En 1994, Quentin Tarantino glissait dans la bouche de John Travolta cette réplique culte, à propos des Français : « Big’s Mac is a Big Mac, but they call it le Big Mac » (« Un Big Mac est un Big Mac, mais ils l’appellent le Big Mac. ») Aujourd’hui, le jeu vidéo français s’offre à son tour un nom franglais, « le-game », nouveau label imaginé par une agence de communication anglaise pour le compte du SNJV avec, en petits caractères, un slogan ambitieux : « uncompromising creativity from France », (« la créativité française sans concession. »)
Contrairement aux apparences, ce nouvel étendard commercial et institutionnel ne marque surtout pas le retour d’une exception culturelle un peu tarte à la crème, assure-t-on. « Nous ne revendiquons pas une french touch, insiste Nicolas Gaume, mais d’être un pays leader, capable de concurrencer les éditeurs japonais, taiwanais, coréens, canadiens, etc. »
Si Barack Obama joue français?
Car les enjeux sont avant tout économiques. Avec 52 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial en 2011, et une perspective de croissance de 10 % par an, contre seulement 4,8 % pour le cinéma et 1,1 % pour la musique, Pierre Lellouche estime que l’industrie du jeu vidéo dépassera celle du septième art en 2014. Certes, il faut nuancer : les chiffres du cinéma n’incluent pas l’immense marché de la vente de DVD et de Blu-ray. Mais le chiffre d’affaires prévisionnel du jeu vidéo reste immense : 90 milliards d’euros en 2014. « Au même titre que le cinéma, c’est une industrie du rêve capable de donner naissance à une culture universelle », s’est enthousiasmé le secrétaire d’Etat.
Or, le jeu vidéo français a des arguments à faire valoir. Outre que Barack Obama offre Just Dance 3 à ses filles à Noël – anecdote dont s’est régalé Nicolas Gaume – la France est le deuxième producteur mondial de jeux mobiles et sociaux. Un marché ultra-concurrentiel et risqué – hors des 25 premières places de l’AppStore, un jeu n’offre quasiment pas de gains – mais qui devrait connaître une croissance de 100 % annuelle, estime le secrétaire d’Etat, grâce notamment à l’expansion rapide du parc des tablettes.
Au niveau international, l’Hexagone n’avait pas encore de label, mais déjà des fleurons. Dans ce domaine, l’inévitable Just Dance 3 vendu à 25 millions d’exemplaires dans le monde ou encore Pro Cycling Manager 2011, meilleure vente estivale de jeu sur PC, et aussi le 3e éditeur indépendant mondial, Ubisoft, sont quelques-uns des nombreux succès francophones. L’idée du label « le-game » est donc de prendre acte de la qualité de la production française et de la promouvoir.
Concurrencer les studios canadiens
Avec cette initiative, Pierre Lellouche entend surtout créer une synergie entre les acteurs français, studios et éditeurs, et leur donner une image commune à l’étranger. « Le mot patriotisme économique peut faire peur, mais les Allemands, les Américains, les Canadiens ou encore les Japonais ne se gênent pas, eux. Il faut récréer cette culture, cet esprit d’équipe », a expliqué le secrétaire d’Etat. Et de citer la nécessité de lutter contre le dumping fiscal pratiqué par certains pays, Canada en tête, pour devenir aujourd’hui l’un des eldorados de la création mondiale, au détriment de l’industrie française. D’ores et déjà, le site le-game.net (qui renvoie pour l’instant sur http://snjv.weebly.com) devrait permettre, selon le secrétaire d’Etat, de servir de « catalogue, un peu comme La Redoute » (sic) à la production française.
Dans les faits, rien n’obligera les éditeurs à afficher « le-game » sur la boîte de leur jeu, si tant est que l’idée leur passe par la tête. Mais le logo servira de bannière à l’industrie française lors des salons professionnels, où se jouent négociations et contrats. Perspectives ? Favoriser l’exportation des jeux français, bien sûr, mais aussi promouvoir le savoir-faire hexagonal. Et pourquoi pas aboutir, un jour, à ce qu’un jeu Nintendo soit conçu en France ? Heavy Rain, édité par Sony, a été produit à Paris. Et Nintendo délègue déjà la production de certains titres, comme ses jeux de football Mario Strikers, à un studio… canadien.
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