Ô sordide ironie ! Alors que la loi de Moore est désormais donnée pour morte, le destin vient de lui adresser un pied de nez rigolard. La prophétie auto-réalisée du cofondateur d’Intel a largement contribué à installer dans les esprits une croyance qui veut que le futur réside forcément dans une course en avant. Or, des chercheurs de la très réputée université de Caltech viennent de montrer que jeter un œil en arrière pour revisiter le passé et réinventer le futur peut avoir son intérêt.
Une alternative au silicium
Un paradoxe qui n’est pas dénué de charme… et d’intérêt quand on sait que les transistors en silicium sont en passe d’arriver au bout du chemin qui a conduit la révolution informatique ces cinquante dernières années.
Les composants en silicium ont atteint un seuil : il est de plus en plus difficile de réduire leur taille tout en conservant un fonctionnement stable (fuite d’électrons, surchauffe, émission de lumière passés les 10 nm, etc.). Des solutions alternatives ont été trouvées, les nanotubes de carbone notamment, et sont en cours de développement pour continuer la marche en avant du progrès, mais mieux vaut multiplier les options.
Et justement, une équipe de scientifiques menée par Axel Scherer, responsable du groupe Nanofabrication de l’université californienne, s’est tournée vers une technologie vieille de plus d’un siècle, les tubes à vide. Oui, ceux là-même qui ont été remplacés par les semi-conducteurs.
Les lampes des radios de nos grand-mères en tout petit
Enfin, pas exactement les mêmes. Ceux qui pourraient prendre place dans les smartphones et les PC du futur ne sont pas plus grands qu’un « millième de taille d’un globule rouge », explique le New York Times. Ce « retour vers le futur », comme l’appelle Axel Scherer, a abouti à des « lampes » un million de fois plus petites que celles qui équipaient les postes de radio il y a cent ans ou les premiers ordinateurs…
« Les tubes à vide reviennent toutes les décennies », semble s’amuser le docteur Scherer, qui rappelle qu’ils avaient failli faire leur grand retour dans les écrans plats dans les années 90 avant d’être supplanté par les cristaux liquides plus efficaces et moins chers. Les tubes se sont toujours fait voler la vedette par une meilleure option. Mais peut-être pas cette fois.
Là où les composants en silicium perdent la moitié de l’électricité consommée en « fuite », les tubes électroniques utilisent le mécanisme qui cause la fuite d’énergie pour interrompre le flux d’électrons ou, au contraire, le laisser passer. « Les effets qui sont actuellement les problèmes de la réduction de taille des composants sont précisément ce que nous voudrions utiliser comme interrupteur dans les prochains générations d’appareils », commente Axel Scherer. Autrement dit, ces minuscules créations pourraient non seulement consommer moins d’énergie mais aussi fonctionner plus rapidement que les puces actuelles. Ce qui représente un premier pas significatif pour les remplacer.
Encore un peu de temps
Le docteur Scherer et ses équipes ne pensent toutefois pas que les tubes à vide de nouvelle génération vont remplacer les composants actuels prochainement. Mais les progrès réalisés sont suffisants pour avoir des débouchés potentiels dans la conquête spatiale et l’aviation, au point que ces travaux ont attiré l’attention de Boeing, qui finance ces recherches.
« Il y a dix ans, les transistors en silicium pouvaient répondre à toutes nos attentes. Dans les dix prochaines années, ce ne sera plus vrai », rappelle Axel Scherer, sans doute avec l’espoir secret que cette fois, les tubes à vide connaîtront une nouvelle heure de gloire.
Source :
The New York Times
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