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Le e-commerce se moque de la crise

À l’heure où les dettes européennes plombent la croissance et l’emploi, la vente en ligne ressemble à un eldorado qui se joue de la morosité ambiante.

Alain Bashung chantait, il y a quelques années, “ ma petite entreprise connaît pas la crise ”… Un refrain qui conviendrait bien au Web actuellement, plus précisément au e-commerce, tant il semble s’en jouer ! Ce dernier se montre particulièrement actif, libéré, semble-t-il, des excès et des turpitudes dans lesquels il s’était enlisé au début des années 2000, jusqu’à provoquer l’explosion de la bulle spéculative autour des valeurs Internet. Aujourd’hui, l’assise des géants de la vente en ligne est pour le moins solide. Google, eBay, Amazon et PriceMinister, pour ne citer qu’eux, ont démontré l’efficacité de leur modèle économique. D’autres, comme Groupon, tentent crânement leur chance et rappellent qu’il y a toujours de la place pour les success stories même en période de crise… Mais qu’en est-il véritablement de l’ensemble d’un secteur qui ne se limite pas à quelques poids lourds ? Possède-t-il les armes pour traverser sans dommage cette période de fortes turbulences ?

Confiance en l’avenir

Les derniers baromètres, qu’ils soient publiés par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) ou par Viadeo en partenariat avec Satellinet, sont plutôt éloquents. Celui des dirigeants et créateurs du Net français établi par Viadeo pour le troisième trimestre 2011 se révèle ainsi encourageant : 83 % des dirigeants ont confiance dans leur activité, soit une hausse de 13 points depuis le deuxième trimestre et un niveau équivalent au début de l’année. Pour 45,2 % des sondés, le montant de leurs investissements futurs devrait croître. Et 64,4 % pensent que leur portefeuille clients va s’étoffer au cours des trois prochains mois. Du coup, 32,2 % des dirigeants estiment qu’il leur sera nécessaire de recruter.Quelle mouche a donc piqué les acteurs du Web pour qu’ils affichent un tel optimisme ? Prenons le cas de Groupon, dont la récente entrée en Bourse a été saluée par les marchés. L’entreprise spécialisée en coupons de réduction a levé quelque 700 millions de dollars, soit la plus grosse introduction boursière depuis celle de Google en 2004. Il faut dire que son chiffre d’affaires a atteint 1 milliard d’euros en seulement dix-huit mois. Un record !Mais certains nuancent déjà ce succès. Dans une tribune donnée au quotidien Les Échos, le directeur général de PrestaShop, Christophe Cremer, juge ce système de coupons sur Internet pas viable à long terme. Pour trois raisons, développe-t-il. Les marges du cybermarchand sont largement négatives, sa notoriété ne gagne pas en force, voire se dégrade (le client ne perçoit plus le coupon comme une marque d’attention personnelle), et, enfin, la fidélisation autour des coupons s’avère inexistante… Groupon, tout comme les autres sociétés ayant adopté ce modèle, devrait par conséquent rechercher d’autres formes de promotion, capables de valoriser son image et de fidéliser de nouveaux clients…

Modèle à suivre

Amazon, de son côté, défraie la chronique, mais pour des raisons différentes : pas seulement pour le lancement de son Kindle sur le marché français et sa récente vocation d’éditeur, mais aussi pour ses orientations stratégiques. Malgré une baisse de 73 % de son bénéfice net au cours du dernier trimestre, certains observateurs ne manquent pas de saluer le business model du cybermarchand, lequel s’oppose aux visions à court terme des traders de Wall Street. L’entreprise, qui réalise un chiffre d’affaires de 50 milliards de dollars et qui emploie 50 000 personnes, sacrifie volontairement ses marges et ses profits immédiats pour privilégier l’investissement… Contrairement à une grande partie des sociétés américaines qui privilégient les profits à court terme et négligent leurs salariés. “ De ce fait, les inégalités de revenus aux États-Unis sont les plus élevées depuis la fin des années 1920, juste avant la grande dépression de 1929 ”, souligne Henry Blodget, rédacteur en chef du magazine d’affaire Business Insider. Et d’ajouter : “ Si les entreprises agissaient comme Amazon, l’économie se porterait mieux rapidement… ”Autre événement marquant : l’OPA lancée par Altarea Cogedim sur Rue du Commerce reflète bien l’effervescence qui règne actuellement dans le monde de l’Internet et la mutation qui s’opère entre les acteurs traditionnels ? magasins en “ dur ” ? et ceux du e-commerce, en dehors de toute considération sur les espaces d’échange comme Leboncoin.fr… “ Les consommateurs font de plus en plus de repérages sur le Web puis vont acheter dans les centres commerciaux. Il nous faut donc utiliser l’ensemble des canaux de vente pour opérer la fusion entre les deux mondes, physique et virtuel ”, a expliqué Alain Tavavella, président d’Altarea Cogedim, lors d’une conférence de presse, pour justifier l’OPA sur le cybercommerçant. Altarea, peu connu du grand public, est une des premières sociétés françaises foncières avec pas moins de 45 centres commerciaux dans l’Hexagone. Son PDG ne fait que réagir à la stagnation voire à la diminution anticipée du chiffre d’affaires des centres commerciaux dans les années à venir…

Beaucoup d’appelés…

Du côté des start-ups, la situation est un peu plus compliquée. Le chiffre fourni par la Fevad sur la progression du nombre de sites marchands actifs pour 2011 est significatif (lire le témoignage page précédente). Mais il ne fait pas état des cas d’échec. Déjà, en 2008, le nombre de sites défaillants était de 55 000, en augmentation de 10,3 % par rapport à 2007 : des jeunes pousses (entre un et trois ans d’existence) pour plus de la moitié. Et la baisse du chiffre d’affaires moyen des sites actifs tend à prouver que la concurrence est de plus en plus rude et que ce sont les poids lourds du secteur qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Si les sites nouvellement créés évitent d’investir dans le foncier, ils doivent néanmoins relever d’autres défis. Particulièrement ceux de l’audience et du coût important à consentir pour parvenir à se faire connaître. Car rien n’est jamais gagné d’avance, et encore moins dans le monde du e-commerce…

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Rémi Langlet