine pour la banque en ligne, c’est le nouvel attrait exercé par internet dans l’archipel. On estime aujourd’hui à plus de 40 millions le nombre d’utilisateurs réguliers d’internet au Japon, auxquels il faut ajouter la percée des quelque 24 millions de ” japonais mobiles “, reliés au net avec leur Keitai, le téléphone portable muni de la messagerie I-mode. Mais ils devront patienter encore un an avant de pouvoir effectuer leurs opérations à partir de leur combiné Docomo, Sony ou J-Phone favori.”Déjà, les analyses prévisionnelles sont excellentes “, confirme Mari Teranishi, du Département planning de Sony Bank : “200 000 clients sont attendus pour cette première année, puis 400 000 d’ici à 2004. ?’ge moyen des utilisateurs de la banque en ligne ? De 20 à 40 ans. C’est l’âge numérique“, déclare son directeur, Hiroki San, un senior de 36 ans, plutôt du genre cool inspiré, depuis ses projets qui l’ont conduit des États-Unis au Royaume-Uni. Comme tous les acteurs de la net économie au Japon, sa cravate est remisée au placard. Il est simplement vêtu d’un Jean délavé, son portable autour du cou. Totoki Hiroki est entré chez Sony en 1987, tout juste diplômé de l’université privée de Waseda à Tokyo. “Sony, explique-t-il, est un nom porteur de nouvelle culture d’entreprise, axée sur l’international et la diversité. Or, étant donnée la perte de crédibilité du système bancaire traditionnel nippon, notre image et notre qualité sont vues comme deux bonnes garanties chez les consommateurs“.La confiance, c’est le mot sacré, une nouvelle identité à bâtir, sans doute le véritable handicap de tout nouveau projet bancaire sur l’archipel nippon. Lors de la crise de 1997, les clients des banques s’étaient rués dans leurs agences bancaires pour retirer leurs économies et les enfermer dans leurs coffres-forts, au lieu de les voir fondre au soleil levant. Récupérer cet argent constitue un nouveau défi à relever pour le géant mondial de l’électronique grand public.
(*) www.sonybank.net
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