Comme toutes les bonnes idées, celle de l’e-pinion est simple : les consommateurs ont la parole et s’expriment sans censure. En pratique, il s’agit de créer une communauté d’internautes où les membres émettent des avis sur les produits et services qu’ils utilisent. Organisées en catégories, les opinions consuméristes forment une base de données d’aide à la décision d’achat. Fortes de leurs succès en Allemagne, les sociétés Ciao et Dooyoo ont été les premières à développer en France ce concept à grande échelle. Aujourd’hui, une petite dizaine de protagonistes exploitent les mines d’or des avis de consommateurs.
Qualité et quantité ne font pas bon ménage
A la création du site, il s’agissait de lancer la machine, c’est à dire d’inciter les internautes à adhérer à la communauté et à enrichir la base de données, en récompensant les membres actifs. A ses débuts, Ciao donnait une gratification en liquide cash de 5 francs par avis rédigé. Aujourd’hui, la rémunération est tombée à 1 franc l’avis, auquel s’ajoutent dix centimes chaque fois que le texte est lu par un visiteur. Chez C-Judge / Consuvote, le dernier-né des sites d’e-pinion français, la gratification se compte en beenz, un programme de rémunération où les points de fidélité sont convertibles en cadeaux. Et cela marche. Après dix mois d’existence, Ciao revendique 75 000 membres et 135 000 avis. Le site Dooyoo, plus jeune d’un mois, a dépassé les 35 000 membres actifs et les 70 000 opinions. Consuvote, qui a tout juste un mois, progresse encore plus rapidement et compte atteindre les 30 000 membres avant mars 2001. Toutefois, au-delà du volume d’avis, c’est en réalité la qualité des opinions qui est recherchée. En effet, “la fidélisation ne réside pas uniquement dans l’appât du gain. Chez Dooyoo, on ne gratifie que les meilleures contributions. L’objectif est de primer la qualité afin d’obtenir des avis pertinents qui servent la communauté”, déclare Jérôme Mascles, directeur marketing chez Dooyoo France. Ciao et Consuvote ont, quant à eux, entamé des opérations ” qualité ” avec des primes conséquentes. Pour Ciao, cette stratégie s’inscrit dans une logique de constitution de base et d’acquisition de nouveaux membres. Pour Consuvote, il s’agit de compléter le site avec des conseils à forte valeur ajoutée s’inscrivant parfaitement dans le cycle d’achat.
En pente douce vers le B-to-B
Indépendance, transparence, relation de confiance avec la communauté… Tous les sites tiennent le même discours rassurant. “Nous ne vendons pas les coordonnées de nos membres “, clament-ils. Néanmoins, des divergences apparaissent dans la manière d’appliquer le principe initial. Ainsi, Ciao commence déjà à diversifier ses sources de revenus en ajoutant une dimension B-to-B dans son modèle économique. “Les informations agrégées sont riches d’enseignements pour les entreprises et les consommateurs. Nous allons donc établir des partenariats avec des cabinets d’études pour que services marketing, CRM et SAV des grandes marques puissent les exploiter. Mais notre c?”ur de métier restera l’e-pinion “, explique Nicolas Metzke, président de Ciao.com France. Depuis quelques jours, pour devenir membre de Ciao, il faut remplir un questionnaire personnel, plutôt détaillé, même si “tous les champs ne sont pas obligatoires “, comme le mentionne Nicolas Metzke. Reste que le membre n’est plus un anonyme. Son nom, son adresse et son compte bancaire (pour verser la gratification !) rejoignent dans la base tous les avis qu’il a rédigés. Quelques recoupements suffisent alors pour déterminer précisément ses centres d’intérêt, ce qu’il aime ou n’aime pas. Chez Dooyoo, les offres marchandes cohabitent avec les opinions consuméristes et les guides d’achat. Le site appartient d’ailleurs au réseau de partenaires Maximiles. Dooyoo a également pris le virage des études de marketing. “Notre site utilise ses membres pour bâtir des panels européens d’utilisateurs prêts à s’expliquer sur leurs modes de consommation. Toutes ces études sont basées sur le volontariat. En France, cette stratégie commerciale en est à ses prémices. En revanche, en Allemagne, nous avons déjà entamé cette démarche et acquis un institut d’études “, explique Jérôme Mascles.
Les exceptions Consuvote et Toluna
Consuvote reste, pour l’heure, fidèle à sa ligne directrice. “Notre allégeance va avant tout au consommateur. Nous avons établi une relation de confiance qui ne doit pas être brisée par la constitution d’une base de données comportementale nominative “, commente Frédéric-Charles Petit. “Nous n’avons pas désiré rémunérer en liquide pour des raisons d’éthique. Rédiger un avis est un acte positif d’entraide entre consommateurs. Les sites d’e-pinion doivent demeurer un outil d’aide à l’achat “, poursuit-il. Consuvote est d’ailleurs le premier à posséder, sous marque, un comparateur de prix et à proposer des alertes très pratiques, telles que les rappels de produits.La stratégie de Toluna est à l’opposé de celle des autres acteurs. “Nous proposons à nos membres de tester des produits afin de réaliser des études marketing “, explique Thuyl Lê, présidente de Toluna. Le site affiche clairement sa spécificité. L’internaute s’inscrit pour participer à des tests. Il répond à un questionnaire qui ne porte que sur le produit testé. “Il ne s’agit pas d’un panel. En aucun cas, nous ne fournissons ses coordonnées. De plus, sa seule récompense est qu’il conserve le produit pour lequel il a donné son avis de testeur volontaire “, poursuit Thuyli Lê. Quatre-vingt-cinq pour cent des personnes ayant participé à un sondage reviennent déposer des avis sur le site. Mais l’argent n’est pas leur motivation première puisqu’il n’y a rien, ou presque, à gagner. De cette manière, Toluna évite les chasseurs de primes. Mais, revers de la médaille, le nombre d’opinions augmente moins vite que sur les autres sites d’e-pinion.
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