Février 2000, le géant américain du crédit en ligne E-loan débarque à Montpellier, rachète Aacredit, une start-up locale, et se prépare à conquérir le marché français. Moins d’un an plus tard, le site français ferme ses portes. Lancée en novembre 2000, la filiale française du groupe britannique Mynewdeal.com comptait, quant à elle, dégager des bénéfices dix-huit mois plus tard… Elle a été contrainte, à son tour, de mettre la clé verte, qui lui servait de symbole, sous la porte.“Les opérateurs directs, notamment en ligne, n’ont pas bouleversé le marché du crédit immobilier”, résume un rapport du consultant Dafsa publié en décembre 2001. En effet. “La part de marché des spécialistes du crédit immobilier en ligne ne dépasse pas zéro virgule zéro quelque chose”, assène Fabrice Kahn, spécialiste des services financiers chez Deloitte Consulting.
Au contact physique
De quoi expliquer en partie le virage à 180 degrés pris par les principaux acteurs du crédit immobilier en ligne en France : Meilleurtaux.com, qui se présente comme le leader du marché, a décidé d’abandonner son modèle 100 % en ligne au profit d’un modèle mixte click and mortar. Après avoir ouvert deux agences en dur ces derniers mois à Paris, l’entreprise va en lancer trois nouvelles d’ici à la fin mai (deux à Paris, une à Melun), et compte s’étendre en province, sans doute à Marseille et à Lyon.En filigrane de cette stratégie se retrouve le souci de rassurer le consommateur. “Outre sa complexité, le crédit immobilier est un produit anxiogène, souligne Isabel Boni, directrice générale de Discountis. C’est pourquoi le contact physique reste indispensable quand on veut vendre ce type de crédit.”À partir de cette analyse, chaque comparateur poursuit sa propre stratégie : si Discountis a développé un réseau de courtiers répartis sur tout le territoire, la société Adamos, elle, a préféré reprendre, en octobre 2001, le réseau d’agences physiques CPI. Quant à Meilleurtaux, il construit son propre dispositif.” Nous avons essayé de signer des accords avec des réseaux de courtiers traditionnels, confie son PDG Christophe Crémer, mais leur mode de fonctionnement ne répondait pas à nos attentes en termes de qualité. “De cinq conseillers opérationnels, début 2002, Meilleurtaux compte passer à trente en septembre. Sans crainte pour sa santé financière…“Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 1 million d’euros en 2001, avance-t-il. Nous atteindrons 3 millions en 2002… et là, nous gagnons de l’argent.”Le virage de ces prescripteurs vers une stratégie click and mortar s’accompagne d’un surprenant glissement, puisque les comparateurs en ligne ne se contentent plus de mettre en contact une offre de crédit (les banques partenaires) avec une demande (l’internaute) et de toucher une commission (généralement 1 % du montant du crédit) si le dossier aboutit. Ils établissent aussi un contact physique… dont devrait en principe se charger le banquier.“Pour des dossiers un peu complexes, concernant des professions libérales, l’aide de spécialistes est nécessaire pour la constitution du dossier avant d’être soumis aux banques partenaires, justifie Isabel Boni. Mais il ne faut pas non plus cacher la réalité : la création d’un réseau physique de courtiers permet aussi de remédier à la faible réactivité commerciale de certains partenaires bancaires.”
Prospects évaporés
Sur le terrain, deux banques sur trois semblent n’avoir pas adapté leurs structures aux exigences du crédit immobilier en ligne. “Or, affirme Xavier Petit [Société générale], même s’il s’agit pour nous d’une clientèle additionnelle à celle qui provient de nos autres canaux [réseau d’agences, partenariats avec des notaires ou des sociétés immobilières, etc.], il faut pouvoir traiter ses demandes en moins de 48 heures. “Au-delà, le prospect s’est évaporé… Une lacune d’autant plus regrettable pour les banques que le profil moyen des internautes à la recherche dun crédit immobilier se situe plutôt dans le haut de gamme : avec un revenu annuel moyen de 50 000 euros, ces internautes demandent un prêt moyen de 120 000 euros, au lieu de 76 000 euros en réseau classique.
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