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Le Fisc pourra davantage traquer les fraudeurs sur les réseaux sociaux

Depuis 2021, le Fisc et les douanes aspirent des données en ligne sur des plateformes d’annonces entre particuliers ou de locations de meublés, dans le cadre d’une expérimentation. La loi vient d’étendre le dispositif, en incluant la possibilité de collecter et de traiter des données issues des réseaux sociaux. Pourtant, le rapport d’évaluation de la mesure présente un bilan mitigé. Voici ce qu’il faut en retenir. 

Deux années supplémentaires, et les réseaux sociaux en plus : depuis 2021, les services fiscaux peuvent utiliser des systèmes automatisés pour collecter et traiter des données publiées sur les sites de petites annonces. Cette expérimentation, à des fins de détection des fraudes fiscales, a été prolongée de deux ans par le projet de loi de finances pour 2024, voté le 21 décembre dernier. Le texte élargit aussi la collecte de données aux réseaux sociaux, rapporte Le Monde, le même jour.

Depuis le 11 février 2021, le Fisc comme les douanes peuvent collecter un certain nombre de données en vue de confronter les déclarations fiscales des particuliers ou des entreprises aux données diffusées en ligne. À l’origine, l’administration souhaitait pouvoir confirmer que le train de vie d’un contribuable présenté sur le Web coïncidait bien avec sa déclaration d’impôt. Elle souhaitait aussi être capable, via ces systèmes automatisés, d’identifier les personnes qui vivent dans l’Hexagone, alors qu’elles prétendent être domiciliées à l’étranger, pour échapper à l’impôt sur le revenu. Mais après les avis de la CNIL et du Conseil constitutionnel, le dispositif, présenté comme une expérimentation de trois ans, avait finalement été réduit.

Les réseaux sociaux échappaient jusqu’à présent à la collecte

La douane et les impôts voulaient, initialement, pouvoir exploiter l’ensemble des publications (photos, vidéos) publiques diffusées sur Instagram ou Facebook. Mais les services fiscaux ont finalement renoncé aux réseaux sociaux en raison des avis de la CNIL et du Conseil constitutionnel. Le gardien de nos libertés avait appelé en 2019 l’administration à « faire preuve d’une grande prudence », lorsqu’elle collecte des données en masse. Seuls les sites de vente en ligne entre particuliers comme Leboncoin, Vinted, eBay, ou les plateformes de location de meublés telles Airbnb ont finalement été passés au crible de l’administration – à l’exclusion des réseaux sociaux.

Les services fiscaux ont en effet estimé que les deux gardiens des libertés ne leur donnaient pas le droit de créer des comptes sur les réseaux sociaux. Or, sans création de compte, difficile d’accéder aux données partagées sur Facebook par exemple. Les data pouvant être avalées par ces systèmes automatisés devaient être librement accessibles, sans nécessiter d’inscription ou de mot de passe sur le site en question. Conséquence : dans les faits, les réseaux sociaux ont systématiquement été écartés de toute collecte par l’administration.

Le projet de loi de finances pour 2024, voté le 21 décembre 2023, prévoit de mettre fin à cette limitation, en donnant la possibilité aux contrôleurs de créer des comptes, et donc de collecter les données publiques des réseaux sociaux. Tout l’objet de l’expérimentation des deux prochaines années sera de voir si le dispositif (nouvelle version) est efficace.

Le dispositif a permis de recouvrer… 68 000 euros

Cette utilisation de systèmes d’IA, particulièrement critiquée au moment de son adoption, devait être évaluée en 2023, au sein d’un rapport destiné au Parlement et à la CNIL. Le texte, déjà commenté par nos confrères de l’Informé en juillet dernier, a été publié par le Monde, le 21 décembre. On y apprend qu’en tout, 17 campagnes de collectes ont été effectuées entre la première (juillet 2021) et la dernière, qui a eu lieu en juin 2023. Les systèmes ont visé les sites d’annonces de prestations de déménagement, de services informatiques, de plomberie, de coiffure, de soins et de cours particuliers, ainsi que des offres de ventes de voitures, et de locations meublées. Aucune plateforme n’est nommée. Les services de douanes ont, de leur côté, utilisé ces systèmes automatisés pour détecter la vente d’objets illicites comme des armes à feu ou du tabac.

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Le rapport d’évaluation explique aussi comment ces systèmes automatisés fonctionnent. Pour le fisc, les annonces de certaines plateformes sont aspirées lors d’une « campagne » – chaque collecte de données est limitée dans le temps – avant d’être classées. Si besoin, l’administration peut demander davantage d’informations à la plateforme ou aux fournisseurs d’accès à internet. Si un cas s’avère « suspect », un agent prend le relai. La procédure peut aboutir à un contrôle fiscal. Les douanes procèdent, elles, par mots clefs (sept mots seraient liés aux produits de tabac, et 42 pour les armes). Si une annonce en présente par exemple un nombre important, une enquête en bonne et due forme est ouverte.

Les résultats de ce dispositif sont « encourageants », selon le rapport

Dans la balance avantages/bénéfices, cette collecte de données, qui présente un danger en termes de protection de la vie privée, a-t-elle permis de recouvrer certaines sommes ? Le rapport d’évaluation, publié par Le Monde, donne quelques chiffres. Côté finances publiques, l’administration, sur le million d’annonces collectées, n’aurait repéré que 160 dossiers, aboutissant à 17 contrôles fiscaux, et le recouvrement de 68 000 euros pour les contrôles clôturés – un chiffre qui reste temporaire, de nombreuses procédures étant encore en cours. Côté douanes, ce sont 70 000 annonces qui ont été aspirées, entraînant l’ouverture de 19 enquêtes. On est donc loin du manque à gagner pour l’État évoqué avant la mise en place du dispositif. En février 2018, un rapport de Solidaires-Finances publiques évaluait des pertes pour les caisses publiques avoisinant les 100 milliards d’euros par an, notamment en raison de la sous-déclaration des revenus, présentée comme la fraude « la plus courante ». Selon le rapport d’évaluation, l’expérimentation aurait coûté 1,4 million d’euros – notamment en raison du développement de ces systèmes automatisés – hors moyens humains, détaillent nos confrères du Monde.

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Pour autant, malgré ce bilan mitigé, l’administration estime que le jeu en vaut la chandelle : les résultats de ce dispositif sont « encourageants », écrivent les auteurs du rapport. La méthode a permis « d’identifier des situations que les applications traditionnelles de la DGFiP ou les moyens classiques d’investigation n’auraient pas permis d’appréhender, ou auraient appréhendé de manière moins industrielle », écrivent les fonctionnaires. Selon ces derniers, l’intérêt n’est pas forcément d’identifier des fraudes importantes, mais de libérer du temps de travail aux enquêteurs. « Automatiser (…) doit ainsi permettre de dégager de la marge opérationnelle et de faciliter la discrimination des profils les plus intéressants », écrivent-ils.

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Source : Le Monde


Stéphanie Bascou
Votre opinion
  1. > aboutissant à 17 contrôles fiscaux, et le recouvrement de 68 000 euros pour les contrôles clôturés […] On est donc loin du manque à gagner pour l’État évoqué avant la mise en place du dispositif

    Récupérer 68.000 quand le budget est de plus de 600 milliard, j’ai du mal à qualifier ça de “loin du manque à gagner” quand même. Surtout quand ça coûte “1,4 million d’euros” sans compter les salaires… Ce qui veut dire que depuis 2020 ça a à peine remboursé une 1 personne au SMIC (~20.000€/an).

Les commentaires sont fermés.