Depuis 6 mois, l’économie allemande est entrée en phase de ralentissement. Sa croissance, révisée en baisse, atteindra probablement 1,3 % en 2001. La chute de sa production industrielle en avril est estimée à -0,4 % en rythme annuel. Il ne s’agit cependant pas d’une récession : la zone euro, Allemagne incluse, se comporte mieux que l’économie américaine pour le moment. Mais notre voisin subit le contrecoup de la pause de l’expansion des États-Unis, pause dont les effets négatifs commencent à l’emporter sur les effets positifs d’un dollar cher.L’Allemagne dépend plus de l’économie américaine que la France. En effet, les importations des États-Unis représentent 2,2 % et 1,5 % de nos PIB respectifs. Néanmoins, l’économie française risque de souffrir par ricochet du freinage, en partie imposé à notre partenaire principal du fait de l’interruption de l’expansion américaine. Il y a à cela plusieurs raisons. Le poids démographique et économique de l’Allemagne lui confère un rôle moteur en Europe. La France est son premier fournisseur après les Pays-Bas, compte tenu des échanges de marchandises transitant par Rotterdam, de même qu’elle en est le premier client.Les modèles macroéconomiques conjoncturels fournissent une estimation des répercussions attendues de la situation mondiale sur notre pays en se fondant sur trois ratios : celui des ventes françaises aux principaux partenaires du pays et par rapport à son PIB ; celui qui associe les importations étrangères par rapport aux PIB des pays clients (élasticité-revenus des importations) ; enfin la part occupée par les produits français sur les marchés étrangers. Mais il ne s’agit là que d’une estimation des effets mécaniques de la transmission internationale des variations conjoncturelles. Estimation qui est faite à politique supposée inchangée.
Des économie liées mais distinctes
Plusieurs correctifs s’imposent pour mieux apprécier l’économie du couple franco-allemand. Tout d’abord les ventes de la France en Allemagne ne portent pas que sur des produits français : nombre de nos exportations correspondent à l’exécution d’opérations de sous-traitance et de coproduction (de type Airbus) avec nos partenaires allemands et européens. Or, ces opérations répondent à des commandes lancées de longue date, moins sensibles aux aléas de court-terme. En outre, les filiales américaines des groupes allemands et français ont vu leurs rentabilités baisser.Ensuite les économies allemande et française possèdent des caractères qui dissocient leurs trajectoires conjoncturelles. Ainsi, les productions les plus sensibles aux fluctuations internationales pèsent plus lourd dans le PIB d’outre-Rhin. La France est moins vulnérable en raison de l’importance que les services occupent dans ses revenus. L’Allemagne éprouve des difficultés à adapter ses structures au type de concurrence internationale imposé par la révolution industrielle présente. Ainsi, ce pays a commis plus d’erreurs que les autres membres de l’Union européenne en vendant à un prix exorbitant (51 milliards d’euros, contre 20 dans l’Hexagone) les licences de téléphonie mobile de troisième génération. La dette des opérateurs freinera les investissements porteurs de nouvelles technologies. Enfin, les corporatismes ont contribué à faire échouer l’adoption d’une directive européenne qui libéralisait les procédures d’OPA et de fusion-acquisition.
*professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, directeur du centre d’études et de recherches sur la dynamique des organisations.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.