Le 19 janvier dernier, le FBI fermait Megaupload et bloquait par la même occasion 25 pétaoctets de données déposées par les utilisateurs du service sur les serveurs de la société hébergés par Carpathia et Cogent. En marge de cette quantité hallucinante de fichiers, lors du raid « musclé » sur la propriété de Kim Dotcom située à Auckland en Nouvelle-Zélande, la police néo-zélandaise a saisi 130 ordinateurs abritant, peu ou prou, 150 téraoctets de données en rapport direct avec les activités de Megaupload.
Ces données qui concernent directement Megaupload ont été dupliquées, puis envoyées aux États-Unis afin qu’elles y soient passées au crible par le FBI. Cette saisie fait actuellement débat entre les autorités américaines et la justice néo-zélandaise. D’après le site Wired, les avocats de Kim Dotcom prétendent que le FBI aurait agi illégalement en s’appropriant ces données à des fins d’expertise sans en informer la police néo-zélandaise. Et ce, quelques jours après qu’une audience ait été ouverte pour savoir si l’agence fédérale américaine pouvait ou non se les procurer (et sans qu’une décision ait été prononcée).
Une allégation jusqu’ici nuancée par l’avocat de la Couronne John Pike qui estime que la loi mentionnée par les avocats ne concerne que les supports physiques – en l’occurrence, les disques durs – et non les informations elles-mêmes. Récemment, la justice de Wellington s’est rangée du côté des avocats de Kim Dotcom et demande la restitution immédiate des données copiées sans autorisation. Le FBI, pour ne rien arranger, a fait savoir que la re-copie des informations pourrait prendre près de deux mois et demi. Stupéfiante réponse, – quand on connaît les moyens que peut déployer par ailleurs l’agence fédérale – qui, de toute façon, sous-entend expressément que les autorités américaines souhaitent conserver toutes les preuves « tangibles » de la culpabilité de Kim Dotcom en vue de son extradition et de son jugement aux États-Unis.
Ces données qui m’appartiennent…
L’autre versant de l’affaire, ce sont les 25 pétaoctets de données qui « appartiennent » aux utilisateurs et qui sont bloquées par les autorités américaines sur les serveurs de l’hébergeur Carpathia. Celles-ci comprennent bien entendu des fichiers « illégaux » qui tombent sous la loi du copyright, mais également nombre de fichiers « personnels » qui sont la propriété exclusive des utilisateurs ayant souscrit un abonnement à Megaupload pour leur hébergement en ligne.
Carpathia, qui dépense quotidiennement 9 000 $ pour maintenir en fonctionnement les serveurs, a fait savoir qu’il lui était impossible de restituer individuellement les fichiers légaux à leurs propriétaires : la société ne peut en assumer le coût. D’un autre côté, l’avocat de la MPAA (Motion Picture Association of America) a indiqué que tout contenu légal pourrait être restitué à qui en ferait la demande.
Aux États-Unis, Kyle Goodwin, un blogueur sportif qui hébergeait ses vidéos professionnelles sur Megaupload a déposé une motion, soutenue par l’Electronic Fontier Foundation, pour savoir à qui il devait s’adresser pour récupérer ses données sans débourser un centime. La réponse de Neil Mac Bride, le procureur en charge du dossier, est limpide : « Le gouvernement ne possède aucun des biens que réclame Monsieur Goodwin. (…) Et [il] ne s’oppose pas à ce que [ce monsieur] puisse accéder aux 1 103 serveurs précédemment loués par Megaupload. (…) Monsieur Goodwin peut se procurer les services d’un expert pour l’assister dans sa démarche ». En plus explicite, les autorités américaines ne sont absolument pas disposées à régler la facture d’une telle opération.
Il est urgent d’attendre…
Et pour l’internaute français qui aurait, par exemple, placé ses photos ou ses vidéos de mariage sur les serveurs de Megaupload ? Nous avons contacté à ce sujet Maître Van De Wiele, avocat pour le cabinet Alain Bensoussan, spécialisé dans le droit des technologies avancées. Sa réponse laisse peu d’espoir : « l’internaute français qui a déposé des fichiers légaux sur le site a pour le moment peu de chances de les récupérer. Sur le plan contractuel, les conditions de service de Megaupload sont soumises au droit américain ».
Pour l’avocat, « sauf à intenter une procédure directement aux USA, l’internaute pourrait tenter de saisir un juge français, qui a la possibilité d’appliquer un droit étranger. Mais à supposer que le juge français se reconnaisse compétent, son jugement devra être exécuté sur les territoires où sont situés les serveurs d’hébergement, ce qui implique une autorisation des autorités judiciaires notamment américaines… longue à obtenir, si elle est accordée. En outre, contre qui agir ? Si c’est l’hébergeur, il faudra faire sauter les limitations de responsabilité stipulées dans le contrat que l’internaute a accepté ».
Le dernier conseil de Maître Van De Wiele est d’attendre que la situation se décante outre-atlantique avant d’entamer toute action. Une attente qui va certainement durer… un certain temps.
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