Les premières rumeurs datent du printemps dernier avec un article du Wall Street Journal. Canal Plus Technologies, filiale de la chaîne cryptée, qui conçoit des programmes logiciels d’interactivité et de contrôle, est à vendre. Vivendi Universal, en pleine débâcle financière, n’a guère d’autres choix que celui de brader les actifs non stratégiques. Les premiers prétendants se dévoilent, le Suisse Kudelski tout d’abord, puis quelques semaines plus tard, le magnat australien Rupert Murdoch. Le premier, à l’origine fabricant de magnétophones haut de gamme ?” le célèbre Nagra ?” s’est diversifié dans les logiciels de contrôle d’accès (Nagravision). Le second, via News Corp., dispose déjà de son propre logiciel de télévision à péage, NDS. L’été s’installe. Ni l’un ni l’autre ne semblent faire l’affaire. Et VU cherche toujours un repreneur. Alors qui ? Il y a bien Thomson Multimédia (TMM) mais, dans l’entourage de son président, Thierry Breton, on ne s’emballe pas. “On a 3% du capital de Canal Plus Technologies, qui a deux métiers, l’accès conditionnel et le middleware, qui permet l’interactivité sur les boîtes. Deux métiers dans lesquels TMM n’est pas et ne souhaite pas a priori être présent”, déclare au mois de juillet Frank Dangeard, directeur général-adjoint. Un “a priori” vite balayé par les encouragements chaleureux des pouvoirs publics. Canal Plus Technologies dispose en effet de deux pépites franco-françaises : Media Highway (logiciels d’interactivité) et Media Guard (programmes de contrôle d’accès), qu’il serait pour le moins choquant de voir filer à la concurrence. Et ce d’autant que Canal doit lancer son décodeur numérique de deuxième génération. TMM se retrouve donc installé à la table des négociations, et le projet, présenté le 17 septembre dernier lors d’un comité d’entreprise extraordinaire aux partenaires sociaux. Lesquels rejettent le dossier trois jours plus tard. “Le prix de cession fixé à 200 millions est anormalement bas et il serait regrettable que Canal Plus perde la main sur ces technologies”, estime Gérard Chollet, secrétaire du CE et élu CFDT.En dépit de cette opposition, Canal Plus Technologies se retrouve dans le giron de TMM, pour 190 millions d’euros (le groupe de Thierry Breton détenant 89% du capital). Et l’affaire semble d’autant plus originale qu’en matière de middleware, TMM est précisément à l’origine de la première technologie mondiale : Open TV.Conçue au début des années quatre-vingt-dix, puis développée dans le cadre d’un partenariat avec l’Américain Sun Microsystems, OpenTV se veut dès l’origine ouverte à tous : fabricants de décodeurs, opérateurs de réseaux câblés, satellites ou hertziens, diffuseurs ou développeurs de services. Une différence de taille avec Canal Plus Technologies, qui a toujours privilégié une technologie maison. Résultat : le Français revendique aujourd’hui 14 millions de décodeurs en circulation, essentiellement en Europe, dont 70 à 80 % équipent des abonnés de Canal Plus. Pour sa part, Régis Saint-Girons, président de la branche européenne d’Open TV (groupe devenu indépendant), estime à 27 millions d’unités son parc mondial de décodeurs auquel s’ajoutent huit autres millions de boîtes embarquant un navigateur HTML. Dans le domaine de l’interactivité, deux autres filières, américaines, achèvent de se partager le marché : TV Navigator de Liberate TV et Microsoft TV.
Surprise des professionnels
L’intégration de Canal Plus Technologies au sein de TMM a quelque peu surpris les professionnels du secteur. Certains attendent désormais une explication de la part de TMM. Comment un fabricant peut-il défendre une position de neutralité à l’égard des différentes filières technologiques proposées quand l’une d’entre elles est désormais sous son contrôle ? Pour TMM, l’un des premiers chantiers consistera à remettre cette technologie à niveau, car elle a pesé sur les résultats de Canal Plus, notamment en Italie où l’on recensait encore récemment environ deux millions de cartes piratées. Autant que d’abonnés payants ! “En revanche, la forte présence de TMM aux États-Unis ?” le groupe y réalise 60 % de son chiffre d’affaires ?” pourrait constituer un levier commercial non négligeable pour les systèmes de Canal Plus Technologies”, estime Julien Vin-Ramarony, consultant média chez Arthur D. Little. Qui plus est au moment où l’immense marché du câble est en train de basculer dans le numérique.
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